En moins d’un mois, plusieurs opérations de trafic de drogue en provenance du Liban ont été déjouées dans différentes régions du monde, la dernière en date étant la cargaison de grenades truffées de captagon découverte par l’Arabie saoudite. La marchandise, estimée à plusieurs millions de dollars, a été saisie et des suspects ont été arrêtés. Parallèlement, les enquêtes se poursuivent à la recherche de pistes dans cette affaire qui a poussé le royaume wahhabite à suspendre, vendredi dernier, l’importation des fruits et des légumes du Liban.
Il y a un peu plus d’un mois, le 15 mars, les autorités malaisiennes ont réussi à intercepter 16 tonnes de captagon, d’une valeur de près de 1,7 milliard de dollars, à Port Kelang (État de Selangor). L’opération est le fruit d’une coopération entre le Bureau de lutte contre la drogue relevant du ministère saoudien de l’Intérieur et la police malaisienne. La saisie de cette marchandise, qui devait être acheminée vers l’Arabie saoudite, a permis de remonter la piste jusqu’à Hassan Dekko, trafiquant de drogue arrêté le 9 avril par les services de renseignements libanais à son domicile situé à Ramlet el-Baïda, à Beyrouth. Son nom a de nouveau été évoqué ces derniers jours par certains médias suite à la saisie en Arabie saoudite de pilules de captagon dissimulées dans une cargaison de grenades en provenance du Liban.
Les habitants de Tfaïl, un village sunnite du caza de Baalbeck, et des localités avoisinantes connaissent bien Hassan Dekko, et le considèrent comme un homme puissant et un hors-la-loi bénéficiant de la couverture d’hommes influents au Liban et en Syrie.
Au début de l’année, des conflits ont éclaté dans ce village libanais enclavé à l’intérieur de la Syrie, et qui compte de nombreux paysans et agriculteurs. Selon un habitant du village, des hommes armés venus de Syrie ont ouvert le feu et tiré des obus sur les maisons et les générateurs, dont celui du puits artésien qui alimente la localité en eau potable. Selon un habitant, l'ombre de Hassan Dekko plane sur cette attaque.
« Dekko est l’homme du régime syrien et du Hezbollah, affirme cet habitant. Il maintient des relations avec des personnes influentes au sein d’autres partis également. C’est un homme d’affaires syrien qui s’est fait naturaliser récemment. Il commande les hommes qui sèment la terreur parmi les habitants pour les pousser à fuir leur village. Car ce village, qui couvre 52 kilomètres carrés, est considéré comme une région stratégique, d’autant qu’il se situe à 57 kilomètres de Damas. Sans compter qu’il constitue une voie sécurisée pour le régime syrien pour passer en contrebande du carburant et des médicaments », affirme cet habitant de Tfaïl.
Une omerta entoure tout ce qui se passe à Tfaïl. « Des informations circulent selon lesquelles plusieurs partis y ont des intérêts, confie un autre habitant de la région. Tantôt on dit qu’une cimenterie sera édifiée dans la localité avec le soutien du Hezbollah, tantôt on parle d’une décharge qui sera aménagée sur des terrains domaniaux près de Tfaïl, avec le soutien de parties proches du courant du Futur. Il y a également des informations selon lesquelles Hassan Dekko possédait une usine de captagon dans le village. »
Quid de la sécurité des habitants ? « Après les attaques menées contre les habitants, l’armée s’est déployée dans le village, mais elle n’y a pas érigé de postes fixes », souligne une source.
Mainmise sur Tfaïl
Un autre habitant de la région, qui souhaite garder l'anonymat comme tous les autres dans cette affaire sensible, accuse des hommes de Hassan Dekko d’avoir arraché des arbres fruitiers que possèdent depuis plus d’un siècle des familles du village, sous prétexte qu’ils en sont les propriétaires. « Lorsque l’un des villageois, Mansour Chahine, s’est insurgé contre ces agissements, des hommes de Dekko l’ont tabassé devant son épouse et ses enfants avant de l’enlever, poursuit cette source. Il n'a été relâché que mois plus tard. » Dans ce cadre, le mohafez de Baalbeck-Hermel, Bachir Khodr, a remis en juillet dernier au chef de la police de la Békaa une lettre signée par les habitants de Tfaïl l’appelant à enquêter sur les attaques menées contre leurs propriétés et à prendre les mesures nécessaires pour y mettre un terme. Les habitants ont également déposé une plainte auprès du parquet contre les agissements de Hassan Dekko. Ce dernier a, pour sa part, affirmé avoir racheté des terrains possédés par la Banque du Liban dans la région. Mais selon un des habitants cités plus haut, une source à la BDL assure que les terrains que la banque centrale possède dans la localité lui appartiennent toujours. Ce qu’elle a d’ailleurs souligné dans un communiqué publié le 22 juillet dernier, démentant avoir « vendu le village de Tfaïl » à des « parties étrangères ». « Hassan Dekko se protège en entretenant de fortes relations avec des services judiciaires et militaires des États libanais et syrien », affirme l’habitant en question.
C’est ce que tendent à montrer des photos de Hassan Dekko avec plusieurs responsables politiques ayant circulé sur les réseaux sociaux, mais aussi des photos du convoi armé de Hassan Dekko publiées par un groupe du mouvement de contestation du 17 octobre et dont deux voitures ont été achetées à l’ancien ministre de l’Intérieur Nouhad Machnouk. Il a aussi réussi à obtenir du ministre sortant de l’Intérieur Mohammad Fahmi une licence lui permettant d’édifier cinq hangars à Tfaïl, alors que les habitants du village n’obtiennent pas de permis de construction.
Il faut qu'on n'Dekko bill habbés et qu'il emporte avec lui ses captagons pour les distribuer à ses prochains compagnons: les corrompus de cette classe politique
00 h 06, le 29 avril 2021