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Politique - Partis

Michel de Chadarévian claque la porte du CPL et rejoint l’opposition

Un front de contestation contre l’alliance aouniste avec le Hezbollah se met en place.

Michel de Chadarévian claque la porte du CPL et rejoint l’opposition

L’ex-responsable des relations diplomatiques au sein du Courant patriotique libre, Michel de Chadarévian. Photo tirée de la page Facebook de M. de Chadarévian

Michel de Chadarévian, l’un des membres de la première garde du Courant patriotique libre (CPL) et sa principale figure diplomatique, a claqué la porte du parti (voir par ailleurs). Annoncée au chef du CPL Gebran Bassil jeudi soir, la démission de cet énième responsable aouniste, qui survient à un moment charnière de la crise libanaise, pourrait préluder à des démissions en cascade. Et risque paradoxalement de provoquer une accentuation de la tendance autoritaire qui se manifeste au niveau du commandement du parti depuis un certain temps.

Et pour cause : la démission de Michel de Chadarévian ne peut être entendue comme le simple départ d’un membre éminent du parti. C’est tout un symbole du passé aouniste qui s’effrite avec son désistement, ainsi qu’une culture partisane forgée à l’éthique et aux principes. C’est d’ailleurs l’une des raisons principales qui ont poussé cet ancien compagnon de Michel Aoun à renoncer à sa tâche qui n’est plus en symbiose avec la cause qu’il s’était engagé à défendre, comme il dit.

Dans sa lettre de démission largement partagée hier sur les réseaux sociaux, M. de Chadarévian explique qu’il lui est devenu désormais impossible de défendre la cause aouniste « à l’ombre des contradictions, des égarements et des intérêts personnels ». Une pique qui semble directement adressée au chef du CPL, même s’il cherche à éviter de faire de sa démission une affaire personnelle et encore moins un coup de gueule ciblant particulièrement Gebran Bassil.

L'édito de Issa GORAIEB

Arrêts sur image

Aux côtés de Michel Aoun depuis 1988, Michel de Chadarévian avait quasiment contribué à la fondation du CPL, et s’est longtemps imprégné des principes de souveraineté et de laïcité jadis prônés par le parti. Des valeurs qui, pour beaucoup, ont été foulées aux pieds depuis que le directoire du parti les a troquées contre une course « sans foi ni loi », diront des adversaires des aounistes, pour le pouvoir.

Chargé depuis 2005 des relations auprès des chancelleries étrangères, ce cadre du CPL avait établi un réseau de relations solides auprès des ambassadeurs qui lui vouaient un grand respect. C’est surtout devant ses interlocuteurs étrangers – devenus extrêmement critiques par rapport au mandat aouniste – que M. de Chadarévian avoue aujourd’hui son impuissance à défendre l’image ternie de son parti et l’apathie du sexennat alors que le pays va à la dérive.

Un CPL en perte de vitesse

En rendant son tablier, Michel de Chadarévian grossit les rangs des dissidents aounistes que l’on estime aujourd’hui à plus d’une centaine. Sa démission ne devrait pas manquer d’affaiblir un parti en perte de vitesse depuis la révolution d’octobre et la catastrophe de la double explosion du port du 4 août.

Le départ du responsable aouniste sera-t-il pour autant le prélude à une cascade de démissions qui achèveront d’éroder un parti déjà vacillant ? Possible. À moins que le chef du CPL ne choisisse d’accentuer encore plus la tendance autocratique que prend le parti depuis que les contestataires se sont multipliés au sein de la principale formation chrétienne.

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Contesté au sein de son propre bloc parlementaire – qui comptait 29 députés à l’issue des élections législatives de 2018 –, Gebran Bassil a dû faire face à plusieurs défections et à de nombreux schismes qui ont fragilisé l’assise du CPL au cours de ces dernières années. Plusieurs députés se sont éloignés du bloc : c’est le cas notamment de Michel Moawad, Nehmat Frem et Michel Daher qui ont suivi les traces d’un autre gendre du président, Chamel Roukoz, très en froid avec le chef du CPL.

Une percée

Simple coïncidence ou parfait timing, c’est aujourd’hui que se tiendra la réunion élargie du groupe de dissidents aounistes auxquels se joindra Michel de Chadarévian ainsi que plusieurs anciens officiers de l’armée jadis proches de Michel Aoun. Ils seront rejoints par une pléthore de personnalités indépendantes d’horizons politiques divers et de participants résidant dans des pays de la diaspora comme la France, les États-Unis, le Canada et l’Australie.

« C’est un premier rassemblement en vue de la constitution d’un véritable front de l’opposition dépassant le simple cadre des anciens aounistes », explique Antoine Nasrallah, un ancien cadre du CPL qui a quitté les rangs du parti il y a quelques années. Il s’agit, enchaîne Naïm Aoun, un autre dissident, d’effectuer une véritable percée en préparant une stratégie et un plan d’action en amont des échéances à venir, notamment les prochaines législatives.

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Ce que le CPL reproche au Hezbollah...

Selon M. de Chadarévian, le timing de la démission, dont la direction du parti était au courant depuis un certain temps, n’a absolument rien à voir avec cet événement. Il viendra partager avec les participants les informations qui sont en sa possession et qu’il a recueillies dans le cadre de ses rencontres avec les diplomates. « Malheureusement, c’est l’envers du décor que j’aurais à décrire aujourd’hui : je suis au courant de choses graves que les autres ne savent pas. Pour faire court, le pays va à sa perte », dit-il.

Outre une condamnation de l’orientation politique que prend le CPL sous la direction de Gebran Bassil, ces frondeurs ont également un autre un point en commun : la contestation de l’alliance du CPL avec le Hezbollah. Selon notre chroniqueur politique Mounir Rabih, c’est un lobby chrétien qui est en train de se constituer pour contrer cette alliance aux conséquences que certains estiment néfastes pour le Liban. C’est en ces termes que Michel de Chadarévian exprimera ce point de vue : « Le Liban est le seul pays au monde où les collaborateurs sont toujours en fonctions après le départ des occupants. » Les occupants, ce sont les Syriens qui ont plié bagage en avril 2005. Les collaborateurs, ce sont, dit-il, non seulement le Hezbollah et Amal, mais quasiment tous ceux qui se pliés devant les Syriens à un moment ou un autre, y compris le chef du PSP, Walid Joumblatt, le courant du Futur et, plus récemment, le CPL.

« Je ne peux plus défendre le CPL »

« Je n’ai plus aucun argument en main pour défendre la politique de mon parti. » C’est par cette phrase lapidaire que Michel de Chadarévian, responsable des relations diplomatiques au sein du Courant patriotique libre (CPL), a motivé sa démission du parti dans un communiqué largement partagé sur les réseaux sociaux.

Dans un entretien express accordé à L’OLJ, il explique pourquoi il a pris cette décision majeure. « Ce n’est pas une démission qui est dirigée contre Gebran Bassil, mais contre toute la politique suivie par le parti. Étant l’interface du CPL auprès des diplomates, je n’arrive plus à le défendre dans la conjoncture internationale actuelle qui n’est plus favorable au Liban », avance l’ancien responsable aouniste.

Il tire la sonnette d’alarme face à une situation qui, estime-t-il, n’a jamais été aussi dangereuse pour le Liban. « Nous sommes parvenus à une phase qui est pire que celle qui avait prévalu durant la guerre civile, juge l’ancien cadre du CPL. À l’époque, on pouvait aller se réfugier au deuxième sous-sol pour échapper aux obus. Aujourd’hui, même si l’on se cache au sixième sous-sol, on sera frappé de plein fouet par la détresse économique rampante. »

M. de Chadarévian reproche au CPL sa politique de l’autruche alors que les accusations pleuvent sur lui. « Tout le monde accuse aujourd’hui le parti, à tort ou à raison, d’entraver la formation du gouvernement. Or, celui-ci ne fait rien pour mettre un terme à ces accusations », fait-il valoir, laissant entendre que, quelque part, celles-ci sont justifiées. L’ancien responsable aouniste plaide ainsi pour un gouvernement apolitique, arguant du fait que par les temps qui courent et face aux catastrophes qui s’enchaînent, il est temps de changer la façon de faire.

« Nous avons besoin d’un gouvernement de technocrates pour nous sortir du gouffre, même si celui qui va le former est lui-même un politique », soutient-il en allusion au Premier ministre désigné Saad Hariri. M. de Chadarévian tient toutefois à signaler que son action n’est pas un coup de gueule contre son seul parti et ses dysfonctionnements, mais un message qu’il espère également faire parvenir à l’ensemble des partis politiques en charge, qui sont, selon lui, tous aussi responsables de la décrépitude. « J’ai fait mon autocritique et j’ai décidé de rendre le tablier. J’espère que les autres en feront autant », dit-il.

Michel de Chadarévian, l’un des membres de la première garde du Courant patriotique libre (CPL) et sa principale figure diplomatique, a claqué la porte du parti (voir par ailleurs). Annoncée au chef du CPL Gebran Bassil jeudi soir, la démission de cet énième responsable aouniste, qui survient à un moment charnière de la crise libanaise, pourrait préluder à des démissions en cascade....

commentaires (10)

Claquer la porte n'est plus suffisant avec la situation du pays! À tous ces internes dorénavant externe : quel est vôtre plan pour nous aider à sortir de cette crise et ce bourbier!?

Wlek Sanferlou

20 h 52, le 19 décembre 2020

Tous les commentaires

Commentaires (10)

  • Claquer la porte n'est plus suffisant avec la situation du pays! À tous ces internes dorénavant externe : quel est vôtre plan pour nous aider à sortir de cette crise et ce bourbier!?

    Wlek Sanferlou

    20 h 52, le 19 décembre 2020

  • Il en a mis du temps pour enfin décider de leur claquer la porte au nez en disant ce qu’il pense. Mieux vaut tard que jamais. Les autres cadres devraient suivre son exemple et laisser père et fils spirituel se dépêtrer tout seuls du merdier dans lequel il se sont noyés. Ils ont dégradé l’image des chrétiens en s’auto-proclamant leurs représentants, il serait grand temps de rétablir la vérité. Ils ne sont rien et ne représentent qu’eux mêmes les deux.

    Sissi zayyat

    16 h 36, le 19 décembre 2020

  • J'espère que M. de Chadarévian est protégé par un dispositif de sécurité solide.

    Robert Malek

    13 h 53, le 19 décembre 2020

  • ""« Le Liban est le seul pays au monde où les collaborateurs sont toujours en fonctions après le départ des occupants. » Les occupants, ce sont les Syriens qui ont plié bagage en avril 2005. Les collaborateurs, ce sont, dit-il, non seulement le Hezbollah et Amal, mais quasiment tous ceux qui se pliés devant les Syriens à un moment ou un autre, y compris le chef du PSP, Walid Joumblatt, le courant du Futur et, plus récemment, le CPL."" Quand un historique d’un mouvement politique désapprouve la politique et l’exercice du pouvoir en parfaite contradiction avec une ligne qui a fait son temps. Cette démission n’est pas un simple coup de gueule mais, il ira par son désaveu rejoindre quelle opposition, les Ouèètes ou les déçus de son propre camp, et pour s’allier finalement avec qui. Pour revenir à l’extrait que j’ai choisi, une occupation d’un demi-siècle a compromis tellement de monde à de rares exceptions près. L’installation d’un système mafieux où les chefs de guerre étaient """libres""" de toutes les actions, et le pire des collabos, n’est pas seulement celui qui se déclare franchement pro-syrien pour tirer des avantages, mais celui qui faisait subir les pires exactions en les attribuant à l’occupant syrien.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    13 h 00, le 19 décembre 2020

  • En tout cas je ne parierai pas un lollard sur un nouveau "tsunami" du CPL aux prochaines législatives...

    Gros Gnon

    12 h 00, le 19 décembre 2020

  • "... je suis au courant de choses graves que les autres ne savent pas. Pour faire court, le pays va à sa perte ..." - Et bien sûr tu vas partager ces informations avec les autres qui ne savent pas (nous), sinon tu seras coupable de complicité. Alors? On attend...

    Gros Gnon

    10 h 55, le 19 décembre 2020

  • en tous cas, larmes de crocodile ou pas, mr. de chadarevian aura diablement mal fait de guider jobran s'agissant de la politique suivie aux AE par pti gendre qui nous a laisse sans aucun ami dans tout le globe terrestre- iran & damas exclus.

    Gaby SIOUFI

    10 h 34, le 19 décembre 2020

  • Ceci est un non-événement ..... Inutile de se réjouir .... Dangereux de se dire que cette personnalité "orange" est repentie aujourd'hui .... Pourquoi a-t-il attendu si longtemps pour quitter le navire qui coule? Contentons nous, assis au bord de la rivière, de regarder passer les cadavres de ceux qui ont couvert l'occupation iranienne du Liban, aujourd'hui à l'article de la mort de par leur faute et leur fourberie narcissique .... Le Liban n'est plus et ce ne sont pas de telles larmes de crocodile qui vont pouvoir refaire de Beyrouth la perle de la Méditerranée orientale. Surtout n'en faisons pas des héros d'une vertu retrouvée. Qu'ils aient au moins la modestie de ne pas nous faire prendre nos propres vessies pour des lanternes. Ils ont été des agents d'un régime pétainiste. Ils sont repentis? Dont acte. Pas plus.

    COURBAN Antoine

    08 h 48, le 19 décembre 2020

  • LA PORTE EST LARGEMENT OUVERTE ET LES DEMISSIONS OU LES MECONTENTEMENTS VONT SE POURSUIVRE ET POUR PREMIERE CAUSE LE PAPIER CHIFFON DE MAR MKHAEL.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 52, le 19 décembre 2020

  • Affirmations très incriminantes que Mr de Chadarevian rapporte: « ...je suis au courant de choses graves que les autres ne savent pas. Pour faire court, le pays va à sa perte »....WoW, il était temps qu’il réagisse et jette l’éponge après 15 ans de cette alliance contre nature avec le Hezbollah et malgré l’évidence que depuis plus d’une décennie ce pseudo-allié les utilise à ses fins sans rien donner en retour.....Pure naïveté, opportunisme, ou soif et corruption du pouvoir....L’histoire le jugera.....En attendant, il est possible qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, mais peut-être trop peu, trop tard, pour ne pas dire qu’on a atteint le point de non-retour car, la présence chrétienne que vous vouliez protéger est en train de déserter le pays rapidement, hélas!

    Saliba Nouhad

    02 h 05, le 19 décembre 2020

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