Le patriarche maronite, Béchara Raï, s'est une nouvelle fois insurgé dimanche contre les autorités libanaises, se demandant si l'État complotait contre sa propre population. Le pays étant plongé dans une grave crise depuis bientôt deux ans, le chef de l'Église maronite a appelé la communauté internationale à aider d'urgence la population, sans conditionner une telle aide à la formation d'un gouvernement qui se fait attendre depuis dix mois.
Au cours de son homélie dominicale, Mgr Raï s'est d'abord penché sur les pénuries de médicaments et d'autres denrées, au moment où les autorités s'apprêtent à lever les subventions sur certains produits, ce qui fait craindre une flambée encore plus violente des prix.
Institutions publiques en grève ?
"Une partie de la crise a été provoquée en raison de l'avidité et du monopole. Il est temps de rationaliser les subventions, sans s'en prendre aux réserves obligatoires de la Banque du Liban, qui représentent l'argent de la classe moyenne et pauvre parmi les déposants, car tous les autres ont transféré leur argent à l'étranger", a estimé le patriarche. "Mais entre les retards dans le financement de la carte d'approvisionnement et le stockage de médicaments dans les entrepôts, à défaut de les distribuer afin de réaliser des bénéfices après la levée des subventions (...), c'est le citoyen qui paie", a regretté le chef de l'Église maronite. "Il incombe aux services de sécurité et des autorités judiciaires et de contrôle de perquisitionner les entrepôts pour mettre un terme au monopole et de mettre un terme à la contrebande frontalière. Pourquoi tant de manquements ? Les institutions de l'État sont-elles toutes en grève ? Sommes-nous face à un État qui complote contre sa propre population ?", s'est demandé le dignitaire chrétien.
Béchara Raï a ensuite dressé un plaidoyer en faveur d'une aide internationale urgente à la population libanaise dont plus de la moitié vit sous le seuil de pauvreté. "Si nous comprenons la position politique des gouvernements amis et frères qui lient toute aide au Liban à la formation d'un exécutif capable de réformes sérieuses, la situation catastrophique de la population nous pousse toutefois à demander à ces pays de l'aider avant qu'il ne soit trop tard. Le peuple est innocent du comportement de son État et de la classe politique en général. Le peuple mérite d'être aidé car il mérite de vivre", a martelé Béchara Raï.
Conférence internationale et neutralité
Le Premier ministre désigné Saad Hariri et le président de la République Michel Aoun, prisonniers de leurs rivalités personnelles et politiques, n'ont toujours pas réussi à mettre sur pied un gouvernement attendu pour redresser la situation. Un tel cabinet constitue une condition sine qua non pour le déblocage des aides financières internationales.
"Il n'y a pas de solution à la crise politique, économique, financière et sociale, sans l'organisation d'une conférence internationale pour le Liban, sous la houlette de l'ONU", a dans ce contexte réaffirmé Mgr Raï, appelant une nouvelle fois à appliquer les résolutions du Conseil de sécurité "dans leur intégralité". Le chef de l'Église maronite plaide en effet depuis des mois pour l'organisation d'une telle conférence. Un appel critiqué par le Hezbollah et ses alliés.
Le prélat maronite a appelé une énième fois à la neutralité du Liban face aux conflits régionaux, "afin qu'il puisse remplir son rôle de médiateur de paix et de stabilité dans son environnement arabe". Pour lui, le pays "ne doit pas être servir de tremplin pour la guerre, les conflits et les armes", dans une allusion claire à la politique du Hezbollah qui intervient militairement en Syrie, au Yémen et en Irak.
Jeudi soir, Béchara Raï s'était prononcé contre contre une Constituante et le partage communautaire par tiers, alors que des appels à une modification du système libanais et de la Constitution se font de plus en plus pressants, notamment de la part du Courant patriotique libre et de son allié chiite.
commentaires (7)
Au Liban, la place dans le fonctionnement de l'État des responsables religieux est aussi importante que celle des responsables politiques.
NASSER Jamil
16 h 40, le 31 mai 2021