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Société - Crises au Liban

Les protestations se multiplient avec l'allègement des restrictions

Parents désespérés, chauffeurs de bus en colère, proches des victimes de l’explosion du port réclamant justice : des manifestations ont éclaté un peu partout lundi au Liban.

Les protestations se multiplient avec l'allègement des restrictions

Des manifestants rassemblés devant le Palais de Justice de Beyrouth, le 22 février 2021. Photo Mohammad Yassine

Plusieurs manifestations aux revendications multiples ont éclaté lundi à Beyrouth et dans d'autres régions du pays, les contestataires réclamant notamment justice suite à la double explosion du 4 août, de pouvoir transférer des fonds à l'étranger, sur fond de restrictions bancaires strictes ou pour faire entendre leur colère face à l'augmentation des prix de l'essence. Ces différents sit-in ont été organisés alors que le Liban est entré dans la deuxième phase du plan de déconfinement progressif du pays, après un bouclage sanitaire strict.

A Hamra, les parents des étudiants libanais à l’étranger, qui réclament de pouvoir transférer de l’argent à leurs enfants en détresse au taux officiel du dollar, ont intensifié leur mouvement, bloquant la rue de Rome à l’aide de pneus enflammés avant de faire le tour des établissements bancaires du quartier pour tenter de les fermer par la force.

Les manifestants qui se sont rassemblés à l'initiative du comité des parents d'étudiants dans les universités étrangères, ont affirmé qu'ils protestaient "contre la politique d'atermoiement dans l'application de la loi sur le dollar étudiant", selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle).

Des parents d'étudiants à l'étranger manifestant devant la Banque du Liban, dans le quartier de Hamra, à Beyrouth, le 22 février 2021. Photo tirée du compte Twitter @msmasref

Depuis plusieurs mois, ces familles protestent régulièrement pour réclamer l’application de la loi 193 adoptée par le Parlement le 16 octobre dernier, alors que les Libanais pâtissent depuis plus d’un an de restrictions bancaires drastiques et que le dollar s’échangeait ces derniers jours sur le marché libre autour de 9.500 livres. Cette loi permet théoriquement le transfert à l’étranger d’un montant annuel de 10.000 dollars, sur base du taux officiel maintenu à 1.515 livres pour un dollar, à tout étudiant inscrit dans une université étrangère pour l’année 2020-2021. Le texte n’a toujours pas été mis en œuvre, malgré la publication mi-décembre de plusieurs circulaires par la Banque du Liban (BDL) relatives à sa mise en application. Les parents accusent le gouverneur de la BDL Riad Salamé de recourir à des atermoiements pour retarder son application.

Les manifestants, qui ont lu devant chaque banque un communiqué appelant à appliquer la loi sur le dollar étudiant, ont averti qu’ils allaient intensifier leur mouvement jusqu’à obtenir satisfaction de leurs demandes. Lors d'un sit-in dans une des banques du quartier, la mère d'un étudiant à l'étranger a menacé de s'immoler par le feu si les établissements bancaires continuaient de lui refuser de transférer des fonds à son fils, rapporte l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle). 

Ils ont reçu l’appui du mufti jaafarite, cheikh Ahmad Kabalan. "Nous sommes avec les proches des étudiants et leurs revendications face à la junte bancaire corrompue au pouvoir", a-t-il dit, appelant le président de la République Michel Aoun, le président du Parlement Nabih Berry et le Premier ministre sortant Hassane Diab à "trouver une solution radicale car le gouverneur de la Banque du Liban se comporte comme s'il était au-dessus de la loi et intouchable".

A Tripoli également, des parents de Libanais étudiant à l’étranger se sont rassemblés devant plusieurs banques pour réclamer l’application de la loi sur le dollar étudiant, selon l’ANI.

Les proches des victimes du port réclament justice

Par ailleurs, devant le Palais de Justice de Beyrouth des dizaines de protestataires se sont rassemblés un peu plus tard pour réclamer la vérité sur les explosions au port de Beyrouth. Une délégation les représentant a rencontré le juge Tarek Bitar, désormais chargé de l'enquête, selon notre journaliste sur place Mohammad Yassine.

« Nous avons senti chez lui une détermination à traiter ce dossier jusqu’au bout et d’une façon tout à fait différente » de son prédécesseur, a déclaré un porte-parole des proches de victimes. "Il nous a assuré qu’il allait suivre ce dossier attentivement (…) Il y a encore des juges honnêtes dans ce pays", a-t-il encore affirmé.

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Le juge Fadi Sawan qui était chargé d'enquêter sur la double explosion au port de Beyrouth avait été dessaisi de l'enquête la semaine dernière par la chambre pénale près la Cour de cassation de Beyrouth, ce qui a provoqué la colère et l'indignation des proches de victimes et de nombreux Libanais.

La Cour a accepté le recours pour suspicion légitime présenté à l'encontre de M. Sawan par deux anciens ministres inculpés dans cette affaire, les députés Ghazi Zeaïter et Ali Hassan Khalil (Amal) et le juge Tarek Bitar a été nommé vendredi soir pour le remplacer.

"Nous sommes là pour réclamer justice au sujet des explosions au port », a déclaré le militant et journaliste Samir Skaff, dans une allocution au nom des protestataires . "Nous demandons à la justice de mettre fin à l'immunité des politiques, de mettre un terme aux arrestations arbitraires et d'appliquer l'article 47 du code de procédure pénale" (permettant, depuis octobre 2020, aux prévenus d'être accompagnés d'un avocat lors de leur interrogatoire, ndlr).

La mise à l'écart du juge Fadi Sawan avait provoqué la colère des familles des victimes qui réclament justice depuis plus de six mois. Ces proches ont manifesté ces derniers jours afin de réclamer que l'enquête se poursuive. De nombreux groupes d'opposition et des ONG ont également dénoncé le dessaisissement du juge Sawan, certains estimant qu'il s'agissait d'une décision "politique par excellence". Plusieurs parties ont exprimé leurs doutes quant à une volonté réelle des autorités de mener à son terme l'enquête, qui n'a pas encore permis de dévoiler, en tout cas via les canaux officiels, les circonstances qui ont provoqué la catastrophe du 4 août. Il est reproché aux autorités libanaises, qu'il s'agisse des responsables politiques, sécuritaires ou judiciaires, de n'avoir pris aucune mesure pour évacuer les 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium qui se trouvaient dans le hangar 12 du port depuis leur arrivée au Liban en 2013, et dont l'incendie a provoqué la déflagration meurtrière.

Les protestataires se sont par la suite rassemblés devant le Tribunal militaire pour réclamer la libération de militants arrêtés, et la route a été coupée au niveau du musée.

Hausse du prix de l'essence
Sur l’autoroute côtière au nord de Beyrouth, des conducteurs de minibus ont bloqué en matinée le passage au niveau de Nahr el-Kalb (Mont-Liban), provoquant d'importants embouteillages, pour protester contre la récente hausse du prix de l'essence.

Ce mouvement de protestation est intervenu sur fond d’inquiétudes quant à une pénurie partielle d’hydrocarbures et une rationalisation prochaine des subventions sur les importations de carburant. "Nous aurons recours à une escalade de notre mouvement mercredi si le prix de l'essence augmente", ont averti les conducteurs de minibus à la chaîne locale MTV. 

Le prix des 20 litres d’essence 95 octane, fixé par le ministère de l’Énergie et de l’Eau, a augmenté de 1 600 livres libanaises et s’établit désormais à 31 200 livres. Le galon de super (98 octane) a, lui, pris 1 700 livres, pour culminer à 32 200 livres. Ces variations sont deux à trois fois plus élevées que celles habituellement enregistrées. En un mois, le prix de l’essence a ainsi augmenté de 10 % selon des calculs basés sur les tarifs au 20 janvier (respectivement 28 100 et 29 000 livres pour l’ordinaire et le super). Le prix des 20 litres de mazout a, lui, enregistré une hausse moins spectaculaire, mais de 800 livres tout de même, pour atteindre 21 400 livres. Le prix de la bonbonne de gaz reste lui inchangé, à 24 400 livres.

Alors qu’un message circulait ces derniers jours sur les réseaux sociaux concernant une pénurie d’essence 98 octane dans les stations-service de Beyrouth et du Mont-Liban, plusieurs sources ont confirmé à L’Orient-Le Jour que certains importateurs avaient arrêté d’en commander pour des questions de coûts dans un contexte de crise de liquidités en dollars.

Cette même crise de liquidités a été à l’origine de la mise en place de plusieurs mécanismes de subventions du taux livre/dollar au bénéfice de certains importateurs, dont ceux de carburant. Ces derniers peuvent ainsi échanger leurs livres contre des dollars puisés dans les réserves de devises de la Banque du Liban au taux officiel de 1.507,5 livres, à condition de fournir eux-mêmes la fraction restante. Fraction qu’ils auront obtenue soit auprès de leurs clients, soit auprès des agents de change au taux du marché parallèle, qui flirte depuis plusieurs jours avec la barre des 9.000 livres.

La proportion est de 85 % ou 90 % de dollars subventionnés pour 15 ou 10 % de dollars « frais », ce qui ne rend pas les prix des carburants complètement hermétiques aux variations du taux de change sur le marché parallèle.

Plusieurs manifestations aux revendications multiples ont éclaté lundi à Beyrouth et dans d'autres régions du pays, les contestataires réclamant notamment justice suite à la double explosion du 4 août, de pouvoir transférer des fonds à l'étranger, sur fond de restrictions bancaires strictes ou pour faire entendre leur colère face à l'augmentation des prix de l'essence. Ces différents...

commentaires (3)

Si les directeurs de banque veulent garder un brin de dignité ils feraient mieux de se suicider. Ils partiraient sans l opprobre de leurs concitoyens Dr Fadi LABAKI

fadi labaki

14 h 48, le 23 février 2021

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Commentaires (3)

  • Si les directeurs de banque veulent garder un brin de dignité ils feraient mieux de se suicider. Ils partiraient sans l opprobre de leurs concitoyens Dr Fadi LABAKI

    fadi labaki

    14 h 48, le 23 février 2021

  • "... la mère d'un étudiant à l'étranger a menacé de s'immoler par le feu si les établissements bancaires continuaient de lui refuser de transférer des fonds à son fils ..." - et si plutôt vous immoliez les directeurs de banque par le feu? Ça les sensibilisera peut-être un peu plus à vos problèmes, et il se sentiront un peu moins invulnérables...

    Gros Gnon

    06 h 20, le 23 février 2021

  • Tous ces problèmes, et le locataire de Baabda n'en a pas cure. Son seul souci, ce sont les quote-parts dans le gouvernement de la fin du mandat. La livre qui chute, les chômages, les arriérés de L'EDL, la faim qui guette la population, le déficit colossal des finances,etc..., tout cela est le dernier de ses soucis.

    Esber

    18 h 00, le 22 février 2021

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