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Société - Libertés

Lynn Tehini poursuivie en justice pour avoir dénoncé une injustice

L’ancienne conseillère du ministre de la Culture est convoquée aujourd’hui par le Bureau de lutte contre les crimes cybernétiques pour avoir défendu sur Facebook les droits du directeur du Conservatoire national Bassam Saba, décédé début décembre sans avoir perçu son salaire pendant deux ans.

Lynn Tehini poursuivie en justice pour avoir dénoncé une injustice

Lynn Tehini, ancienne conseillère du ministre de la Culture. Photo tirée de sa page Facebook

L’injustice et l’insolence l’auront poursuivi jusqu’après sa mort. Trois semaines à peine après son enterrement, Bassam Saba, un musicien hors pair et directeur du Conservatoire national de musique, décédé du coronavirus dans un certain dénuement à cause de la négligence de l’État, doit aujourd’hui se retourner dans sa tombe.

L’une des rares personnes ayant cherché à défendre sa cause et ses droits, Lynn Tehini, ancienne conseillère au ministère de la Culture, se voit en effet poursuivie en justice pour diffamation.

Bassam Saba, un flûtiste hors pair qu’on avait fait venir des États-Unis pour diriger le prestigieux Conservatoire national, est mort endetté après avoir été privé durant deux ans de son salaire, son droit pourtant le plus basique. C’est après la nouvelle de son décès tragique que Lynn Tehini – qui suivait de près son dossier – a dénoncé dans un long post publié sur son compte Facebook tout un système laxiste doublé d’une administration déshumanisée et dysfonctionnelle dont a été victime Bassam Saba.


Bassam Saba, directeur général du Conservatoire national de musique du Liban. Photo tirée de la page Facebook du musicien


Mme Tehini avait ainsi évoqué sur les réseaux sociaux les multiples tergiversations du conseiller juridique au ministère de la Culture, le juge Walid Jaber, qu’elle s’était d’ailleurs abstenue de nommer, ainsi que d’autres administrateurs, leur faisant porter la responsabilité de cette injustice flagrante qui a assombri un peu plus les derniers jours du musicien, décédé en laissant derrière lui femme et enfants, sans le sou.

Pour mémoire

Pourquoi Bassam Saba n’a pas touché son salaire pendant deux ans

C’est ce même juge qui a engagé il y a quelques jours des poursuites contre Mme Tehini pour diffamation. En réaction, celle-ci a alerté hier l’opinion publique par la voie des réseaux sociaux en évoquant sa convocation, ce matin à 10h, au Bureau de lutte contre les crimes cybernétiques.

« Il paraît que dans ce pays il faut toujours payer le prix de la défense d’une cause ou la dénonciation d’une injustice. Une plainte a été déposée contre moi au bureau des cybercrimes pour le post (viral) concernant feu le directeur général du Conservatoire, Bassam Saba, victime d’une injustice sans nom », a écrit Mme Tehini sur sa page Facebook.

L’ancienne conseillère souligne au passage que c’est grâce au même post – publié au lendemain du décès de Bassam Saba – et à la polémique qui s’en est suivie que la famille du musicien va enfin pouvoir récupérer l’indemnité salariale des deux années non payées et qui lui revient de droit. « En contrepartie, on a voulu se retourner contre moi », s’offusque Mme Tehini.

Dès que l’affaire a été ébruitée, toutes les personnes impliquées se seraient, selon elle, dépêché d’étouffer le scandale et de rendre, dans la mesure du possible, une justice posthume au musicien. « En quelques jours, un salaire forfaitaire lui a été consenti. Sa famille pourra l’encaisser une fois les détails administratifs réglés. C’est bel et bien une preuve qu’il s’agissait de négligence et d’insouciance de la part de ceux qui étaient directement en charge de cette affaire », commente Mme Tehini pour L’OLJ. « Le post sur Facebook aura donc servi à quelque chose », se félicite-t-elle.

Mais entre le moment où son premier salaire aurait dû lui être versé et celui où le premier versement sera effectif, la livre libanaise aura perdu au moins 80 % de sa valeur. Ce qui ne règlera que partiellement les dettes du musicien contractées en dollars.

Contacté par L’OLJ, le juge Walid Jaber livre une version assez différente de l’histoire. Le magistrat estime avoir fait le nécessaire pour faire avancer ce dossier qui bloquait plutôt au niveau du secrétariat du Conseil des ministres, plus précisément chez le secrétaire général du Conseil des ministres, Mahmoud Makkié, pour des raisons de formalités de nature juridico-administatives, selon ses explications.

« Preuve en est, argumente le juge Jaber, que bien avant le décès de Bassam Saba, nous avons contracté avec lui un accord de conciliation. » Pour la famille du défunt, cet accord, destiné à contourner les multiples obstacles juridiques, est venu un peu tardivement. « Après combien de temps le contrat conciliatoire a été consenti ? En septembre, soit neuf mois après le forcing que Bassam Saba a tenté de faire », rétorque Mme Tehini.

De son côté, le juge Jaber se dit convaincu que le ministère de la Culture a fait son devoir et que cette affaire a été montée en épingle par Lynn Tehini « pour des raisons de vengeance personnelle » sur fond d’un autre dossier litigieux qui les auraient opposés au sein du ministère. Des allégations démenties par Mme Tehini.

Juge au Conseil d’État, Walid Jaber (proche du mouvement Amal) cumule, comme le veulent les nouvelles pratiques instaurées il y a quelques années, son poste officiel de juge avec la fonction de conseiller auprès du ministère de la Culture. Un cumul largement dénoncé par l’ONG Legal Agenda, qui œuvre pour la réforme du système judiciaire. Celle-ci voit dans ce type de cumul « une violation du principe de séparation des pouvoirs, un manquement du magistrat à ses responsabilités initiales et par ailleurs une injustice par rapport à d’autres magistrats qui ne peuvent bénéficier d’un second salaire grassement payé ».

Pour mémoire

Bassam Saba, le dernier souffle d’un virtuose

Ce que reprochait précisément Lynn Tehini au magistrat, c’était le fait d’avoir laissé traîner ce dossier pendant des mois « par négligence et désintérêt » contribuant, tout comme le ministre en charge, à priver le musicien de son salaire jusqu’à son décès. Le ministre en question, Abbas Mortada (Amal), qui cumule les portefeuilles de l’Agriculture et de la Culture, « ne venait que rarement au ministère », assure une source proche de cette administration. « Le jour de l’enterrement, personne, à part les collègues proches de Bassam Saba, n’est venu. Le ministre n’a même pas envoyé une couronne de fleurs à la famille ni dépêché un représentant. C’est dire le mépris dont a fait preuve l’État à l’égard de cet artiste de grande envergure », commente, par ailleurs, une amie proche de la famille.

L’injustice et l’insolence l’auront poursuivi jusqu’après sa mort. Trois semaines à peine après son enterrement, Bassam Saba, un musicien hors pair et directeur du Conservatoire national de musique, décédé du coronavirus dans un certain dénuement à cause de la négligence de l’État, doit aujourd’hui se retourner dans sa tombe. L’une des rares personnes ayant cherché à...

commentaires (15)

Je remarque une chose que tous les ministères plus importants sont aux mains d'Amal et Hezbollah , une belle bande de mafieu

Eleni Caridopoulou

18 h 09, le 29 décembre 2020

Tous les commentaires

Commentaires (15)

  • Je remarque une chose que tous les ministères plus importants sont aux mains d'Amal et Hezbollah , une belle bande de mafieu

    Eleni Caridopoulou

    18 h 09, le 29 décembre 2020

  • Un juge a la solde de AMAL? Merde alors meme la justice nést plus au service du peuple....Pauvre Liban. FOUTU!

    IMB a SPO

    16 h 18, le 29 décembre 2020

  • Ce qui se passe dans notre pays est scandaleux à tous les niveaux. Je me demande bien si un de ces bandits de politiciens se seraient tus s’ils n’avaient pas reçus leurs salaires durant deux ans. À savoir que leur salaire n’est que leur argent de poche .... l’argent qu’ils nous volent à chaque instant est la seule raison pour laquelle ils se présentent aux élections en achetant les voix de leurs électeurs

    Khoury-Haddad Viviane

    13 h 38, le 29 décembre 2020

  • Madame, j’admire votre courage ! Espérons que votre honnêteté et votre sincérité fassent tâche d’huile et suscitent l’élévation d’autres voix dénonciatrices.

    Citoyen Lambda

    13 h 08, le 29 décembre 2020

  • Lynn Tehini a l'étoffe de ministre technocrate INDEPENDANT!! il nous faut des Lynn Tehini dans nos ministères! Courage Lynn et surtout merci.

    Wlek Sanferlou

    13 h 08, le 29 décembre 2020

  • Merci pour votre courage Lynn, les libanais devraient tous .porter à bout de bras cette honteuse affaire.

    Christine KHALIL

    12 h 49, le 29 décembre 2020

  • Et pourquoi ce conseiller juridique ne répond pas à son tour devant la justice, de son rôle dans l'injustice vis à vis de Bassam Saba ?

    Esber

    10 h 25, le 29 décembre 2020

  • je pense que les artistes se le tiendront pour dit : faites une brillante carrière mais pas au Liban. Ceci est un pays d'affairistes et de magouilleux. Flute, haut-bois et basson ? allez voir ailleurs si Nabis Berri s'y trouve. Paix a l’âme de Bassam Saba.

    Lebinlon

    09 h 30, le 29 décembre 2020

  • République bananière de plus en plus tous les jours. Et dire que ceux qui sont au pouvoir et les hauts fonctionnaires se prennent au sérieux et pensent qu’ils dirigent un vrai pays alors que nous sommes dans une basse cour

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 18, le 29 décembre 2020

  • POURSUIVIE PAR L,INJUSTICE TANT FAMEUSE DE NOTRE PAYS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 58, le 29 décembre 2020

  • Aberrante réalité...chez nous les justes sont poursuivis tandis que les incompétents vaquent encore librément sans se soucier à leurs affaires !!!

    Claude AZRAK

    07 h 27, le 29 décembre 2020

  • Le fait qu’il soit juge au conseil d’état et conseiller du ministère donne une indication du caractère de ce type. De plus le ministre en question n’a presque jamais mis les pieds au ministère... On est bien naturellement enclins à croire la version de Madame Tehini que celle du sbire d’Amal.

    Fadi Chami

    06 h 45, le 29 décembre 2020

  • Le Liban sera le premier pays à crée un tribunal spécial de justice pour les juges . Le cas de cet artiste chevronné paix à son âme à qui l’on a fait abandonner son glorieux avenir pour le ramener dans son pays n’est pas isolé. Plus personne ne reviendra au pays des hêtres! Hélas pas tant que cette racaille se partage le gâteau!Que dis je le petit cake qui ne sera bientôt que biscuit !

    PROFIL BAS

    03 h 45, le 29 décembre 2020

  • Un scandale. Dans un pays où la liberté d’expression est un trésor national, surtout quand on a dénoncé le sort injuste de cet immense talent. Mais on sait depuis Camus et la guerre d’Espagne que ""l’on peut avoir raison et être vaincu,…. et que le courage n’obtient pas de récompense"". Je suis sûr qu’elle saura se défendre. Liberté pour Madame Tehini, et que la bonté divine lui assurera une protection rapprochée.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    01 h 29, le 29 décembre 2020

  • Bravo Lynn. et courage. On a besoin de plein de Lynn pour denoncer tous ces mafieux criminels

    Le Phenicien

    00 h 19, le 29 décembre 2020

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