En chute libre depuis l’été 2019, la livre libanaise a continué de se déprécier hier face au dollar sur le marché parallèle, atteignant et dépassant pour la première fois de son histoire la barre des 13 000 livres pour un dollar et se rapprochant même de la barre des 14 000 en fin de journée, selon plusieurs sources consultées par L’Orient-Le Jour, y compris des sites dédiés dont l’accès depuis le territoire libanais a été bloqué. Un nouveau record qui pulvérise celui de 12 000 livres atteint samedi dernier, au cours d’un week-end marqué par une forte volatilité de la monnaie nationale, sur fond de crise aiguë, de paralysie institutionnelle et de contestation sociale. Début mars, la livre a passé pour la première fois la barre symbolique des 10 000 livres, et celle des 11 000 livres a été atteinte vendredi.
La Banque du Liban (BDL) continue pour sa part d’afficher un taux officiel à 1 507,5 livres pour un dollar, tandis que la circulaire n° 151, qui permet de retirer au taux de 3 900 livres des « dollars libanais », soit les fonds en devises dont l’accès a été presque totalement restreint par les banques dès les premiers mois de la crise, est encore active jusqu’à la fin du mois. Le taux du marché parallèle est lui répercuté aussi bien par les agents de change illégaux – professionnels du marché noir ou entrepreneurs qui court-circuitent banques et bureaux de change – que ceux qui sont autorisés par la BDL à exercer.
Manque de visibilité
Il est désormais acquis que les fluctuations de la livre ces derniers mois sont liées à une multitude de paramètres inhérents à la crise et à l’absence de perspectives d’amélioration, la classe politique du pays ayant purement et simplement paralysé le processus de formation d’un nouvel exécutif depuis le 10 août dernier. « Il est de plus en plus difficile d’isoler un facteur en particulier pour expliquer la dégringolade qui se poursuit depuis au moins 15 jours », expose une source proche des agents de change.
Pour elle, la conjoncture désastreuse, la manipulation des taux par certains agents, la faiblesse de l’offre de dollar par rapport à une demande relancée avec le déconfinement enclenché en février figurent en bonne place parmi les catalyseurs de la dynamique actuelle. À cela s’ajoute également la demande émanant de Syrie, dont l’économie et la monnaie sont plombées par la guerre et les sanctions et l’incapacité des autorités à contrôler la situation, malgré les annonces faites après la réunion « financière économique et sécuritaire » convoquée par le président Michel Aoun à Baabda il y a une semaine.
Les participants avaient notamment décidé de sévir contre tous les agents de change, autorisés et illégaux, qui « spéculent » contre la livre, et d’interdire les plates-formes électroniques qui affichent le taux dollar/livre sur le marché parallèle. Si l’accès à ces sites à partir du Liban est aujourd’hui bloqué, plusieurs d’entre eux sont toujours actifs et accessibles depuis l’étranger. Il est donc possible de les consulter depuis le Liban en utilisant un VPN (programme qui génère une autre adresse IP et permet de contourner les restrictions géographiques). Pour la source contactée, le blocage même imparfait de ces sites diminue encore plus la visibilité sur le marché parallèle et encourage certains agents à spéculer de plus belle. Trois autres facteurs ont en outre été évoqués par une source financière : les doutes qui planent sur l’avenir du paysage bancaire libanais, à l’aube d’une très probable restructuration ; le fait que rien n’ait été encore annoncé, voire même débattu au sein de la banque centrale concernant l’après-circulaire n° 151 (adoptée le 21 avril 2020, qui permet de retirer les dollars des banques libanaises au taux de 3 900 livres. Elle a été prolongée le 8 octobre 2020 jusqu’à fin mars par la circulaire n° 572) ou la suppression définitive du taux officiel ; et enfin le fait que les aides financées par le prêt de 246 millions de dollars accordé par la Banque mondiale et approuvé par le Parlement la semaine dernière seront finalement versées à 6 240 livres pour un dollar, un taux inférieur à celui du marché parallèle. Toujours est-il que la chute de la livre continue de doper une inflation déjà galopante. Une situation dénoncée par le président du syndicat des importateurs de denrées alimentaires, Hani Bohsali, qui a dénoncé hier l’incapacité de l’État à contenir cette situation.
commentaires (7)
malgre les quoi ? malgre les mesures? mais quelles mesures? des mesures annoncees par qui ? non mais, P H B, y'a mal donne ici !
Gaby SIOUFI
17 h 50, le 16 mars 2021