Comme prévu, l’ancienne conseillère au ministère de la Culture, Lynn Tehini, a comparu hier devant les enquêteurs du bureau pour la lutte contre les crimes cybernétiques. Mme Tehini faisait l’objet d’une plainte pour diffamation déposée par le conseiller juridique du ministère, le juge Walid Jaber. Ce dernier s’était offusqué d’un post sur son compte Facebook dans lequel la jeune femme dénonçait le laxisme et la tergiversation du magistrat dans le dossier du virtuose, Bassam Saba, directeur du Conservatoire national, qui à la veille de son décès, soit deux ans après sa nomination à la tête du conservatoire, n’avait toujours pas reçu son salaire.
Selon le témoignage de Mme Tehini, les enquêteurs ont été très « courtois et polis », mais lui ont demandé de retirer le post en question qui avait irrité le juge Jaber. « J’ai refusé de le faire au début. Mais sur l’insistance du procureur de Beyrouth, Ziad Abi Haïdar, qui m’expliquait qu’à défaut je serais retenue jusqu’au soir sans aucune autre garantie de voir le litige se résoudre, j’ai dû l’enlever », dit Mme Tehini.
« Ce post, je n’y tenais plus autant puisqu’il avait déjà prouvé son utilité en faisant bouger les choses et valider le droit du musicien, et aujourd’hui de ses proches donc, à toucher le plus rapidement possible son salaire », confie l’ex-conseillère à L’Orient-Le Jour.
Pour Mohammad Najem, directeur de Smex, une ONG pour la défense des droits des utilisateurs d’internet et de la liberté d’expression sur la Toile, ce qui est désolant dans cette histoire est l’« absurdité de la plainte pour diffamation dans un cas de figure comme celui de Bassam Saba qui est dans son droit le plus élémentaire ». « Malheureusement, on voit comment la justice et les parquets se démènent dans des cas de poursuites pour diffamation, alors qu’ils feraient mieux de réserver leurs efforts, leur temps et leur énergie pour des dossiers bien plus essentiels », a-t-il commenté.
L’épouse de Bassam Saba, Diala Jaber, a elle aussi commenté la convocation de Lynn Tehini devant les enquêteurs. Mme Jaber l’a remerciée pour avoir plaidé avec courage la cause de son mari et rappelé les détails choquants de cette affaire, soulignant le fait que l’argent dû à son mari se trouve toujours, à ce jour, dans les caisses de la Banque du Liban.
« Bassam était gentil et courtois. Mais il a été traité avec beaucoup d’hostilité. Il est dans un autre monde aujourd’hui, enfin libéré de sa souffrance. Mais nous ne cesserons pas de nous battre pour lui. C’était un grand humaniste, persuadé de la nécessité d’élever la culture musicale au Liban à un autre niveau. Vole, vole très haut Bassam. Tu n’as jamais appartenu à la caste des médiocres et des infâmes », écrit sa femme.
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Ministres parachutés. Juges corrompus. Pratiques anticonstitutionnelles et utilisation de la justice à des fins crapuleuses. Ces messieurs ne le savent pas, mais le règne des mafias touche à sa fin. Le Liban du futur ressemblera à Lynn Tehini. Et à Bassam Saba.
B Malek
23 h 12, le 30 décembre 2020