C’est presque une bonne nouvelle en ce début de semaine, compte tenu de la situation catastrophique dans laquelle le pays continue de s’enfoncer. La société américaine Primesouth, qui opère les centrales de Deir Amar (Liban-Nord) et Zahrani (Liban-Sud) depuis 2016, a décidé de poursuivre sa mission au-delà de la date d’expiration de son contrat avec Électricité du Liban (EDL), qui a échu hier à midi, selon des informations relayées au Commerce du Levant et confirmées par un communiqué de la société, ainsi que par des sources proches du dossier. En outre, Primesouth attendra une semaine pour que les autorités libanaises « trouvent une solution » pour régler la question du paiement de plusieurs mois d’arriérés de la société et mettent un mécanisme en place pour garantir le paiement des sommes qui seront dues dans le cas où elle accepterait de prolonger d’un an son contrat avec EDL, comme l’établissement public était en train de le négocier.
Plus de 100 millions de dollars
Selon deux des sources contactées, Primesouth demande 60 millions de dollars supplémentaires pour la poursuite de sa mission pendant un an, une somme qui s’ajouterait aux 45 millions de dollars d’arriérés dus sur plusieurs mois en 2020 et début 2021. Cette facture de plus de 100 millions de dollars est scindée entre « dollars frais (les “vrais” dollars, dont le taux est fixé sur le marché parallèle à 9 000 livres par billet vert), dollars libanais (retirables en livres au taux de 3 900 livres pour un dollar, selon le taux fixé par la BDL) et livres libanaises », précise une des sources, sans pouvoir communiquer la répartition. La distinction entre dollars frais et dollars libanais s’est généralisée entre fin 2019 et 2020 après des restrictions illégales imposées par les banques aux déposants sur l’accès à leurs comptes en devises.
Dans son communiqué, Primesouth a affirmé avoir accepté de patienter après l’engagement pris par le Premier ministre sortant, Hassane Diab, de trouver rapidement une solution. Ce dernier s’est réuni samedi soir avec les ministres sortants de l’Énergie et de l’Eau, Raymond Ghajar, des Finances, Ghazi Wazni, de la Défense et vice-présidente du Conseil des ministres, Zeina Akar, et le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, pour aborder ce dossier. Samedi soir également, Hassane Diab se serait directement entretenu avec la direction de Primesouth Lebanon pour obtenir un délai supplémentaire, à deux jours de l’expiration du contrat. Dans un communiqué publié à l’issue de cette réunion, le ministère de l’Énergie a précisé qu’EDL devait adresser une « requête » via son ministère de tutelle à la BDL, qui y répondrait « positivement lors de la réunion de son conseil central programmée demain, en prenant la décision appropriée en fonction des capacités disponibles ». Ce n’est pas la première requête qu’EDL envoie depuis l’automne dernier, selon une source contactée.
L’enjeu est de taille. Si le Liban dispose de moins en moins de réserves de devises stockées à la Banque centrale pour honorer ses engagements et continuer à subventionner, même a minima, le carburant destiné à EDL ainsi que certaines importations, la suspension des opérations de Primesouth conduirait à la mise à l’arrêt de deux centrales déployant 900 mégawatts en tout, soit plus de la moitié (55 %) des capacités actuelles du pays, selon le communiqué de la société. Primesouth a de plus précisé que cela représente 9 à 10 heures de courant par jour, un total extrêmement élevé, alors que les capacités d’EDL, qui a besoin d’être sérieusement réformée, sont insuffisantes pour satisfaire la demande.
Responsabilité de l’État
Cette situation, qui dure depuis des décennies, a favorisé la multiplication des propriétaires de générateurs privés qui fournissent au prix fort de l’électricité aux Libanais pendant les heures de rationnement. Tolérés bien qu’illégaux, et souvent couverts par les partis politiques du pays en fonction des régions où ils sont implantés, ces exploitants sont contraints depuis 2018 d’appliquer les tarifs fixés chaque mois par le ministère de l’Énergie – une mesure qu’ils remettent souvent en question. Interrogé par la Voix du Liban, le président du rassemblement des propriétaires de générateurs, Abdo Saadé, a promis que ses membres se mobiliseraient en cas d’augmentation drastique du rationnement, estimant que l’État était le seul responsable de la situation actuelle du secteur de l’électricité.
De fait, la régularisation des relations entre EDL et Primesouth est loin d’être le seul dossier urgent que les autorités doivent régler. Si le Liban semble avoir trouvé auprès des autorités irakiennes une solution temporaire pour pallier le départ de l’algérien Sonatrach, qui n’a pas renouvelé son contrat arrivé à terme fin 2020 après le scandale du carburant défectueux, la question du financement des livraisons à venir devient de plus en plus impérieuse au fur et à mesure que les réserves de devises du pays s’amenuisent. Les tarifs de l’électricité sont en effet figés depuis le début des années 1990, obligeant l’État à subventionner les achats de carburant d’EDL. De plus, les arriérés dus à Primesouth ne représentent qu’une fraction des dettes du fournisseur d’État, qui n’a toujours pas soldé son ardoise auprès de ses autres partenaires, dont MEP (Middle East Power), qui opère les centrales de Zouk (Kesrouan) et Jiyé (Chouf); Karadeniz, à qui l’État loue deux navires-centrales depuis 2013 ; ou encore les différents prestataires qui gèrent la maintenance du réseau et la collecte des factures pour son compte, entre autres.
commentaires (9)
Est-ce que le mot PLANIFICATION veut dire quoi que ce soit pour nos politiciens, ministres et autres énergumène en charge de ce qui reste encore à dilapider ou à exploiter... De fait, je me contredis, ils ont justement tout bien planifié... si bien qu'ils ont fort probablement planifié leur sortie respective des rouages de l'État. Table rase pour le prochain...
Christian Samman
21 h 42, le 16 février 2021