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Moyen-Orient - Reportage

Du Liban à la Guyane, le parcours du combattant des réfugiés syriens

Nouvelle terre d’exil, ce département d’outre-mer cristallise les espoirs d’obtenir l’asile en France.

Du Liban à la Guyane, le parcours du combattant des réfugiés syriens

Asma, 25 ans, Bassam, 36 ans, et leur dernier fils âgé de 2 ans. Photo Marie Monier

Une bouteille de « charab el-ward » (sirop de rose) est posée près de l’évier. Le drapeau libanais floqué sur l’étiquette. « C’est un commerçant égyptien dans le centre-ville de Cayenne qui l’importe directement du Liban », explique Asma, une jeune mère de famille syrienne. Dans la chaleur moite de la saison des pluies, une gorgée de cette liqueur suffit à convoquer la mémoire. Quand Asma fuit la ville de Homs en 2013, elle a tout juste 17 ans. La maison où vivait sa famille a été détruite dans un bombardement. Dix ans après le début de la guerre, elle n’a rien oublié « des coups de feu, des snipers, des obus, de la peur ». La jeune femme se souvient de son père, disparu du jour au lendemain alors qu’il se rendait au travail. Plus de nouvelles de lui, depuis. Asma « prend sa mère sous le bras » et rejoint d’abord la Jordanie. Elle y rencontre Bassam, ancien coiffeur à Damas, lui aussi contraint à l’exil. « Mais il n’y avait pas d’avenir pour nous là-bas », déplore la jeune femme. Six ans de vie commune, mariés, parents de trois enfants, Asma et Bassam décident finalement de rejoindre la vallée de la Békaa, à quelques kilomètres de la frontière syrienne. « En Syrie, notre peur, c’était de mourir. Au Liban, notre peur, c’était que l’on nous renvoie en Syrie », souffle Asma. Là, des centaines de milliers de réfugiés syriens s’entassent dans des camps de fortune. Au total, près de 1,5 million de déplacés syriens vivent sur l’ensemble du territoire, selon les autorités libanaises. Sur place, le couple n’a pas le droit de travailler. « Dès que l’on sortait dans la rue, les Libanais nous faisaient comprendre que l’on n’était pas les bienvenus chez eux », regrette Asma. Elle hausse le ton, durcit soudainement son regard enfantin : « Tu ne peux pas rester parmi nous, tu dois retourner dans ton pays ! Voilà ce qu’ils me disaient. » « La seule chose à laquelle nous aspirons, notre droit, notre rêve le plus simple : c’est de nous sentir en sécurité. Il n’y avait pas d’avenir pour nous au Liban, alors nous sommes partis », raconte-t-elle.Fuir de nouveau, mais pour aller où? Rejoindre l’Europe par la Turquie ? « Cette voie est bouchée. » Traverser la Méditerranée ? Avec trois enfants et une grand-mère âgée : « Hors de question, trop dangereux ! » prévient Bassam, « aucun de nous ne sait nager ». Alors, il se renseigne sans relâche, demande conseil à son frère réfugié au Canada, à sa sœur exilée en Grande-Bretagne. C’est finalement sur Facebook que le père de famille découvre l’existence de la « route guyanaise », réputée « plus sûre » que la traversée de la Méditerranée. Les informations concernant les étapes du trajet sont essentiellement partagées sur WhatsApp et les réseaux sociaux. Gabi, un Syrien basé au Chili, a par exemple créé une chaîne YouTube dans laquelle il dit « conseiller » ses compatriotes afin qu’ils puissent rejoindre la Guyane. « Chaque jour, je reçois des plaintes, des témoignages tragiques, de nombreux Syriens me demandent de l’aide », explique-t-il.

Samar a gardé sur son portable les photos de sa « vie d’avant ». Elle a dû vendre sa voiture pour financer son périple jusqu’en Guyane. Photo Marie Monier

« Pire voyage »

Le périple est minutieusement ficelé. Il est d’abord préconisé de faire une demande de visa humanitaire – accordé par le gouvernement brésilien à toute victime du conflit syrien – auprès de l’ambassade du Brésil, située dans le pays de départ. Ce périple, Samar l’a pour sa part entamé en janvier 2020. Écrivaine druze menacée par le régime de Damas, elle atterrit au Brésil depuis Beyrouth, accompagnée de son mari Raqbee et de leurs deux fils, Majd et Mansour, âgés respectivement de 21 et 18 ans. Coût des visas et des billets : 13 000 dollars. « Lorsque nous sommes arrivés au Brésil, c’était le carnaval », se souvient Raqbee, ancien mécanicien à Soueida. « Mais ensuite l’épidémie de Covid-19 a explosé, et nous sommes restés coincés dans un logement au sud du Brésil que nous avions loué sur les conseils d’un ami ». Les mois passent, la situation sanitaire s’aggrave, et l’épargne de la famille s’amenuise. « Nous n’avions presque plus d’argent, il fallait qu’on atteigne la Guyane. »

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En novembre 2020, ils se retrouvent tous les quatre à Oyapock ; le fleuve qui sépare, de quelques minutes à peine, la collectivité française de son voisin brésilien. Mais la frontière est officiellement fermée en raison de la crise sanitaire, leur passeur doit contourner les contrôles en passant par l’océan Atlantique. La famille embarque à bord d’un petit bateau en pleine nuit. « C’est le pire voyage de toute notre existence. Il reste gravé dans notre mémoire », résume Samar. L’eau qui monte dans la petite embarcation. Les vagues... « Nous avions surtout peur pour nos enfants. Nous étions en plein océan, que pouvions-nous faire d’autre ? On aurait pu nager une ou deux heures, c’est tout... J’aurais préféré mourir dans un bombardement en Syrie que mourir dans l’eau », souffle Raqbee.

Avec leurs enfants, Samar et Raqbee vivent aujourd’hui dans un des hébergements d’urgence de la Croix-Rouge, au dernier étage d’un immeuble du centre-ville de Cayenne. « Les premiers temps en Guyane ont été très difficiles, mais il fallait tenir bon, car les souffrances en Syrie étaient encore plus douloureuses », avoue-t-il. Le couple bénéficie de la protection subsidiaire, qui leur donne droit à une carte de séjour française valable 4 ans. Majd et Mansour, leurs deux fils, ont obtenu le statut de réfugié et un titre de séjour de dix ans. Ils réfléchissent désormais à rejoindre la France métropolitaine. « Saint-Étienne ? Paris ? Ou chez mon frère dans le sud de la France ? » s’interroge Raqbee. Leur priorité : apprendre le français et recommencer à travailler. « Pas question d’être une charge pour l’État français. »

« Que des numéros »

En 2020, l’Ofpra – Office français de protection des réfugiés et des apatrides – a dénombré 362 premières demandes d’asile pour des Syriens en Guyane, presque six fois plus qu’il y a cinq ans. « Les premiers Syriens sont arrivés en Guyane en 2015 », explique Mathieu Tétrel, représentant en Guyane de la Cimade, une association d’aide aux migrants, réfugiés, déplacés et demandeurs d’asile. « On sait qu’il y a des personnes vulnérables qui sont actuellement bloquées au Brésil », assure-t-il. « Le jour de la réouverture des frontières, on s’attend à une recrudescence d’arrivées de demandeurs d’asile Syriens. »

Hassan*, 42 ans, a pourtant réussi à rejoindre Cayenne, malgré les restrictions de déplacements dues à la crise sanitaire. « Il y a un mois et vingt jours exactement », calcule-t-il sur sa montre. À ses pieds, un gros sac de voyage en toile marron, un cabas en plastique avec des restes de nourriture, un parapluie cassé. Depuis son arrivée, ce Syrien d’Alep dort dans la rue, « sous des tapis ». Hassan a du mal à parler, totalement désorienté. « Je ne dors pas bien, je suis stressé, j’ai constamment peur que l’on vienne m’agresser. » Il assure avoir déposé sa demande d’asile auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ainsi que de la Croix-Rouge pour pouvoir être hébergé. « À chaque fois, on me dit qu’on va me recontacter, mais au final personne ne l’a encore fait. »

La Guyane ne dispose pas de centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), et l’offre d’hébergement d’urgence est « largement sous-dimensionnée par rapport aux besoins », regrette Mathieu Tétrel. Selon l’humanitaire, en Guyane, chaque année moins de 10 % des quelque 3 000 demandeurs d’asile venus de plusieurs pays sont mis à l’abri.

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« Ici, en Guyane, nous ne sommes que des numéros », renchérit Walid. Cet ancien entrepreneur syrien dans le bâtiment a vu sa demande d’asile rejetée une première fois en mai 2020. Il a fait appel auprès de la Cour nationale de la demande d’asile (CNDA). Un an plus tard, il n’a toujours pas de nouvelles de son dossier. « Ici, on ne sait pas vers qui se tourner, à quelle porte frapper... J’attends depuis des jours, des mois, juste pour obtenir un rendez-vous auprès de la CNDA. Personne ne se préoccupe de ce que l’on ressent ! »

Walid a quitté le Liban en 2015, où il s’était réfugié avec sa femme et ses deux filles. Elles y habitent toujours, en attendant de pouvoir le rejoindre s’il obtient le statut de réfugié. « Imaginez... Cela fait six ans que je vis avec des souvenirs... le seul moyen pour voir ma famille, c’est via le téléphone portable. » Fièrement, il montre les vidéos de sa fille aînée jouant son premier morceau de violon. « Quand elle me demande : Quand est-ce que tu vas revenir papa ? Je ne sais pas quoi répondre. »

*Le prénom a été modifié

Une bouteille de « charab el-ward » (sirop de rose) est posée près de l’évier. Le drapeau libanais floqué sur l’étiquette. « C’est un commerçant égyptien dans le centre-ville de Cayenne qui l’importe directement du Liban », explique Asma, une jeune mère de famille syrienne. Dans la chaleur moite de la saison des pluies, une gorgée de cette liqueur suffit...

commentaires (1)

Franchement ! Vous aviez besoin d’écrire à six mains cet article sans intérêt ? Vous trouvez qu’il n’y a pas assez de Libanais immigrés dans le monde **+ de 12 Millions** pour en parler ? Vous allez au fin fond du diable pour trouver des Syriens immigrés pour réaliser votre reportage ? Une fois de plus vous cherchez le misérabilisme pour faire pleurer dans les chaumières. Essayez si vous en êtes capable de trouver des Libanais émigrés qui ont quitté le pays à cause de la guerre ou même avant la guerre, parlez de leurs parcours de leurs réussites et leurs échecs, essayez de les faire parler de leurs nostalgies ou de leurs regrets. C’est plus valorisant pour vous d’être au secours de la veuve et de l’orphelin, de Syriens Palestiniens ou autres … Mais de parler de Libanais qui ont trimé pour se faire une situation à travers de sacrifices et d’efforts incommensurable vos dévalorise, Votre défaitisme ambiant se ressent dans article.

Le Point du Jour.

23 h 44, le 08 juin 2021

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Commentaires (1)

  • Franchement ! Vous aviez besoin d’écrire à six mains cet article sans intérêt ? Vous trouvez qu’il n’y a pas assez de Libanais immigrés dans le monde **+ de 12 Millions** pour en parler ? Vous allez au fin fond du diable pour trouver des Syriens immigrés pour réaliser votre reportage ? Une fois de plus vous cherchez le misérabilisme pour faire pleurer dans les chaumières. Essayez si vous en êtes capable de trouver des Libanais émigrés qui ont quitté le pays à cause de la guerre ou même avant la guerre, parlez de leurs parcours de leurs réussites et leurs échecs, essayez de les faire parler de leurs nostalgies ou de leurs regrets. C’est plus valorisant pour vous d’être au secours de la veuve et de l’orphelin, de Syriens Palestiniens ou autres … Mais de parler de Libanais qui ont trimé pour se faire une situation à travers de sacrifices et d’efforts incommensurable vos dévalorise, Votre défaitisme ambiant se ressent dans article.

    Le Point du Jour.

    23 h 44, le 08 juin 2021

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