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Nos Lecteurs ont la Parole

De François Ier à Emmanuel Macron : cinq siècles de relations franco-turques

Depuis l’été 2020, la France et la Turquie s’affrontent politiquement sur plusieurs fronts : la Libye, le domaine maritime grec, et même sur la politique intérieure française visant à combattre le séparatisme islamiste en France. À l’ombre de l’initiative du président Emmanuel Macron au Liban, il me semble utile de revenir sur les relations entre la France et les Ottomans depuis le XVIe siècle. Ces relations appellent à une réflexion sur la cohérence des intérêts géopolitiques des décisions successives de la politique extérieure de la France du XVIe siècle à nos jours.

– Le premier siège de Vienne par les Ottomans a eu lieu en 1529 par le sultan ottoman Soliman I (1494-1566). La France était alors sous le règne de Francois Ier qui deviendra en 1536 l’allié de Soliman Ier contre les Habsbourg.

L’alliance entre François Ier et Soliman Ier s’est ensuite traduite par le siège de Nice en août 1543 par les Français et les Ottomans, mis en échec par l’intervention du duc de Savoie. Le siège a donné à Nice sa Jeanne d’Arc : Catherine Segurane.

– Le second siège de Vienne eut lieu en 1683 et a été repoussé par l’intervention du roi de Pologne et du duc de Lorraine. Ce second siège s’est fait avec la bénédiction de Louis XIV qui s’engagea envers les Ottomans à ne pas intervenir dans leur siège de Vienne tout en leur souhaitant bonne chance.

Les principes et la géopolitique ne sont pas toujours conciliables. Saint Louis étant le grand-père de François Ier et de Louis XIV.

Projection au présent, cinq siècles plus tard :

Si l’alliance de la France avec les Ottomans aux XVIe et XVIIe siècles a été géopolitiquement dirigée contre les Habsbourg, l’intérêt géopolitique de la France dans ses décisions politiques au Moyen-Orient depuis 2011 n’est pas évident. Les positions françaises contre les régimes arabes autoritaires, par idéalisme démocratique, ont contribué au rétablissement de l’influence turque au Moyen-Orient (Qatar, Syrie, Libye). Cette conséquence n’a pas, à mon sens, été voulue ni prévue par la France en 2011, comme le prouvent les tensions sur la politique libyenne qui opposent actuellement ces deux pays.

En effet, en 2011, la France a militairement contribué à la chute de Kadhafi. Le chaos qui a suivi la fin de Kadhafi a permis, neuf ans plus tard, aux Turcs d’être à nouveau militairement présents en Libye pour la première fois depuis 1920. La France a-t-elle prévu que la chute de Kadhafi qu’elle a provoquée en 2011 aurait pour conséquence la présence militaire turque à Tripoli en 2020 ? J’en doute !

De plus, La France, la Turquie, la Grèce et les États-Unis font partie de l’alliance militaire de l’OTAN. Malgré cette alliance, la France et la Turquie s’opposent actuellement en Libye et en Méditerranée orientale. Le 10 juin dernier, au large des côtes libyennes, la marine turque a mis en joue une frégate française pour l’empêcher d’exécuter le mandat de l’ONU sur l’embargo imposé sur l’exportation des armes. La position américaine est équivoque et la France n’est pas appuyée par tous les pays de l’OTAN.

Plus récemment, l’Union européenne a décidé de sanctionner la Turquie pour ses actions unilatérales en Méditerranée orientale sans toutefois que l’OTAN ne prenne position.Ces développements démontrent la pertinence de la constatation de M. Macron : « L’OTAN est en état de mort cérébrale. » La France devrait redéfinir ses intérêts au Moyen-Orient avec ou sans l’Union européenne et dessiner une politique extérieure réaliste et cohérente au service de ses propres intérêts, en tirant les leçons géopolitiques de l’expérience des cinq siècles passés de relations ottomanes avec les pays européens.

M. Erdogan, lui, connaît l’histoire et prend les décisions de politique étrangère cohérentes au service des objectifs qu’il se fixe. Les janissaires turcs qui ont assiégé Vienne se trouvent actuellement en Libye. La date du 24 juillet 2020 qu’il a choisie pour célébrer la première prière musulmane à Sainte-Sophie est la date de la signature du traité de Lausanne en 1923 qui a dépossédé l’Empire ottoman de sa souveraineté sur les pays arabes, dont le Liban. Ce traité est rédigé en langue française et la France en est la dépositaire.

M. Macron a critiqué en 2017 le retrait de M. Trump de l’accord de Paris sur le climat en citant la locution « pacta sunt servanda ». Ce principe s’applique également au traité de Lausanne.

Avocat au barreau de Beyrouth

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Depuis l’été 2020, la France et la Turquie s’affrontent politiquement sur plusieurs fronts : la Libye, le domaine maritime grec, et même sur la politique intérieure française visant à combattre le séparatisme islamiste en France. À l’ombre de l’initiative du président Emmanuel Macron au Liban, il me semble utile de revenir sur les relations entre la France et les Ottomans...

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