Critiques littéraires

Trois Occidentaux dans l’enfer syrien

Ancien grand reporter à Libération et spécialiste du Proche et Moyen-Orient, Jean-Pierre Perrin est également un auteur de polars. Une guerre sans fin, son quatrième roman, est à la fois un thriller d’espionnage et une sombre méditation sur la guerre civile syrienne.

Trois Occidentaux dans l’enfer syrien

© Jérôme Panconi

Une guerre sans fin de Jean-Pierre Perrin, Rivages, 2021, 304 p.

Fin 2011 et début 2012. Trois Occidentaux se rendent en Syrie pour des raisons très différentes ; leurs chemins finissent par se croiser. Ils prennent alternativement la parole, expliquant ce qu’ils cherchaient au sein de ce carnage, et racontant ce qu’ils y ont vécu.

Joan-Manuel est un jeune romancier franco-espagnol obsédé par la guerre d’Espagne. Il part en Syrie afin de devenir un meilleur écrivain : « C’est pourquoi je suis parti… là-bas (…). Pour être transi de frayeur, transpirer de peur, parce que c’est avec du sang, de la crasse, de la boue, de la sueur et de la peur qu’on doit écrire des histoires. » Là-bas, ses souhaits sont exaucés au-delà de toute espérance : capturé par des djihadistes et enfermé dans une usine à Raqqa, il est régulièrement torturé et assiste à l’égorgement de plusieurs otages. Relâché quelques mois plus tard et se sentant terriblement coupable d’avoir survécu alors que beaucoup de ses codétenus seront immanquablement exécutés, il entreprend un voyage sur les traces de Lorca, Hemingway, Unamuno et Machado, espérant mieux comprendre la guerre civile espagnole et trouver une sorte de rédemption.

Alexandre est un diplomate français dont toute la famille a été déportée par Alois Brunner, officier SS célèbre pour ses persécutions contre les juifs durant la Seconde Guerre mondiale et devenu plus tard un conseiller de Hafez el-Assad. Dans l’espoir d’obtenir des informations sur le sort de ce criminel de guerre qui a transmis au régime syrien les méthodes de torture et les techniques d’interrogatoire utilisées par les nazis, Alexandre accepte une mission de renseignement qui le mène dans la ville de Homs, assiégée par l’armée syrienne.

Daniel est un mercenaire français qui, avant de prendre sa retraite et d’acheter quelques vignes, avait longtemps dirigé une société de sécurité militaire privée à Bagdad. Afin de retrouver Naïma, la fille d’un ami disparue en Syrie, et dont il était tombé amoureux, il doit monter une opération de sauvetage en collaboration avec la CIA. Lui aussi se rendra à Homs.

Les deux premières parties de ce roman sont captivantes ; Jean-Pierre Perrin y réussit simultanément à créer du suspense et à dévoiler toute l’horreur et la complexité de la guerre civile syrienne. Il met bien en évidence la sauvagerie inouïe des jihadistes, mais semble situer l’origine du mal dans le régime syrien lui-même, qui n’a jamais régné que par la terreur et la torture, et n’a pu se maintenir aussi longtemps que grâce à la complicité des pays occidentaux.

Toutefois, la troisième et dernière partie du livre, une sorte de méditation sur la guerre civile en général, ainsi que sur la possibilité, pour la littérature, d’en rendre compte, est quelque peu déroutante. À ce point du roman, l’intrigue a presque atteint son dénouement et l’action cède la place à des réflexions littéraires et biographiques sur des écrivains comme Lorca, Orwell et Hemingway ; des réflexions qui semblent tellement éloignées de la Syrie. On en vient alors à se demander pourquoi Jean-Pierre Perrin, qui maîtrise à la fois l’art du suspense et celui de traduire l’abjection de la guerre par des mots, a-t-il trouvé nécessaire de charger le dernier tiers de son roman par des considérations abstraites sur l’écriture.

Une guerre sans fin de Jean-Pierre Perrin, Rivages, 2021, 304 p.Fin 2011 et début 2012. Trois Occidentaux se rendent en Syrie pour des raisons très différentes ; leurs chemins finissent par se croiser. Ils prennent alternativement la parole, expliquant ce qu’ils cherchaient au sein de ce carnage, et racontant ce qu’ils y ont vécu.Joan-Manuel est un jeune romancier franco-espagnol...

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