Le Hezbollah a annoncé vendredi qu'il allait poursuivre l'ancien député Farès Souhaid, figure du mouvement du 14 Mars, ainsi que le site des Forces libanaises (FL), pour avoir mis en cause la formation pro-iranienne dans l'explosion du port, en précisant que d'autres plaintes à l'encontre de différentes personnalités allaient suivre. Farès Souhaid et le site des FL avaient affirmé que le Hezbollah utilisait le port de Beyrouth pour entreposer des armes et des matières dangereuses, ce que le parti chiite a démenti.
L'explosion le 4 août, causée de l'aveu des autorités par le stockage sans mesures de précaution de grandes quantités de nitrate d'ammonium, a fait plus de 200 morts, au moins 6.500 blessés et a détruit des quartiers de la capitale libanaise. Dans ce drame, une grande partie de l'opinion publique a pointé du doigt les dirigeants et les hommes politiques, quasi-inchangés depuis des décennies et accusés de corruption et d'incompétence. De hauts responsables ont été prévenus du danger que représentait la présence du nitrate d'ammonium mais n'ont pris aucune mesure. Une enquête locale sur la catastrophe n'a annoncé jusque-là aucune conclusion sur les responsabilités. Néanmoins, sur les réseaux sociaux et dans des médias, des allégations ont fusé sur la responsabilité du Hezbollah, un poids lourd de la politique libanaise, accusé d'avoir un contrôle considérable sur le port ou d'avoir utilisé une partie du nitrate d'ammonium stocké.
"Confiance en la justice"
"Les accusations dirigées contre le Hezbollah concernant l'explosion au port sont fausses et constituent une véritable injustice. Toute personne qui veut s'adonner à la calomnie et à la désinformation à l'encontre du parti doit s'attendre à ce que nous portions l'affaire en justice", a affirmé le député Ibrahim Moussaoui aux journalistes devant le Palais de justice de Beyrouth, prévenant que d'autres personnalités et sites pourraient suivre. "Nous avons confiance en la justice, car nous estimons qu'il y a encore des juges qui sont honnêtes dans ce pays, qui ont foi en leur pays." a-t-il ajouté, précisant que les deux premières plaintes visaient Farès Souhaid et le site des Forces libanaises.
Répondant à la question d'un journaliste concernant une éventuelle plainte contre Baha' Hariri, frère du Premier ministre désigné Saad Hariri et critique déclaré du parti chiite, Ibrahim Moussaoui a souligné qu'une plainte supplémentaire était en train d'être préparée et que le parti attendait "d'avoir l'autorisation du juge". "Nous continuerons de déposer des plaintes et certaines d'entre elles seront portées devant le pouvoir judiciaire compétent. Celui-ci est la référence juste pour préserver la dignité des individus et nous tenons à la liberté d'expression" a ajouté le député.
Baha' Hariri, qui vit à l'étranger, fustige régulièrement le Hezbollah, l'accusant de "contrôler le port et l'aéroport" de Beyrouth. Il avait tenu le parti chiite pour responsable de l'explosion du 4 août.
"Une première"
Interrogé par l’OLJ, M. Souhaid a indiqué qu’il ne savait pas encore sur quoi portait la plainte, ajoutant que ses avocats devraient en être informés par le juge. Il a cependant souligné que "c’est la première fois dans l’histoire de l’action sécuritaire et politique de la formation chiite qu’un de ses députés porte plainte contre une personne et un parti". "A mon avis, la valeur de cette plainte n’est pas liée à son contenu juridique, car toutes les accusations qui nous sont portées sont nulles et non avenues", a encore dit M. Souhaid. Mais il a souligné que cette affaire intervient alors que "les chefs d’organes de sécurité, le général Abbas Ibrahim (directeur de la Sûreté générale) et le général Tony Saliba (directeur de la Sécurité de l'État), ont évoqué la possibilité d’un retour aux assassinats politiques au Liban" lors de la réunion du Conseil supérieur de la défense jeudi. Plusieurs médias, dont le journal al-Akhbar, proche du Hezbollah, avaient rapporté hier que Abbas Ibrahim et Tony Saliba ont dit au cours de cette réunion être en possession d'informations selon lesquelles il y aurait un retour des assassinats politiques au Liban. "Le Hezbollah est peut-être en train d’anticiper les événements. Au cas où, à Dieu ne plaise, l’une des personnes poursuivies en justice est visée à l’avenir, il dira : je n’ai rien à voir avec cela, mon problème avec eux est porté devant la justice", a ajouté Farès Souhaid.
L'ancienne ministre May Chidiac (Forces libanaises) a violemment réagi, pour sa part. "Le Hezbollah: une impudence sans bornes. (...) Vous n'avez pas le droit de porter plainte devant la justice pour diffamation alors que tout le monde connaît vos crimes. Vous n'accordez aucune importance au Tribunal international (le Tribunal spécial sur le Liban, qui a reconnu un membre de la formation coupable de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, NDLR) et vous considérez que vous accuser dans l'affaire du port est une offense", s'est-elle indignée sur Twitter. Elle faisait ainsi allusion au refus du Hezbollah de livrer Salim Ayyache, jugé coupable par le TSL de l’assassinat de Rafic Hariri et de 22 autres personnes, le 14 février 2005.
commentaires (22)
“confiance en la justice, car nous estimons qu'il y a encore des juges qui sont honnêtes dans ce pays...” a affirmé le député Ibrahim Moussaoui. C’est logique qu’il ait confiance. Ou est l’autre qui a déclaré que 95% des juges sont corrompu?
Cedrus Fidelis
12 h 08, le 05 décembre 2020