Déjà pris à la gorge par une crise qui s’intensifie jour après jour, les Libanais ont suivi hier avec inquiétude les derniers développements concernant le maintien ou non des différents mécanismes de subvention des importations de produits stratégiques ou de première nécessité, tous mis en place depuis octobre 2019 par la Banque du Liban (BDL) – avec l’appui de l’exécutif pour une partie d’entre eux.
Le sujet a fait l’objet d’une réunion hier au Grand Sérail entre le Premier ministre démissionnaire, Hassane Diab, et le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, ainsi que les ministres sortants de la Défense et vice-présidente du Conseil des ministres, Zeina Acar ; de l’Énergie et de l’Eau, Raymond Ghajar ; des Finances, Ghazi Wazni ; de l’Économie et du Commerce, Raoul Nehmé ; de l’Industrie, Imad Hoballah ; de l’Agriculture et de la Culture, Abbas Mortada ; de la Santé, Hamad Hassan, et enfin du Tourisme, Ramzi Moucharrafiyé.
Si aucune décision n’a été prise à l’issue de plus de 3 heures de réunion, les responsables se préparent bien à rationaliser les mécanismes en place, ce qui pourrait mécaniquement provoquer une hausse conséquente des prix des produits concernés.
Cinq réunions aujourd’hui
S’exprimant avant la réunion, Hassane Diab a affirmé que l’objectif recherché visait à « réduire le coût des importations sans nuire aux gens ». Le gouverneur de la BDL a, lui, quitté le Grand sérail avant la fin de la réunion. D’après notre correspondante Hoda Chédid, Riad Salamé a présenté les chiffres des importations pour les années 2019 et 2020, et n’a « répondu à aucune question ». Selon elle, « chaque ministre a présenté son propre plan pour réduire le montant des subventions débloquées par type de produit, les hauts responsables sortants refusant de prendre le pari de les supprimer définitivement ».
Une série de cinq réunions sectorielles, une par ministère de tutelle concerné, est programmée aujourd’hui. Selon le président du syndicat des propriétaires de station-service, Samy Brax, la réunion consacrée aux subventions sur les importations d’essence et de mazout doit avoir lieu à midi, ce dernier carburant étant consommé par les générateurs privés.
Le plan définitif élaboré à l’issue de ces entretiens doit répondre aux attentes formulées la semaine passée par les commissions parlementaires mixtes qui se sont engagées à prendre une décision sur cette base avant de transférer le dossier au Parlement. Jeudi dernier, une réunion entre le conseil central de la BDL et les représentants ministériels concernés, comme celui de l’Économie, avait également eu lieu sans qu’aucune information sur la teneur des échanges ne filtre.
Mis en place pour faire face à la dépréciation de la livre, qui a perdu près de 80 % de sa valeur, le financement des importations par les réserves de la Banque du Liban bénéficie aux importateurs de carburant, de blé, de médicaments, d’équipements médicaux et de matières premières destinées à l’industrie pharmaceutique. Une partie des mécanismes en place leur permet d’acheter à la BDL et au taux officiel de 1 507,5 livres pour un dollar une partie des montants réclamés par leurs fournisseurs, à condition de fournir eux-mêmes la portion restante. La proportion est de 85 % ou 90 % de dollars subventionnés pour 15 ou 10 % de dollars « frais ». Le dispositif mis en place pour les biens de première nécessité – une liste d’environ 200 biens de consommation – permet, lui, aux importateurs ciblés d’acheter tous leurs dollars au taux de 3 900 livres. Le taux dollar/livre, qui a commencé à s’effondrer au début de la crise il y a plus d’un an, gravite depuis plusieurs jours autour de 8 000 livres pour un billet vert sur le marché noir.
Système inefficace
Le problème, c’est que les dollars achetés proviennent des réserves de la BDL qui suffisent à peine pour deux mois, selon une déclaration du gouverneur la semaine passée – reprise par le Grand Sérail hier. Les chiffres exacts du niveau des réserves restent inconnus, mais ont été estimés, selon des sources « officielles » citées par Reuters la semaine dernière, à « 17,9 milliards de dollars », dont « 800 millions » pour financer les subventions, le reste étant constitué de réserves obligatoires qui sont en principe intouchables.
C’est dans ce contexte que s’inscrit la nécessité de modifier en urgence les mécanismes en place, d’autant plus que les responsables libanais ont allègrement ignoré tous les appels à réformer sérieusement le pays, comme l’a explicitement souligné la Banque mondiale dans un rapport publié la semaine dernière. Plusieurs voix se sont en outre élevées pour souligner l’inefficacité du système actuel de subvention à soutenir les plus nécessiteux, tandis que le ministère de l’Économie travaille depuis l’été en coopération avec la Banque mondiale sur une solution alternative. Une rationalisation de la politique de subvention des médicaments est également à l’étude, articulée autour des produits sans équivalent fabriqués au Liban.
Le thème des subventions a également été au centre d’une réunion au Conseil économique et social (CES), hier, à laquelle ont participé des députés du bloc parlementaire de la République forte (Forces libanaises). Lors de son intervention, le député Georges Adwan a critiqué le fait que le pays pratiquait depuis un an une politique de subvention « sans plan clair ». Le président du CES, Charles Arbid, a rappelé de son côté que les subventions servaient aussi à alimenter la contrebande faute de contrôles suffisants.
Sur le terrain, les rumeurs vont bon train. Le président du syndicat des boulangeries de Beyrouth et du Mont-Liban, Ali Ibrahim, avait annoncé le matin à plusieurs médias, dont L’Orient-Le Jour, que le ministère de l’Économie avait levé hier la subvention sur la farine destinée à la confection des « mana’iche », une information officiellement démentie par le directeur général de l’Office des céréales et de la betterave sucrière au sein du ministère de l’Économie, Geryès Berberi. Ce dernier a néanmoins reconnu que la question avait été évoquée. Même cacophonie en ce qui concerne l’essence, une proposition de Samy Brax consistant à faire passer le pourcentage de dollars fournis aux importateurs de 90 à 70 % ayant été présentée par certains médias comme une décision ferme.
Enfin, la perspective d’une rationalisation des subventions, qui viendrait réduire encore plus le pouvoir d’achat des Libanais déjà affaibli par la dévaluation de la livre, les restrictions bancaires et la forte inflation qui en a résulté a déjà commencé à mobiliser la rue. Des rassemblements ont en effet eu lieu dans le centre-ville de Beyrouth, en marge de la réunion, pour réclamer le départ de la classe dirigeante. En début de soirée, des manifestants ont coupé la voie express du Ring avec des bennes à ordures et des pneus enflammés, et se sont retrouvés face aux forces antémeute. La route a été rouverte vers 20h et la manifestation s’est poursuivie devant le bâtiment du ministère de l’Économie, dans le centre-ville de Beyrouth. À Tripoli, au Liban-Nord, des protestataires ont coupé la route de Bohsass. Des manifestants ont également donné de la voix dans la Békaa, a rapporté notre correspondante Sarah Abdallah.
LE PIRE N'EST PAS SEULEMENT CELA, LE PIRE EST QUE CES IDIOTS MEMBRES DU GOUV & SURTOUT AUSSI LEURS CONSEILLERS QUI AVAIENT MIJOTE CETTE LISTE DE 300 PRODUITS A SUBVENTIONNER - RIDICULE, CRIMINELLE AUSSI CAR SUREMENT PREPAREE DE CONNIVENCE AVEC LES HOMMES D'AFFAIRES CONCERNES.
08 h 58, le 10 décembre 2020