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Politique - Explosions au port de Beyrouth

Hassane Diab, Ali Hassan Khalil, Youssef Fenianos et Ghazi Zeaïter inculpés de "négligence"

Ce sont les premiers responsables politiques à être accusés dans cette affaire.

Le port de Beyrouth, dévasté par l'explosion du 4 août 2020, vu depuis un appartement gravement endommagé, le lendemain du drame. Photo AFP/ANWAR AMRO

Le procureur général près la Cour de justice, Fady Sawan, en charge de l'enquête sur la double explosion dévastatrice du 4 août au port de Beyrouth, a inculpé le Premier ministre démissionnaire Hassane Diab et trois anciens ministres de négligence. Il s'agit des premières inculpations d'hommes politiques annoncées quatre mois après le drame qui a fait plus de 200 morts et 6.500 blessés, et détruit le port et des quartiers de la capitale.

Selon une source judiciaire qui a requis l'anonymat citée par l'AFP, M. Diab ainsi que l'ancien ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, et les anciens ministres des Travaux Youssef Fenianos et Ghazi Zeaïter sont inculpés de "négligence, de manquement et d'avoir causé des décès ainsi que des nuisances à des centaines de personnes".

"La conscience tranquille"
C'est la première fois qu'un Premier ministre en exercice est inculpé dans le cadre de ses fonctions au Liban. Dans un bref communiqué, Hassane Diab a d'ailleurs immédiatement réagi. Il s'est dit "étonné" de cette inculpation qui, "au-delà de la personne, vise un poste" (de Premier ministre, ndlr). "Nous ne permettrons pas que le poste de président du Conseil soit ciblé, par quelle que partie que ce soit", a-t-il ajouté, soulignant avoir "la conscience tranquille" concernant la façon dont il a traité "de manière transparente et responsable" le dossier de la double explosion du port. Selon un autre communiqué publié par son bureau de presse, Hassane Diab a informé le juge d’instruction Fadi Sawan de sa réponse à la demande d'audition, déclarant qu'il "respectait l'état de droit et se conformait à la Constitution". Accusant le juge Sawan de "violer la Constitution et contourner le Parlement", le texte ajoute que le Premier ministre sortant "a fourni toutes les informations dont il disposait concernant ce dossier, point final".

"Nous avons toujours œuvré sous le parapluie de la loi et nous avons confiance en nous-mêmes et dans l'exercice de nos responsabilités", s'est de son côté défendu le député Ali Hassan Khalil. Il a estimé que les positions du juge Sawan "contredisent la Constitution et la loi". "Je n'ai aucun rôle dans cette affaire en tant que ministre des Finances", a assuré le député. "Nous aurons une réaction détaillée pour dévoiler les faits", a-t-il promis.

La déflagration a été déclenchée par un incendie dans un entrepôt abritant depuis plusieurs années plus de 2.700 tonnes de nitrate d'ammonium sans précaution. Le président Michel Aoun, le Premier ministre sortant, des membres de son gouvernement mais aussi des responsables des services de sécurité avaient été avertis du danger. Quelques heures après l'explosion, Hassane Diab lui-même avait dénoncé les conditions de stockage de la cargaison de nitrate d'ammonium. "Il est inadmissible qu'une cargaison de nitrate d'ammonium soit présente depuis six ans dans un entrepôt, sans mesures de précaution", avait-il dit. Il a démissionné quelques jours après le drame, sous la pression de la rue, mais il continue de gérer les affaires courantes en attendant la formation d'un nouveau gouvernement.

Le Premier ministre sortant Hassane Diab. Photo d'archives. Dalati et Nohra

"Atermoiement"

La décision du juge Sawan a été prise après que l'enquête "a confirmé que (les accusés) avaient reçu plusieurs rapports écrits les mettant en garde contre tout atermoiement pour se débarrasser du nitrate d'ammonium", a précisé la source judiciaire. "Ils n'ont pas pris les mesures nécessaires pour éviter l'explosion dévastatrice et les dégâts énormes", a-t-elle ajouté. Le juge Sawan interrogera les accusés lundi, mardi et mercredi, ajoute cette source. Selon l’Agence nationale d’information (Ani, officielle), M. Diab sera interrogé au Grand Sérail, conformément au code de procédure pénale, alors que les anciens ministres seront interrogés dans le bureau du procureur, au palais de Justice.

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Le juge avait demandé le mois dernier au Parlement d'enquêter sur plusieurs ministres et anciens ministres, dont MM. Khalil, Fenianos et Zeaïter, soupçonnés d'avoir manqué à leur devoir. Selon la source judiciaire citée par l'AFP, le Parlement n'a pas répondu à sa requête, ce qui a entraîné l'inculpation annoncée jeudi.

"Sérieux soupçons"
Réagissant aux critiques de la présidence du gouvernement, le Conseil supérieur de la magistrature a affirmé dans un communiqué que "l'enquête est menée avec minutie et prudence, dans le respect des usages juridiques et scientifiques requis dans ce genre de crimes. Certaines déclarations et analyses qui circulent dans la presse et sur les réseaux sociaux sont souvent fausses, imprécises et ne se basent pas sur des preuves". Le Conseil a rappelé que le juge d'instruction Fadi Sawan avait envoyé un memorandum au Parlement le 24 novembre dans lequel il estime que "de sérieux soupçons pèsent sur certains responsables gouvernementaux (...)". Le Conseil souligne que le Bureau du Parlement a répondu à cette lettre le 26 novembre, en disant qu'"aucun soupçon n'a été avéré concernant les personnes citées dans les documents envoyés" par le juge. Le Conseil supérieur de la magistrature a ensuite rappelé que le parquet général près la Cour de cassation avait engagé des poursuites contre deux personnes supplémentaires et que le juge d'instruction les avait convoqués pour interrogatoire. "Le juge a décidé d'entendre plusieurs personnes en tant qu'accusés, notamment un chef de gouvernement et plusieurs ministres, ainsi qu'un chef de service de sécurité et un agent maritime. Il a également décidé d'entendre un ancien responsable militaire en qualité de témoin, et a auditionné quatre autres témoins", ajoute le Conseil. L'instance a souligné également avoir reçu "142 plaintes supplémentaires de la part de l'ordre des avocats" et avoir "entamé le nécessaire à cet égard". Le Conseil a ensuite indiqué avoir formulé une demande de coopération internationale auprès de l'ONU afin d'obtenir les images satellites datant du 4 août 2020 et qu'auraient en leur possessions des Etats membres des Nations unies, ainsi que toute autre information concernant des mouvements aériens ou maritimes militaires qu'aurait détecté la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) ce jour-là. Le Conseil a enfin fait savoir que le juge d'instruction français, qui mène l'enquête en France après la mort de plusieurs ressortissants français dans l'explosion, a indiqué que les résultats des échantillons prélevés sur le site du drame ne seront pas connus avant février ou mars 2021.

Corruption
Les autorités libanaises avaient affirmé après l'explosion que 25 personnes, notamment des responsables du port et des douanes, ont été arrêtées dans le cadre de l'enquête mais elles n'ont publié à ce stade aucune conclusion. Des proches du directeur général des transports terrestres et maritimes, Abdel Hafiz el-Kaïssi, en détention dans le cadre de l'enquête, ont manifesté jeudi devant le palais de Justice de Beyrouth afin de réclamer sa libération. "Nous voulons que la vérité soit faite sur l'identité des responsables et des personnes ayant fait preuve de négligence", ont déclaré ces proches de M. Kaïssi, qui ont toutefois regretté que, trois mois et demi après l'arrestation de ce dernier, aucune avancée n'ait été enregistrée dans l'enquête. Ils ont dénoncé le fait qu'il soit actuellement "enfermé dans une cellule sombre, alors que son état de santé se détériore".

Dans cette affaire, une grande partie de l'opinion publique a pointé du doigt les dirigeants et les hommes politiques, quasi-inchangés depuis des décennies et accusés de corruption et d'incompétence. Les autorités ont rejeté une enquête internationale malgré les appels en ce sens mais des experts français et du FBI américain ont participé à l'enquête préliminaire.

"Tout cela pourrait rester une simple tentative de calmer l'opinion publique si (ces inculpations) ne sont pas accompagnées d'enquêtes sérieuses sur leurs responsabilités et celles d'autres ministres qui n'ont pas encore été cités à comparaître", a écrit le groupe de défense des droits Legal Agenda sur Twitter.

"Pas d'immunité constitutionnelle, légale ou politique pour qui que ce soit", s'est félicité de son côté le bâtonnier de Beyrouth, Melhem Khalaf. "Nous saluons cette étape qui prouve que le juge Fady Sawan fait preuve de courage et de ténacité", a-t-il ajouté.

En septembre, les Etats-Unis avaient imposé des sanctions contre deux des ministres inculpés, Ali Hassan Khalil et Youssef Fenianos, accusés de "corruption". Le 4 décembre, le Hezbollah avait annoncé qu'il engageait des poursuites judiciaires à l'encontre de l'ex-député Farès Souhaid et des Forces libanaises qui l'ont accusé d'être responsable de l'explosion dévastatrice.

Le drame du port est venu aggraver la crise politique, économique et sociale dans laquelle le Liban est englué depuis plus d'un an. Outre une dépréciation historique de sa monnaie et une hyperinflation, le pays est sans gouvernement depuis quatre mois.

Le procureur général près la Cour de justice, Fady Sawan, en charge de l'enquête sur la double explosion dévastatrice du 4 août au port de Beyrouth, a inculpé le Premier ministre démissionnaire Hassane Diab et trois anciens ministres de négligence. Il s'agit des premières inculpations d'hommes politiques annoncées quatre mois après le drame qui a fait plus de 200 morts et 6.500...

commentaires (18)

Et "LES AUTRES"??? Révoltant... écoeurant. Les a t il oubliés? Ou garde t il le meilleur pour la fin?

C EL K

22 h 49, le 10 décembre 2020

Tous les commentaires

Commentaires (18)

  • Et "LES AUTRES"??? Révoltant... écoeurant. Les a t il oubliés? Ou garde t il le meilleur pour la fin?

    C EL K

    22 h 49, le 10 décembre 2020

  • Et tous les autres Premiers Ministres et Ministres depuis l'arrivee des sacs de nitrates? Personne n'en parle? Mais c'est tout simplement ridicule!

    IMB a SPO

    19 h 04, le 10 décembre 2020

  • Le juge fait son travail, et il ne l'a pas terminé.

    Esber

    18 h 32, le 10 décembre 2020

  • On dirait que ces inculpations ne respectent pas le principe de représentation des 18 communautés religieuses du pays, des agnostiques et des athés... Biiizaaarre et pas sérieux

    Wlek Sanferlou

    17 h 50, le 10 décembre 2020

  • Oscar pour ce beau film . Mais les premiers ministres qui ont passé avant Diab qu'est ce qu'ils ont fait ? Ils voulaient un bouc émissaire , quelle honte.????

    Eleni Caridopoulou

    17 h 14, le 10 décembre 2020

  • Comme par hasard 2 des personnes inculpées sont sur la liste des sanctions US. Il en manque encore une la plus récente et la plus nuisible.

    Liban Libre

    16 h 59, le 10 décembre 2020

  • Eh bien voila, cette crasse de classe politique a trouve son bouc-émissaire en la personne de Diab alors que ministres et présidents au pouvoir depuis bien avant lui étaient tous au courant du stockage du nitrate d’ammonium sans rien faire! Même Aoun l’a avoue mais apparemment, le port ne relevait pas de son domaine d’action!!!

    CW

    16 h 57, le 10 décembre 2020

  • Pourquoi Hassan Diab avait ajourné sa visite au fameux numéro 12, quelques heures avant de l'effectuer, et ceci quelques semaines avant l'explosion du port ? Il avait été informé du danger du nitrate, et il voulait en faire une grande affaire.

    Esber

    16 h 56, le 10 décembre 2020

  • Je plains les futurs ministres, ils vont être immédiatement condamnés pour corruption, abus de biens sociaux, vol, détournements de fonds, négligence, meurtres avec préméditation, etc., pour couvrir tous les délits commis depuis des décennies par nos dirigeants bedonnants, incompétents et inutiles, affalés dans leurs fauteuils et qui crachent sur le peuple. Que leur faut-il, à cette classe politique et cette justice honteuse, pour comprendre que c'est le peuple qui leur crache dessus ?

    Robert Malek

    16 h 53, le 10 décembre 2020

  • Il vont recevoir un avertissement. Au bout de 30 avertissements, ils risquent un blâme. Et au bout de 30 blâmes, gare à leurs miches! Si c’est pas de la bonne justice ça? Comme quoi Moustafa Adib a eu mille fois raison de ne pas se laisser prendre dans ce piège à ... (qu’on n’a peut-être pas le droit de le dire?)...

    Gros Gnon

    16 h 27, le 10 décembre 2020

  • Inculper Hassane Diab...ce n'est pas de la justice, mais un règlement de comptes ou de la vengeance ! On comprendra certainement bientôt pourquoi. Espérons qu'il ne se laissera pas faire par tous ces corrompus du haut en bas de l'échelle des "responsables" collés à leurs postes et fauteuils ! - Irène Saïd

    Irene Said

    16 h 26, le 10 décembre 2020

  • Si je comprends bien, Hassan Diab est devenu le prestidigitateur de choix de la société libanaise: à lui seul il a été capable en quelques mois de corrompre le pays jusqu’à la moelle, de vider les banques, de noyer la livre libanaise, d’envoyer au triple diable l’économie et en enfer la jeunesse et les rêves de grandeur du pays. Il a été capable aussi d’éteindre toutes les lumières, d’allumer le confessionalisme, de boire toute l’essence, de manger toute la farine et d’avaler tous les médicaments... N’ayant pas eu assez, la nuit il a transporté quelques 2700 tonnes de nitrates jusqu’au port comme ça pour rien et pour s’amuser encore un peu il a été faire une abboulé et un feu d’artifice juste à côté... Mais bravo (j’applaudis): rien de tout celà n’a échappé au flair et à la clairvoyance de notre fin limier! C’est Diab le coupable, c’est lui! Naturellement Hariri, Machnouk, Aoun, Nasrallah, Berry et tout le bataclan n’ont rien à voir eux avec les maux divers que traverse le pays! C’est Diab, c’est lui, ça ne pouvait être que lui! Mais bravo: Sherlock Holmes n’aurait pas fait mieux!

    Fady Abou Hanna

    16 h 22, le 10 décembre 2020

  • Pendant des années ces produits ont été stockés au vu et au su de tous les dirigeants qui ont déjà fermé les yeux sur l’arrivée de cette marchandise mystérieusement échouée dans le port et on vient condamner un PM qui est resté à peine quelques mois au (non pouvoir) pour se faire accuser de tous les maux. Certes il ne s’était pas déplacé et n’avait rien fait pour débarrasser le port de ces produits hautement dangereux , mais la question était de savoir quel responsable politique ou autre a commandé ces produits et si aucun que faisaient ces tones de nitrate d’aluminium là dans une zone urbaine et qui les a stocké à côté d’un hangar de feux d’artifices pour produire le cataclysme? Qui a empêché Diab de se rendre sur place et pourquoi a t-il obéi aux ordres?

    Sissi zayyat

    16 h 19, le 10 décembre 2020

  • Parmi les personnalités au courant du stockage du nitrate et de sa dangerosité, le juge a oublié le président de la république qui a lui-même reconnu avoir été averti.

    Yves Prevost

    16 h 09, le 10 décembre 2020

  • Inculpés pour "négligence"... Dans un pays qui se respecte ces mafieux auraient été incuplés pour homicide.

    La Colère de Zeus

    16 h 01, le 10 décembre 2020

  • Le stockage remonte à 2013 et ils n'ont inculpé que Hassan Diab parmi les presidents du Conseil qui se sont succédés depuis et qui auraient été avertis du danger , comme on l'avait lu et entendu dans les medias . Notre triste pays .

    Lecteurs OLJ 2 / BLF

    15 h 47, le 10 décembre 2020

  • Ceux qui avaient été élus: président, chefs de...etc. pour garder leur/notre patrie, l'ont laissée être envahie par toutes sortes de mauvaises herbes, racines et plantes vénéneuses avec épines. Eux...bien à l'abri dans leurs palais et résidences luxueuses, n'ont rien fait pour arrêter ou empêcher cela, car ils en tiraient profit ! Maintenant nous, le petit peuple, sommes étouffés, écrasés ...même tués par cette végétation qui envahit chaque centimêtre-carré de notre patrie...de 10 452 Km2...nommée LIBAN. - Irène Saïd

    Irene Said

    15 h 33, le 10 décembre 2020

  • QUELLE MASCARADE!!! DES BOUCS ÉMISSAIRES POUR COUVRIR LES VRAIS RESPONSABLES, QUI DES ANNÉES DURANT ONT LAISSÉ FAIRE... LE PIRE, C'EST CETTE SOI-DISANT INSTANCE QUI MÈNE L'ENQUÊTE BIDON. MASCARADE VICIEUSE ET EFFARANTE!

    Christian Samman

    15 h 23, le 10 décembre 2020

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