Critiques littéraires

Une fin de vie russe

Une fin de vie russe

D.R.

À la recherche du tombeau perdu de Pierre Malinowski, préface d'Hélène Carrère d'Encausse, éditions du Cherche-Midi, 2020, 304 p.

Les passions désintéressées impressionnent toujours, et celle, assez peu commune, de Pierre Malinowski n'échappe pas à la règle. Et, disons-le d'emblée, ce qui est formidable avec son livre, c'est qu'il parvient à nous la communiquer. Ceux qui aiment les aventures et l'histoire de la période napoléonienne ne seront pas déçus.

À la recherche du tombeau perdu comporte deux parties. Dans la première, l'auteur nous raconte comment lui est né son goût pour l'histoire. La seconde est consacrée à la vie du général Gudin, condisciple de Bonaparte à Brienne, mort en Russie en 1812, et dont la dépouille a pu être retrouvée à Smolensk grâce à Pierre Malinowski.

C'est à six ans que le petit garçon (né en 1987), Champenois d'Orainville, découvre sa vocation en fouillant avec son père les champs de bataille de la guerre de 14-18. Régulièrement, dans les labourages, il découvre des boutons, des gamelles. C'est un jeu au début. Puis un jour, dans la boue, émerge la main d'un poilu dont l'annulaire porte encore son alliance. « C'est sans doute ce jour-là, écrit-il, qu'est née ma conviction : le corps retourne à la terre, mais la mémoire doit perdurer. C'est de cet épisode que m'est venue cette passion charnelle des poilus. » Elle le conduira loin, cette passion, de la résurrection des soldats russes morts en Champagne pendant la Grande Guerre, à la découverte des restes d'un avion de l'escadrille Normandie-Niemen, jusqu'à ce pari fou et réalisé de retrouver le corps du général Gudin, avec la bénédiction des autorités russes.

Charles Étienne Gudin fut l'un des meilleurs généraux de l'Empire. Officier sous la révolution, il est un fidèle du premier consul, bientôt empereur en 1804. Son courage, son intelligence lui font gravir rapidement les grades pour devenir général de division sous le commandement du Maréchal Davout. À Auerstedt (1806), il écrase avec seulement 28 000 hommes 55 000 Prussiens (parmi eux, un certain Blücher), ne s'épargnant pas lui-même, à la tête de ses troupes. Très discipliné, proche de ses hommes, il en obtient le meilleur au cours des combats qui jalonnent l'Empire.

En nous racontant la vie de Gudin, Pierre Malinowski nous décrit les guerres de ce temps, mais cette fois vues par les soldats. Grâce aux témoignages qu'ils ont laissés, on découvre comment ils vivaient et ce que furent leurs souffrances. Ils marchent sans arrêt, à peine nourris. Aussitôt arrivés, ils livrent bataille, et toujours avec une opiniâtreté qui stupéfie, marchant en ligne, « coude à coude » (l'expression vient de là), face aux canons qui les fauchent. Un boulet, d'ailleurs, blessera mortellement le général Gudin à Valoutina.

La médecine est encore rudimentaire. On entasse sans ordre les blessés. On scie les bras, les jambes sans désemparer. « L'anesthésie n'étant pas connue, on donne une pipe au soldat pendant l'opération. Si la pipe tombe à terre parce qu'il vient de mourir, elle se brise d'où l'expression "casser sa pipe". »

Et de tous ces hommes qui se sont enfoncés dans l'infini de la Russie, seuls 20% des effectifs reviendront en France. L'Empereur ne se remettra pas de la perte de ses meilleurs soldats. En 1815, Napoléon quitte définitivement la France pour mourir à Sainte-Hélène en 1821, il y a exactement deux cents ans.

À l'occasion de ce bicentenaire, la France organisera de nombreux événements. Il est ainsi prévu que le corps du général Gudin rejoindra aux Invalides ses compagnons d'armes, au cours d'une cérémonie qui réunira les présidents Macron et Poutine. Comme l'écrit Hélène Carrère d'Encausse dans sa préface : « Le général Gudin sera le symbole de la réconciliation et d'une vision partagée d'un monde dangereux qui, au-delà des malentendus et des conflits, a conduit la France et la Russie à assumer un destin commun. »

À la recherche du tombeau perdu de Pierre Malinowski, préface d'Hélène Carrère d'Encausse, éditions du Cherche-Midi, 2020, 304 p.Les passions désintéressées impressionnent toujours, et celle, assez peu commune, de Pierre Malinowski n'échappe pas à la règle. Et, disons-le d'emblée, ce qui est formidable avec son livre, c'est qu'il parvient à nous la communiquer. Ceux qui aiment les...

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