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Économie - Infrastructures

Les quatre pistes de Ghajar pour assurer les besoins en carburant d’EDL

Pourquoi les quatre possibilités ouvertes au Liban pour continuer d’importer le carburant consommé par ses centrales électriques peuvent déboucher sur autant d’impasses.

Les quatre pistes de Ghajar pour assurer les besoins en carburant d’EDL

La centrale électrique de Zouk, au nord de Beyrouth. Photo Philippe Hage Boutros

Le contrat de Sonatrach via lequel Électricité du Liban approvisionnait ses centrales depuis 2005 a pris fin le 31 décembre. Suite au scandale du carburant défectueux qui a éclaté au printemps dernier, le fournisseur algérien a en effet annoncé au courant de l’été qu’il ne prolongerait pas son contrat avec Électricité du Liban. Si aucun remplaçant n’a été trouvé à ce jour, le ministre sortant de l’Énergie, Raymond Ghajar, est lui convaincu que le Liban parviendra à continuer de s’approvisionner en carburant, avec ou sans son fournisseur algérien. Un optimisme que les experts du secteur ne partagent pas.

Selon plusieurs sources contactées par L’Orient Today, Raymond Ghajar mise sur quatre possibilités pour couvrir les besoins d’EDL jusqu’à fin 2021. Le ministre n’a pas souhaité commenter et le ministère de l’Énergie a rejeté la demande d’interview de L’Orient Today, invoquant des négociations en cours au sein de l’État libanais.

Compter sur Sonatrach

La première proposition de Ghajar consiste à continuer de compter sur Sonatrach pendant quelque temps encore. Le 28 décembre, le ministre sortant a en effet assuré aux membres de la commission parlementaire des Travaux publics, des Transports, de l’Énergie et de l’Eau que le gouvernement pouvait toujours se fournir en carburant auprès de son ancien fournisseur, car certaines quantités prévues dans le contrat expiré n’avaient pas été commandées au cours des trois dernières années. Ghajar affirme que les quantités de carburant en question – dont il n’a pas précisé la quantité exacte – qui pourraient ainsi être livrées, permettraient d’alimenter le réseau pendant plusieurs mois, insistant sur le fait qu’il n’y a aucun risque de black-out généralisé à venir.

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La crédibilité de cette piste est toutefois mise en doute par l’ancien directeur général des investissements chez EDL, Ghassan Beydoun, qui affirme de son côté qu’il n’existe aucune clause de ce type qui contraindrait le fournisseur à livrer du carburant après l’expiration du contrat. Selon Ghassan Beydoun, Sonatrach n’accepterait de fournir du carburant au Liban que si les charges retenues contre lui dans le scandale du carburant contaminé sont abandonnées.

Nizar Saghieh, directeur exécutif de Legal Agenda, ONG qui s’est fixé pour mission l’observation du système judiciaire et des politiques publiques libanaises, souligne pour sa part que l’abandon de la procédure liée à ce scandale est loin d’être acquis. « Les accusations ne pourront être abandonnées que si le Parlement accorde l’amnistie à Sonatrach ou s’il y a ingérence politique dans le système judiciaire », explique-t-il. Ni Sonatrach ni l’entité offshore Sonatrach qui traite directement avec le Liban n’ont pu être contactées pour un commentaire.

Accord avec l’Irak

La deuxième piste de Raymond Ghajar pour assurer une alimentation électrique continue passe par un accord avec l’Irak pour importer du carburant. Fin décembre, le ministre irakien du Pétrole avait déclaré que son pays avait accepté de vendre du carburant au Liban au « prix du marché mondial », ajoutant que l’offre conclue dans le cadre de cet accord préliminaire serait « limitée » et que les quantités en jeu seraient déterminées plus tard.

Mais quelles que soient les quantités disponibles, cette solution est également bancale à plusieurs niveaux. Tout d’abord, le pétrole irakien est riche en soufre et doit impérativement être raffiné pour pouvoir répondre aux normes internationales en vigueur pour l’alimentation des centrales électriques qui consomment ce type de combustible, explique Yahya Mawloud, directeur d’exploitation de la société Middle East Power – qui opère les centrales de Zouk et de Jiyeh pour le compte d’EDL jusqu’en 2022. Selon lui, l’utilisation d’un tel carburant exigerait des niveaux de maintenance beaucoup plus élevés, sans parler de la facture du raffinage. Car, comme le rappelle Marc Ayoub, chercheur en énergie à l’Institut Issam Fares de l’Université américaine de Beyrouth, si un accord est conclu avec l’Irak, ses produits pétroliers devraient être expédiés vers un autre pays pour y être raffinés, puis transportés au Liban. Pour l’expert, cette option va également se heurter à des obstacles relatifs à la complexité des transports et au paiement qui rendront l’ensemble coûteux et peu efficace pour le pays. Si les décideurs font valoir que le pétrole irakien pourrait être traité soit dans les raffineries de pétrole de Tripoli, soit dans celles de Zahrani, le fait est que ces raffineries sont obsolètes et n’ont plus fonctionné depuis des décennies.

Adjudication

Le troisième moyen de sécuriser l’approvisionnement en carburant d’EDL consiste à lancer une adjudication afin de sélectionner la meilleure offre d’importation de carburant. Cependant, selon Ghassan Beydoun, cette solution peut être entravée par de multiples blocages politiques et problèmes de gestion. Une analyse pour une fois corroborée par les communications officielles sur ce dossier, qui révèlent d’importants désaccords entre le ministère de l’Énergie et la Direction des adjudications. Saisie pour examiner les cahiers des charges préparés en amont, cette dernière avait, dans un courrier adressé en novembre, reproché au ministère d’avoir fixé des « spécifications techniques exagérées, qui gonflent le prix » du pétrole importé et évoqué une procédure pouvant mener à un nouvel accord « discutable » entre le Liban et un éventuel nouveau fournisseur.

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Pour Ghassan Beydoun, le Courant patriotique libre – auquel ont appartenu la majorité des ministres de l’Énergie ces six dernières années – travaille avec ses partisans pour orienter les résultats des appels d’offres en sa faveur. L’ancien ministre de l’Énergie et actuel député du CPL, César Abi Khalil, réfute cette accusation, affirmant que ce sont les constructeurs de centrales électriques, tels que Siemens, qui définissent les spécifications du carburant. Il a également nié toute entente avec les entreprises participant à l’appel d’offres : « Une vingtaine de multinationales sont prêtes à soumissionner pour des contrats, et le CPL n’a aucun lien avec ces entreprises. »

Achats ponctuels

Si les trois premières options risquent de se révéler inexploitables, une dernière alternative envisagée par Raymond Ghajar serait d’acheter du carburant ponctuellement, au fur et à mesure. Mais cette procédure est non seulement très coûteuse par rapport à un contrat d’approvisionnement classique mais impose également que le pays règle ses commandes à l’avance et en devises, rappelle Marc Ayoub.

De plus, tout achat de carburant devra d’abord être validé par une loi autorisant le ministère des Finances à verser une avance à EDL pour couvrir ces nouvelles dépenses de carburant – dans le cas où l’État n’aurait pas voté de budget pour l’année en cours ou dans le cas où les montants requis dépasseraient le plafond fixé dans le budget pour les avances à EDL. La Banque du Liban devra ensuite assurer un montant équivalent à 1,5 milliard de dollars pour couvrir les importations de carburant sur un an. Or, sans toucher à ses réserves obligatoires, la BDL n’a tout simplement pas cet argent.

Le 8 janvier, le gouverneur Riad Salamé a déclaré que la BDL détenait 17,5 milliards de dollars de réserves de devises. Cependant, environ 17 milliards de dollars sont fixés comme réserves obligatoires, et Salamé a exprimé à plusieurs reprises son engagement à ne pas puiser dans ces fonds. Les 500 millions de dollars de réserves utilisables restants dureraient un mois au rythme auquel la BDL les dépense. En dépit du risque que cela représente pour l’État de continuer de subventionner le carburant, le blé et les médicaments, les dirigeants libanais n’ont toujours pas apporté de solution viable pour endiguer le risque de pannes de courant, qui pourraient survenir dès les prochains mois.

(Cet article a été originellement publié le 19 janvier 2021 en anglais sur le site L’Orient Today)

Le contrat de Sonatrach via lequel Électricité du Liban approvisionnait ses centrales depuis 2005 a pris fin le 31 décembre. Suite au scandale du carburant défectueux qui a éclaté au printemps dernier, le fournisseur algérien a en effet annoncé au courant de l’été qu’il ne prolongerait pas son contrat avec Électricité du Liban. Si aucun remplaçant n’a été trouvé à ce jour,...

commentaires (1)

on se dirige tete foncee-non , ILS NOUS DIRIGENT -DE LEURS TETES DEFONCEES-VERS LE MEME SCENARIO QUE CELUI DE LA ""CONSTRUCTION" DU NOUVEAU GOUV. POURVU QUE L'ON AIT DEPASSE LA SAISON FROIDE AVANT LA PENURIE TOTALE.

Gaby SIOUFI

12 h 00, le 23 janvier 2021

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Commentaires (1)

  • on se dirige tete foncee-non , ILS NOUS DIRIGENT -DE LEURS TETES DEFONCEES-VERS LE MEME SCENARIO QUE CELUI DE LA ""CONSTRUCTION" DU NOUVEAU GOUV. POURVU QUE L'ON AIT DEPASSE LA SAISON FROIDE AVANT LA PENURIE TOTALE.

    Gaby SIOUFI

    12 h 00, le 23 janvier 2021

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