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Nos Lecteurs ont la Parole

Génération des années 90, génération désenchantée

Vous me demanderez pourquoi je les décris, à ces jeunes ? Simplement parce qu’ils constituent une génération qui, jusqu’à ce jour, aussi jeune soit-elle, aurait tout vu ou plutôt tout vécu. Je décris une génération qui a toute une vie à perdre en suivant le modèle libanais dans le b.a.-ba d’une politique cauchemardesque. Cette génération fête en ces moments une tranche d’âge s’étalant de 23 à 30 ans. Elle peut être subdivisée en trois catégories : on retrouve les jeunes diplômés, le cœur rempli d’espoir d’être embauchés, excités à franchir le premier pas, dans le monde du travail. Ces diplômés, dans la majorité des cas, rejoignent leurs prédécesseurs, les jeunes chômeurs en train de lire et de relire leur CV à la recherche de cette faille qui les empêche d’accéder à un poste respectable. Mais il ne faut pas les sous-estimer ; ce groupe est en train de grandir et d’évoluer jusqu’à constituer 37,5 % des chômeurs au Liban.

Finalement, on arrive au troisième et dernier groupe, les travailleurs, les chanceux à avoir percé le monde du travail, mais qui voient leurs salaires réduits à néant avec la continuelle dévalorisation de la livre libanaise. Ces employés luttent pour sécuriser leurs postes face à des employeurs insatisfaits tentant le tout pour le tout pour les faire fuir avec le minimum d’indemnités. Voilà un tableau dépeignant la réalité que nous affrontons. La richesse d’un pays se mesure par sa jeunesse, atout prometteur et innovant dans la croissance économique.

Ailleurs, les jeunes bâtissent leur avenir, concrétisent leurs rêves, alors que pour nous, notre quotidien est érodé par une crise économique sans pareille, transformant notre sentiment d’appartenance en un sentiment d’indifférence. Nous essayons de nous ajuster à ce nouveau mode où sortir est un luxe auquel nous n’aspirons même plus. Nous sommes une génération prise dans les filets de ce régime monarchique, voire dictatorial. Nous sommes nés sous l’emprise des dirigeants, quadragénaires, en pleine crise de puissance, bâtissant leurs empires. Trente ans plus tard, cette même génération observe ces mêmes dirigeants vieux et ridés, en pleine crise d’ignorance, en train de détruire nos souvenirs et de piétiner notre avenir.

Toute notre vie, nous avons été bercés par le fameux dicton : le Liban est destiné à outrepasser une crise chaque décennie. Ce slogan transmis de père en fils est une dose de morphine injectée afin d’atténuer la fêlure du moment présent. Sommes-nous une jeunesse condamnée à vivre sous le mandat de ces trafiquants ? Ces voleurs aux chaussures cirées et costumes repassés qui perdent le temps dans des combats de coq stériles et gargarisent le peuple avec l’idée du changement ? Vous avez chamboulé notre vie en tirant sur nous à boulets rouges et dans toutes les directions. Restez cloués à vos postes et scotchés à vos chaises. Vous serez à tout jamais haïs et vous entrerez dans l’histoire par la grande porte comme des dirigeants qui ont vendu tout un pays et enterré tout un peuple.

Pourquoi les règles ne sont pas appliquées de façon équitable ? Un citoyen qui vole un paquet de pain pour nourrir sa famille écope d’un séjour en prison. Cependant, les voleurs des économies de tout un peuple sont considérés des héros, acclamés et couverts par la loi. Des lois qu’ils ont longuement tissées pour camoufler leurs complots sous le slogan de la sauvegarde de l’indépendance du Liban. Nous sommes une génération qui a grandi sur le très fameux conte du chat et de la souris, un tandem qui s’est rapidement installé dans notre gouvernement. Ce duo de « je t’aime moi non plus » voit dans ses désaccords une feuille de route électorale afin de jouir d’une vaste renommée. Du peu de ce qu’on a pu voir, nous pouvons conclure que la politique s’apparente à un jeu sur l’échiquier. Nous, citoyens, sommes les pions entre les mains des commerçants, les rois et reines du marché. Nous sommes entourés de forces étrangères qui tantôt jouent le rôle de la tour, freinant notre avancement, et tantôt le rôle du cavalier, soutenant notre lutte interminable. Mais au total, nous sommes tous sous l’emprise non pas de deux, mais de plusieurs fous représentant tous les partis et toutes les couleurs.

À l’opposé du véritable jeu d’échecs, nous leur avons accordé un rôle majeur dans notre vie, et ils se sont pris pour des rois. Nous sommes emprisonnés dans un jeu qui ne prendra fin que lorsqu’un hasard viendra renverser ce damier. Dans tout ce chaos, nous sommes la génération fougueuse et spontanée, et eux, rois de la procrastination, se retrouvent réduits à néant.

Dieu nous a avertis : « Il est impossible qu’il n’arrive pas de scandales, mais malheur à celui par qui ils arrivent. » Malheur à vous, marchands du temple, car vous avez vendu notre vitalité. Nous devons déchirer les rideaux des apparences afin de ne pas nous laisser guider et dominer à l’aveugle. C’est là que résident la force et le souffle de notre jeunesse.

Voilà une représentation générale de cet environnement malsain qui berce cette génération, « ma » génération. Nous avons pris conscience de la vérité amère selon laquelle tant qu’il n’y aura pas un véritable changement au niveau des lois, quiconque accédera au pouvoir n’aura pour but que d’améliorer son statut financier.

Le Liban, ce pays sacré, ne baissera jamais la tête devant ses démons. Un vers de la chanson de Jean-Jacques Goldman constitue une promesse de la part de notre génération à cette classe dirigeante : « (Nous) garderons les blessures, mais au-dessus (nous vous jurons) que (nous) effacerons vos noms. »


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Vous me demanderez pourquoi je les décris, à ces jeunes ? Simplement parce qu’ils constituent une génération qui, jusqu’à ce jour, aussi jeune soit-elle, aurait tout vu ou plutôt tout vécu. Je décris une génération qui a toute une vie à perdre en suivant le modèle libanais dans le b.a.-ba d’une politique cauchemardesque. Cette génération fête en ces moments une tranche...

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