
Un homme arrêté le 13 mars 2021 par les Forces de sécurité intérieure, après avoir dévalisé plusieurs boutiques à Saïfi, à Beyrouth. Photo tirée du compte Twitter @LebISF
Le Liban pourrait-il faire face à une flambée de violence due à la dégradation de la situation sociale et économique ? Les dernières déclarations du ministre sortant de l’Intérieur, Mohammad Fahmi, la semaine passée sur la chaîne LBCI, laissent présager le pire. « La situation sécuritaire est en chute en libre. Le pays pourrait faire face à tous les scénarios possibles, et je ne parle pas seulement des attentats », avait dit M. Fahmi, un habitué des propos polémiques.Des propos qui viennent angoisser un peu plus encore une population déjà écrasée par la crise. Une situation qui a entraîné des accès de violence jusque dans les supermarchés. Il y a quelques semaines, des clients se battaient dans un grand supermarché pour un paquet de lait, tandis que samedi dernier, des rayons alimentaires d’une grande enseigne du Kesrouan étaient pillés par des dizaines de personnes. Des chiffres fournis par les Forces de sécurité intérieure à L’Orient-Le Jour confirment une flambée des crimes et délits en tout genre durant l’année écoulée. Les vols ont ainsi augmenté de manière générale de 57 % entre fin 2019 et fin 2020. Plus spécifiquement, les vols de voitures ont augmenté de 112 % et les meurtres de 83 %. Lors de son intervention télévisée, Mohammad Fahmi avait indiqué que les vols à l’arraché avaient augmenté de 150 %. « Les informations que j’avance se basent sur des données qui ne sont pas uniquement en ma possession ou entre les mains des services sécuritaires. Tous les Libanais sont conscients de la situation », avait ajouté le ministre sortant. M. Fahmi n’était pas disponible hier pour répondre aux questions de L’OLJ.
Contacté par L’OLJ, l’ancien ministre de l’Intérieur Marwan Charbel estime que les propos de M. Fahmi auraient dû être plus modérés, afin de ne pas susciter la panique. « Il ne faut pas terroriser les gens, il y a encore de l’espoir », affirme M. Charbel. Il ajoute néanmoins qu’« avec les circonstances actuelles, on pourrait bientôt arriver à la situation dont parlait le ministre, à savoir l’insécurité qui pourrait doubler, voire tripler ».
Mohammad Fahmi avait laissé entendre par ailleurs qu’il ne pourrait pas contrôler la colère des responsables sécuritaires, également confrontés aux répercussions de la crise. « Quand un militaire me dit que ses enfants ont faim, que puis-je faire ? Combien les services sécuritaires peuvent-ils encore supporter? Je tire la sonnette d’alarme. Sans gouvernement, nous pourrions sombrer dans un gouffre sans fond », a-t-il mis en garde.
Repris de justice en action
« La conjoncture qui prévaut depuis plus d’un an et demi a favorisé l’insécurité et l’augmentation des crimes », confirme un responsable sécuritaire au sein des FSI, sous couvert d’anonymat. « La paralysie politique, la flambée du dollar, les manifestations et les explosions du port sont autant de facteurs qui ont fait exploser la criminalité », indique-t-il à L’OLJ. Ce responsable écarte toutefois le risque de violences perpétrées par ceux qui ont sombré dernièrement dans la pauvreté. « Ceux qui commettent les crimes et délits sont en général des repris de justice et non pas des citoyens qui viennent de sombrer dans la pauvreté, explique ce responsable. Il s’agit de criminels qui essaient de tirer profit de la situation. » « Quant aux gens frappés par la crise, ils sont plutôt impliqués dans des conflits à caractère individuel, comme les querelles qui ont eu lieu dans certains supermarchés dernièrement », ajoute-t-il.
« Le problème de base n’est pas sécuritaire. Il est politique et économique. Il faut des réformes économiques et politiques rapides », poursuit ce responsable qui appelle à la vigilance. « Nous recommandons de ne pas porter son sac du côté de la route (de crainte des vols à l’arraché). Nous recommandons aussi de verrouiller les portières de sa voiture, de poser son sac à main non sur un siège de la voiture, mais sur le plancher du véhicule, de ne pas ouvrir la porte à des inconnus et de ne pas porter de bijoux voyants », souligne-t-il.
Rabih Haber, directeur de Statistics Lebanon, considère pour sa part que l’augmentation des crimes et délits au Liban « est la preuve d’un effondrement social ». « Notre situation sécuritaire pourrait devenir pire que celle de certains pays d’Amérique latine au taux de pauvreté important, soupire-t-il. Car le problème au Liban, ce n’est pas seulement la paupérisation, mais la dévaluation constante de la monnaie nationale. » Par ailleurs, M. Haber met en garde contre l’apparition de « milices de rue », chargées de surveiller et de protéger les quartiers contre les vols.
Pour Marwan Charbel, la seule solution pour éviter tout scénario catastrophe au Liban est de former un nouveau gouvernement et de mettre fin à sept mois d’attente et de vide institutionnel. « Il est encore possible d’arranger les choses, mais il faut faire vite. Il faut former un gouvernement le plus rapidement possible, à condition que ce cabinet soit accepté aux niveaux local et international. Il faut le faire maintenant, avant qu’il ne soit trop tard », conclut M. Charbel.
Le Liban pourrait-il faire face à une flambée de violence due à la dégradation de la situation sociale et économique ? Les dernières déclarations du ministre sortant de l’Intérieur, Mohammad Fahmi, la semaine passée sur la chaîne LBCI, laissent présager le pire. « La situation sécuritaire est en chute en libre. Le pays pourrait faire face à tous les scénarios possibles, et...
commentaires (6)
Faites venir des libanais de l'étranger et faire un gouvernement au moins ils sont honnêtes
Eleni Caridopoulou
20 h 23, le 16 mars 2021