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Un bref devoir de mémoire

Les rapports entre les Libanais– toutes tendances et communautés confondues, ou presque– et une large partie des dirigeants syriens n’ont pas toujours été un long fleuve tranquille depuis le tournant de 1920… Surtout au cours des dernières décennies, et la commémoration aujourd’hui 13 avril du déclenchement de la guerre libanaise ne manquera pas de faire revivre dans notre mémoire les sombres années de l’occupation syrienne. Les faits, ou plutôt les méfaits, sur le terrain ne manquent pas sur ce plan : des diverses opérations successives de déstabilisation au pompage systématique des ressources du pays, en passant par la politique de pyromane-pompier, et évidemment les assassinats politiques – Kamal Joumblatt, le mufti Hassan Khaled, Bachir Gemayel, René Moawad, pour ne citer que quelques-uns – sans oublier la sanglante attaque de l’armée syrienne, en février 1987, contre la caserne Fathallah du Hezbollah, à Basta, qui avait fait une trentaine de morts (liquidés de sang-froid) dans les rangs du parti chiite.

Dernier en date de ces gestes très peu « fraternels » : le récent empiétement syrien sur la zone d’exclusion économique au Liban-Nord, avec comme conséquence, sur base d’un contrat signé avec la Russie, l’exploitation de richesses gazières et pétrolières qui reviendraient de droit au Liban.

Plus grave encore : les dernières révélations d’un ancien diplomate américain de haut rang Frederic Hof qui a indiqué que le président Bachar el-

Assad lui avait affirmé au cours d’un entretien personnel que les fermes de Chebaa sont syriennes. C’est le directoire du Hezbollah qui devrait apprécier : cette affirmation abolit d’un revers de la main toute l’argumentation du parti pro-iranien qui cherche à légitimer son attachement à son arsenal militaire en évoquant le maintien de l’occupation par Israël de parcelles du territoire libanais, en l’occurrence… les fermes de Chebaa.

Comment ne pas se souvenir aussi de la fâcheuse mésaventure du président Sleiman Frangié en 1973 lorsqu’il avait chargé l’armée libanaise de lancer une opération militaire contre les organisations palestiniennes afin de mettre un terme aux multiples violations de la souveraineté nationale par l’OLP, qui s’était érigée en mini-État concurrent de l’État central. Le président Frangié avait été contraint de faire marche arrière sous la pression du président syrien Hafez el-Assad, en dépit des liens amicaux et familiaux très étroits qui liaient les deux hommes. C’est à la suite de cet épisode, soit dit en passant, que les partis chrétiens – les Kataëb, le Parti national libéral et le Tanzim – avaient décidé d’ouvrir des camps d’entraînement militaire afin d’encadrer leurs partisans pour s’opposer aux débordements palestiniens.

Un tel devoir de mémoire, aussi modeste et limité soit-il, n’est pas totalement dépourvu d’intérêt dans la mesure où il infirme la thèse, encore défendue par certains, sur l’alliance des minorités. La nécessité d’une « alliance entre maronites et alaouites » avait été évoquée pour la première fois dès le début de la guerre libanaise, en 1976, par certains intellectuels et journalistes libanais. La suite des événements au fil des ans – notamment la « guerre des cent jours » contre Achrafieh en 1978, les bombardements de Aïn el-Remmané, le siège de Zahlé en avril 1981 et l’assassinat du président Bachir Gemayel – explique mal où se situerait la logique d’une telle « alliance des minorités ». Ce qui a fait dire au début des années 80 à un éminent avocat (disparu trop tôt), qui était très bien introduit dans les milieux de l’Internationale démocrate-chrétienne, que le régime syrien n’épargne aucun effort pour briser l’influence et le pouvoir des chrétiens du Liban, car il sait que ces derniers sont le principal obstacle à son entreprise de domination du pays du Cèdre. Bachir Gemayel avait bien résumé cette situation en soulignant que les dirigeants syriens ne conçoivent leurs rapports avec les Libanais que sous l’angle de l’équation « agent ou ennemi ».

Sans verser dans la « syrianophobie » ou la généralisation outrancière, force est quand même de relever que les relations conflictuelles entre le Liban et certains dirigeants syriens ne sont pas une exclusivité propre au seul régime Assad, père et fils. Un survol rapide des éditoriaux de Georges Naccache, Michel Chiha ou Charles Hélou dans les années 40 et 50 du siècle dernier permet d’établir que les mesures de vexation ou les actes hostiles en provenance de Damas remontent aux premières années du Liban indépendant.

Il reste que dans le sillage de la révolution du Cèdre, un groupe d’intellectuels et d’activistes syriens avait signé en 2006 (avec des collègues libanais) la fameuse déclaration Beyrouth-Damas définissant les bases d’un assainissement solide des relations entre les deux pays. Cela leur avait valu pour certains un séjour dans les geôles syriennes et pour d’autres d’être la cible de l’ire du pouvoir en place. Mais ils auront eu au moins le courage de prouver que les relations fiévreuses entre les deux peuples ne sont pas nécessairement une fatalité.

Les rapports entre les Libanais– toutes tendances et communautés confondues, ou presque– et une large partie des dirigeants syriens n’ont pas toujours été un long fleuve tranquille depuis le tournant de 1920… Surtout au cours des dernières décennies, et la commémoration aujourd’hui 13 avril du déclenchement de la guerre libanaise ne manquera pas de faire revivre dans notre...

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Erratum : le Golan, y compris les Hameaux syriens de Chebaa, est occupé depuis 1967 et non depuis 1973

Un Libanais

21 h 29, le 13 avril 2021

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Commentaires (6)

  • Erratum : le Golan, y compris les Hameaux syriens de Chebaa, est occupé depuis 1967 et non depuis 1973

    Un Libanais

    21 h 29, le 13 avril 2021

  • Lorsque les troupes israéliennes ont envahi le Golan syrien en 1973, elles ont trouvé, accroché au-dessus de la porte de la gendarmerie des Hameaux de Chebaa, un drapeau syrien. En occupant le Golan syrien, y compris les Hameaux de Chebaa, elles ont donc considéré qu'il s'agissait de terres syriennes, réfutant ainsi les thèses du Hezbollah et de ses alliés qui clamaient que les Hameaux de Chebaa ne sont pas syriens. Même Bachar El Assad à toujours considéré que les 22 km carrés des Hameaux sont syriens. Point final.

    Un Libanais

    20 h 01, le 13 avril 2021

  • Les ennemis du Liban sont: la Syrie, le Hezbollah et tous les partis et hommes politiques libanais (les traitres) qui ont vendu le Liban à la Syrie et au Hezbollah (c'est à dire à l'Iran).

    Achkar Carlos

    19 h 32, le 13 avril 2021

  • UN ARTICLE FRANC ET CLAIR ET TRES OBJECTIF OU PRESQUE TOUT EST DIT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 56, le 13 avril 2021

  • La Syrie a toujours été le premier ennemi du Liban. Ils n’ont jamais digéré le fait que ce pays soit déclaré un pays indépendant d’où leur refus de tracer les frontières après des décennies de son indépendance prétextant que le Liban et la Syrie sont un et indivisible pays pour pouvoir pomper ses richesses et avoir une mainmise sur sa politique intérieure. Les présidents Chamoun, Helou, Sarkis ont tenu tête au Assad père et obtenu que les agissements de spoliation cesse jusqu’à l’arrivée du vendu Frangieh qui leur a offert ce pays sur un plateau d’argent et depuis tout monde connaît la suite ils se sont agglutinés telle une sansue à ce pays et lui ont sucé le sang jusqu’à la moelle en se servant des mercenaires iraniens une fois qu’ils ont été obligé de débarrasser le plancher. Nos seuls ennemis sont la Syrie et l’Iran qui ont toujours manigancé pour changé l’identité et le paysage de notre pays et sans l’aide des libanais vendus ils n’auraient jamais atteint leur but. Alors nous n’avons qu’à nous prendre à nos électeurs aveuglés par les services et passe-droits que ces vendus leur cèdent avec quelques dollars pour les acheter ils ont vendu leur âme au diable et subissent les conséquences en étant persuadés que les méchants ce sont les autres alors qu’ils les ont humilié et anéanti, et ça n’est qu’un début. Un potentat a remplacé la démocratie et la dictature suivra et ce sont ces mêmes partisans qui paieront le prix fort comme tout le monde eux qui se croient à l’abri.

    Sissi zayyat

    11 h 11, le 13 avril 2021

  • Si - ce que personne ne conteste - Israël est l'ennemi du Liban - la Syrie l'est 10 fois plus.

    Yves Prevost

    07 h 07, le 13 avril 2021

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