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Politique - Analyse

Trois mythes à déconstruire sur l’influence iranienne au Liban

La politique de Téhéran est incomparable avec celle des autres puissances, mais cela ne fait pas pour autant du pays du Cèdre une province iranienne.

Trois mythes à déconstruire sur l’influence iranienne au Liban

Un combattant du Hezbollah brandissant les drapeaux du parti chiite et de l’Iran. Photo d’archives AFP

D’un côté, on considère que le Liban est devenu la 32e province de l’empire perso-islamique et que le pays meurt d’avoir vendu son âme au diable. De l’autre, on estime que Téhéran n’a fait que s’inviter dans la question d’Orient, vieille comme le XIXe siècle, et on se félicite d’un rééquilibrage qui permet de se libérer de l’impérialisme américain. La question de l’influence iranienne au pays du Cèdre est actuellement l’une de celles qui provoquent le plus de polémiques et de surenchères. Elle donne lieu à des dialogues de sourds et nourrit les fantasmes de chaque camp. On peut en distinguer trois. Le premier est incarné par le Hezbollah et plus généralement par l’autoproclamé axe de la résistance. Ce dernier considère l’Iran non seulement comme un pays « ami », mais comme un véritable modèle dont on gagnerait à s’inspirer. Ce discours a au moins le mérite de l’honnêteté, jusqu’à une certaine mesure. Le parti chiite assume ses liens privilégiés avec la République islamique tout en mettant en avant, au gré de ses intérêts, son identité libanaise. Il a renoncé, du moins officiellement, à faire du Liban une république islamique, mais fait tout pour le maintenir dans l’orbite iranienne. Hassan Nasrallah appelle Beyrouth à « se diriger plus vers l’est », en faisant semblant d’ignorer que la grande majorité de la population, y compris ses plus proches alliés, n’y est pas favorable. Et en faisant semblant de ne pas voir qu’à part un discours idéologico-mystique, Téhéran n’a pas grand-chose à offrir au pays du Cèdre.

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Le deuxième camp n’est pas homogène et sa rhétorique est diffuse. On la retrouve chez les alliés du Hezbollah, dans les cercles intellectuels et chez une partie des révolutionnaires du 17 octobre. L’idée, ici, est de considérer que l’influence iranienne ne devrait pas être singularisée par rapport au jeu des autres puissances, le Liban étant condamné à être une arène pour les règlements de comptes régionaux. Pourquoi en effet reprocher à l’Iran ce que tout le monde fait ? Pour la simple et bonne raison que, justement, personne d’autre ne le fait de cette façon. Que le pays du Cèdre soit le théâtre d’une bataille entre des projets (géo)politiques concurrentiels, et ce depuis le XIXe siècle, est une lapalissade, même s’il ne faut pas non plus exagérer son importance sur la scène internationale et même régionale. Évidemment, les États-Unis, la France, l’Arabie saoudite, la Turquie ont tous ici des intérêts, et chacun fait en sorte de les préserver au mieux. Mais la politique de ces puissances passe essentiellement par les voies institutionnelles et repose, le plus souvent, sur une logique de donnant-donnant. Washington vient en aide, à titre d’exemple, à l’armée libanaise, en échange de quoi elle attend de celle-ci qu’elle soit la plus coopérative possible concernant les sujets les plus sensibles. La logique iranienne est tout à fait différente. Elle consiste, dans tous les pays où Téhéran intervient, à créer des partis-milices chiites sur le modèle des pasdaran dont l’objectif est à la fois de construire un État parallèle, mais aussi de mettre petit à petit la main sur les institutions officielles. En résumé : la République islamique prend tout sans rien offrir d’autre que la domination d’une communauté – ou plutôt d’un groupe au sein de celle-ci – sur toutes les autres.

« La moelle épinière du Hezbollah »

La relation que le Hezbollah entretient avec l’Iran est elle aussi incomparable avec celles que d’autres partis peuvent avoir avec des puissances étrangères. Il ne s’agit pas que d’une dépendance financière ou d’un alignement politique, mais d’un lien organique que certains refusent de voir, alors même qu’il est complètement assumé par le parti chiite. « Le secret de notre force, de notre croissance, de notre lutte et de nos martyrs est dans la velayet e-faqih, la moelle épinière du Hezbolllah », reconnaît Hassan Nasrallah lui-même, qui considère le guide suprême de la République islamique comme son autorité de référence en matière à la fois politique et religieuse. C’est lui qui décide de la paix et de la guerre, tout comme de l’entrée du parti sur la scène politique libanaise. S’il est évident qu’il a le dernier mot sur tous les dossiers stratégiques, son influence au quotidien tout comme la marge de manœuvre dont dispose le Hezbollah restent toutefois un mystère, y compris pour les analystes et pour les diplomates occidentaux. Le troisième camp, justement, est celui qui voit la main de l’Iran partout, derrière chaque microévénement qui anime et divise la scène libanaise. Il considère que « l’occupation iranienne » est la principale cause de l’effondrement du pays, et que tout le reste relève du superflu. Ce camp, largement composé de partisans du 14 Mars, a tendance à surestimer la réalité de « l’iranisation » du Liban.

Comment par exemple parler d’occupation dans un pays qui en a naguère connu deux, réelles, et qui devrait tout de même être capable de voir la différence ? Où sont les check-points iraniens ? Où sont les soldats de la République islamique qui prennent un malin plaisir à humilier et à effrayer la population ? Où sont les moukhabarat qui contrôlent l’activité de tous les fonctionnaires du pays, en prenant au passage leur bakchich à chaque transaction ? Les partisans de cette thèse pourraient arguer que ce sont justement les miliciens du Hezbollah qui jouent ce rôle au service de l’Iran. Mais peut-on vraiment parler d’occupation dans ce cas-là ? Celle de Libanais, même endoctrinés par la République islamique, sur d’autres Libanais ? Même si l’on admet cette hypothèse, « l’axe de la résistance » est loin d’occuper tout le pays, et bien plus que quelques irréductibles résistent encore et toujours à l’envahisseur. L’influence iranienne est par exemple incomparable avec celle dont bénéficiait la Syrie au temps de l’occupation. Damas avait un projet pour le Liban, une politique d’alliances dans chaque communauté, un contrôle de toutes les institutions du pays. Surtout, il a réussi à imposer une pax syriana, acceptée par la communauté internationale et par les pays arabes. Téhéran n’a rien de tout cela, même s’il tente via le Hezbollah et ses alliances avec Amal et le Courant patriotique libre d’être en capacité, si ce n’est d’orienter, au moins de paralyser l’État. C’est beaucoup. Mais ça ne suffit pas à faire du Liban une province iranienne.

D’un côté, on considère que le Liban est devenu la 32e province de l’empire perso-islamique et que le pays meurt d’avoir vendu son âme au diable. De l’autre, on estime que Téhéran n’a fait que s’inviter dans la question d’Orient, vieille comme le XIXe siècle, et on se félicite d’un rééquilibrage qui permet de se libérer de l’impérialisme américain. La question de...

commentaires (15)

Mais les chiites au Liban ils sont des arabes , libanais ou des perses?

Eleni Caridopoulou

20 h 33, le 02 juin 2021

Tous les commentaires

Commentaires (15)

  • Mais les chiites au Liban ils sont des arabes , libanais ou des perses?

    Eleni Caridopoulou

    20 h 33, le 02 juin 2021

  • Je suis content que vous ayez decouvert trois nouveau mythes. Dans un pays construit sur une base imaginaire, ce n'est pas etonnant. Le seul problem est que vous avez mal compris la notion du mythe, Quand dans les ecoles du sud, on demande aux etudiants de disserter sur les grandes qualites de Soleimini, le mythe se transforme en realite.

    SATURNE

    14 h 18, le 02 juin 2021

  • L'analyse n'est pas complète. Il fallait écrire: 3 mythes et une certitude. La certitude? On est occupé par l'Iran par les bons soins du hezb et ses lacquets... Si ceci n'est pas clair et visible il faut visiter son opticien.

    Wlek Sanferlou

    14 h 10, le 02 juin 2021

  • La présence iranienne au Liban est aujourd’hui une “pré-occupation” ! Beaucoup d’erreurs et de désinformation dans cet article, qui omet toute la dimension culturelle et identitaire de cette influence, qui tente de s’infiltrer petit à petit. Et qui n’a pas d’équivalent. Ni la présence palestinienne, ni même l’occupation syrienne ne cherchaient à propager un modèle de pensée et un mode de vie, comme c’est le cas. Il ne s’agit plus aujourd’hui d’un état dans l’État, mais bien d’une société distincte dans une société. Avec sa propre échelle de valeurs et de références culturelles. Les exemples d’imposition de restrictions, voire de certains interdits sont devenus nombreux. Cette emprise ou occupation est donc autant idéologique que politique, puisqu’elle cherche à exporter ses idéaux, et cela depuis l’ère Khomeini. Quant à, la présence militaire, si elle n’est pas visible, elle est subtile et bien dissimulée, puisqu’elle se traduit par une infiltration complète des institutions et autres organismes étatiques. L’instauration d’un État islamique par le parti de dieu est toujours d’actualité. De la bouche même de son secrétaire général, lors d’une intervention télévisée dans les années 90, l’objectif ultime de sa formation est l’établissement d’un état islamique qui se fera, toujours selon lui, “à travers les institutions”. Ce qui revient à dire à travers leur désintégration, comme on le constate tous les jours.

    Helou Youssef

    12 h 35, le 02 juin 2021

  • OU SONT LES SOLDATS DE LA REPUBLIQUE ISLAMIQUE ? JE NE VEUX PAS CARACTERISER CETTE QUESTION PAR RESPECT POUR MONSIEUR SAMRANI. MAIS LE HEZBOLLAH EST UNE MILICE PARAMILITAIRE, EN FAIT UNE ARMEE IRANIENNE QUI RECOIT SES ORDRES D,IRAN. QUAND AUX DIFFERENTES OCCUPATIONS, EN EXCLUANT ARAFAT ET ASSAD, PAR DES PAYS DIVERS, LE DIABLE EST UN RESPONSABLE VIA SA MILICE DE LA DESCENTE AUX ENFERS DU PAYS DU CEDRE, ET CE DIABLE C,EST L,IRAN ET LES VENDUS QUI L,ONT POUR SYMBOLE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 09, le 02 juin 2021

  • "« Le secret de notre force, de notre croissance, de notre lutte et de nos martyrs est dans la velayet e-faqih, la moelle épinière du Hezbolllah », Ah bon! Hassan Nasrallah parle le perse, à présent? LoL

    Georges MELKI

    11 h 06, le 02 juin 2021

  • Le Hezbollah n'a pas renoncé a transformer le Liban en une république islamique assujetti au Fakih. Loin de la. Il a prétendu l'oublier pour calmer les esprit, après la révolution des Cèdres, afin de pouvoir mieux asseoir son influence sur la communauté Chiite et surtout amadouer ses alliés Amal, CPL etc... Sinon dans les faits et actions, il a toujours agit pour constamment mettre le pays sous pression, destruction et neutraliser les institutions étatiques en encourageant la corruption, les trafiques etc... Il le fait en endoctrinant les jeunes Chiites, falsifiant l'histoire du pays, les mettant a l’écart du restant de la population, créant un état dans l’état et en même temps suçant les ressources dudit état afin que la fatigue, la misère et la lassitude fasse que le peuple finisse pas accepter l’idée d’être ou de devenir enfin une province Iranienne. Nous n'avons pas de problème si le Fakih est une référence de pratiques religieuses, comme le pape ou les patriarche Orthodoxe, mais il le devient lorsqu'il se permet de vouloir gérer notre vie et nos choix politiques. Ceci est une ligne rouge.

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 54, le 02 juin 2021

  • Belle analyse assez pondérée et étayée mais qui passe peut être à côté d'un point important celui de l'état dans l'état ou parallèle (notons qu'il n'est jamais fait état d'état fort qui est une troisième forme plus propre pour qualifier le parti de Dieu) qui ne se fait jamais en évoquant l'absence total de l'état libanais. car quel serait le crime du Hezbollah? celui de construire un état en faisant la guerre à un ennemi et dans cela d'être soutenu par au moins une puissance étrangère l'Iran. Mais tous les états modernes sont passés à partir du 16-17ème siècle par cette phase de développement par la guerre et c'est bien la guerre qui fait l'état en l"obligeant de s'organiser administrativement et logistiquement, en créant un socle commun et un imaginaire national. CE qu'est le Liban aujourd'hui est tou l'inverse aucune cohésion, un racisme anti musulman du fait de la sur représentation de partis-milices d'extrême droite dans le camp chrétien maronite et un aveuglement dans le choix de ces alliances qui place le pays dans un e positon de cible molle. Jamais les dirigeants de ce pays n'ont cherché à construire un état et un discours national, peut on le reprocher aujourd'hui au Hezbollah? peut on reprocher l'influence iranienne alors que le pays est ouvert à l'influence occidentale depuis des années avec le succès que l'on sait. Car l'armée et son état major ne sont pas sous influence iranienne, les finances non plus, la justice non plus, l'éducation non plus...

    WEHBE Rouba

    10 h 32, le 02 juin 2021

  • drole analyse m. samrani- bcp plus que drole, deraisonnable,inquietante meme s'agissant d'une conclusion qui fait peur: celle qui aboutirait a ce que les libanais digerent et vivent avec l'influance iranienne. SANS ALLER "DECRYPTER" cet article dans ses details, LA VERITE QUE MR. SAMRANI A OMIS D'INSISTER LA-DESSUS -je le cite "" Pourquoi en effet reprocher à l’Iran ce que tout le monde fait ? ""-fin de citation?? TOUT LE MONDE NE NOUS OBLIGE PAS A VIVRE UNE GUERRE DE LIBERATION ETERNELLE . ceci dit meme si d'autres nous y avaient obliges dans le temps, m. samrani ne doit pas y voir un pretexte.

    Gaby SIOUFI

    10 h 10, le 02 juin 2021

  • Article raisonnable et sensé.

    Tina Zaidan

    09 h 51, le 02 juin 2021

  • Le Hezbollah a été fait dès le départ pour détourner les ressources du Liban pour la survie du régime Assad ET pour que en maintenant le régime Assad le régime Pasdaran puisse assurer sa propre survie. Cette chaîne safavide n’est autre que l’Axe de l’Imposture. Étant donné que le Hezbollah est très profondément enraciné au Liban, l’Axe safavide n’a pas besoin d’une occupation stricte du pays pour atteindre son objectif de survie. Mais si le Hezbollah est si profondément enraciné au Liban c’est précisément parce qu’entre 1990 et 2005 il y a eu occupation militaire stricte de notre pays avec interdiction faite à l’armée de se déployer au Sud réservé par l’occupant au Hezbollah !

    Citoyen libanais

    09 h 02, le 02 juin 2021

  • Le principe fondamental de la politique safavide est: je ne peux pas me défendre chez moi donc je vais me défendre chez mon voisin. C’est ainsi que la secte safavide au lieu de résister aux ottomans chez elle en Anatolie (elle n’en avait probablement pas les moyens) a pris en hôtage l’Iran alors sunnite, le convertissant au chiisme de manière on ne peut plus forcée, afin de « résister » chez eux. La secte pasdaran qui a pris en hôtage l’Iran d’aujourd’hui n’est qu’une réminiscence de la secte safavide originale. Ils forment une caste à part, étrangère à leur propre peuple. De là vient une faiblesse inhérente qui les empêche de « résister » chez eux. « Résister » ou plutôt perpétuer uniquement leur secte. Alors ils vont « résister » chez les voisins iraquien syrien et libanais. Comment s’opère cette « résistance » ? Non pas en gouvernant directement l’Iraq la Syrie et le Liban mais en détournant toutes leurs ressources au profit de leur secte, exactement comme le fait un virus vis à vis de son hôte. Le régime Assad doit lutter chez son voisin libanais pour sa propre subsistance car il ne peut pas le faire uniquement chez lui, et de même le régime iranien doit lutter chez son voisin syrien pour sa propre subsistance car il ne peut pas le faire uniquement chez lui. Ce qui cimente l’alliance clique Pasdaran clique Assad c’est bien ce néo-safavidisme, dont le fruit est le Hezbollah, et la cible le Liban.

    Citoyen libanais

    08 h 53, le 02 juin 2021

  • Il est vrai qu;en géméral, l'occupation uranienne est plus subtile et moins évidente que les deux précédentes. La présence militaire est rarement ostensible (ne pas oublier toutefois l'épisode de mai 2008), mais la mesnace set présente. Il aura suffi de quelque miliciens sans armes, mais en chemises noires déambulant dans Beyrouth pour empêcher en 2011 que Hariri se succède à lui-même. Des opposants sont menacés, enlevés ou assassinés. Aucune décision importante ne peut être prise au niveau gouvernemental sans le "nihil obstat" de Nasrallah, donc, en fait de Rohani. Si les israéliens ne se mêlaient pas de la politique interne libanaise, la Syrie le faisait constamment. L'Iran suit la même voie. Quand un pays impose à un autre, par la menace des armes, sa politique, même si ces armes ne sont pas ostensiblement visibles, il me semble que le terme "occupation" est bien approprié,

    Yves Prevost

    07 h 28, le 02 juin 2021

  • il y a mille façon d’occuper un pays ... et l’histoire en est pleine d’exemple !!

    Bery tus

    06 h 38, le 02 juin 2021

  • Si vous n’êtes pas en mesure de voir que le Liban est devenu une province iranienne, c’est que vous êtes devenu un des citoyens de cette province iranienne. Le Hezbollah tue chaque jours ceux qui rejettent leur assujettissement à cette province. Un des derniers étant Lokman Slim. La destruction du port de Beyrouth fait partie des manœuvres militaires syro-irano-hezbollahi de l’occupation du Liban par l’axe chiite duodécimain . Nasrallah lui-même vous a dit que l’on est intégré définitivement dans cette province. Toutes les richesses du Liban fuient le Liban à cause du Hezbollah qui les redistribue dans ce qui est devenu une autre province iranienne : la Syrie.

    Saleh Issal

    06 h 22, le 02 juin 2021

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