La paralysie du processus gouvernemental ne surprend guère les opposants au pouvoir en place, notamment les Kataëb et les Forces libanaises. Celles-ci sont de plus en plus convaincues que la mise sur pied d’une nouvelle équipe ministérielle est impossible avec la majorité parlementaire actuelle (principalement articulée autour du Hezbollah et de ses alliés). Pour le parti, la solution débuterait par des démissions collectives qui mèneraient vers des législatives anticipées afin de renouveler le pouvoir.
C’est dans ce sens que va l’appel lancé hier par Sethrida Geagea, députée FL de Bécharré, au bloc du Liban fort, dont le Courant patriotique libre est la principale composante, depuis Bkerké.
S’exprimant à l’issue d’une réunion entre une délégation de son parti et le patriarche maronite Béchara Raï, Mme Geagea a déclaré : « Il n’y a aucun espoir à avoir un gouvernement qui se formerait sous la majorité actuelle au pouvoir. C’est pourquoi nous ne sommes pas intéressés par la formation d’un nouveau cabinet. Même si le gouvernement est formé, il ne sera qu’une copie conforme de celui qui l’a précédé », a-t-elle estimé, ajoutant qu’avec la majorité actuelle, « aucune réforme n’est possible ».
« La seule solution est de reconstruire le pouvoir. Il n’y a qu’un seul moyen de sauvetage (...) la tenue de législatives anticipées. Je saisis l’occasion pour appeler le bloc du Liban fort à coordonner avec nous pour que nous démissionnions tous du Parlement », a lancé la députée, estimant qu’une telle démarche « mettrait le Parlement en porte-à-faux avec le pacte national », dans la mesure où la majorité écrasante des députés chrétiens serait démissionnaire. « Nous irions alors vers des élections anticipées », a-t-elle dit.
Ces propos de Mme Geagea s’inscrivent dans la continuité de la bataille que Meerab mène depuis des mois pour que soit organisée une consultation populaire anticipée, sachant que le prochain scrutin est prévu, en principe, en mai 2022. Mais les FL estiment qu’une démission unilatérale de leur part ne mènerait pas le pays vers des législatives, d’où la pression sur leur principal adversaire sur la scène chrétienne. « Nous espérons qu’ils (le groupe parlementaire aouniste) se saisiront de cette initiative », a déclaré Mme Geagea, rappelant que sa formation avait tenté, dans la foulée de la tragédie du 4 août 2020, de convaincre (ses anciens alliés) le Parti socialiste progressiste et le courant du Futur de claquer la porte du Parlement, mais que la démarche n’a pas abouti.
Tout comme les FL, les Kataëb, dont les trois députés ont démissionné du Parlement quelques jours après la double explosion au port de Beyrouth, ont appelé hier à ce que de nouvelles élections se tiennent « incessamment ». « La situation actuelle ne changera pas tant que le Parlement se pliera à la volonté du Hezbollah », a déploré le bureau politique du parti dans un communiqué publié à l’issue de sa réunion hebdomadaire hier. « La tenue d’élections législatives au plus tôt pourrait changer la donne », a encore souligné le parti de Samy Gemayel.
De son côté, le camp aouniste ne semble pas disposé à lâcher du lest. Le leader du CPL, Gebran Bassil, avait certes évoqué, lors de sa toute dernière conférence de presse samedi, l’option de la démission de la Chambre. Au vu des rapports complètement rompus entre le Premier ministre désigné et le camp présidentiel, Gebran Bassil a estimé qu’il s’agit du « seul moyen » pour que Saad Hariri n’ait plus à former la future équipe ministérielle. M. Bassil avait toutefois estimé que l’heure n’est pas à la tenue de législatives anticipées, qui « ne modifieront pas la donne », selon lui. Une position que le bloc aouniste a naturellement réitérée à l’issue de sa réunion hebdomadaire hier. Les aounistes rejetaient ainsi clairement l’appel des FL contre lesquelles M. Bassil avait décoché samedi ses flèches. Le bloc s’est en outre, dit « ouvert » à une entente qui porterait sur un agenda de réformes dont feraient partie des législatives anticipées.
Bassil en Russie
Pour le moment, le chef du CPL reste plutôt soucieux de se placer au centre des tractations gouvernementales. À cette fin, il est attendu à Moscou ce soir, deux semaines après une visite similaire de Saad Hariri. De source informée, on apprend que M. Bassil pourrait se réunir avec le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ainsi qu’avec son adjoint pour les Affaires du Proche-Orient, Mikhaïl Bogdanov.
De même source, on indique que les deux responsables devraient insister sur l’attachement de Moscou à la stabilité du Liban et à l’initiative lancée par le président français Emmanuel Macron, à Beyrouth en septembre dernier, et prévoyant la mise en place d’un cabinet de mission qui lancerait le processus de réformes. Ils se prononceraient également en faveur d’un gouvernement de spécialistes dirigé par Saad Hariri, une position que la Russie avait déjà exprimée à plusieurs reprises au cours des derniers mois.
commentaires (6)
Bassil vendrait son âme au diable , il l'a déjà vendu au parti du diable, pourvu qu'il soit président ???
Eleni Caridopoulou
17 h 01, le 28 avril 2021