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Monde - Témoignage

De Saydnaya à Georgetown : l’incroyable destin de Omar Alshogre

Ce rescapé des prisons syriennes a refait sa vie en Suède en 2015. Il raconte son parcours à « L’Orient-Le Jour ».

De Saydnaya à Georgetown : l’incroyable destin de Omar Alshogre

Omar al-Choghri sur une route norvégienne, exulte de joie après avoir appris son admission à Georgetown. Photo DR

En ce 24 octobre, Omar Alshogre sillonne, avec un ami, les routes montagneuses de Norvège où il vient de donner une série de conférences. Tout en contemplant le paysage, il garde un œil fébrile sur son téléphone. Sur son écran, un email de l’Université de Georgetown s’affiche. « J’ai dit à Tom : faut que tu arrêtes la voiture tout de suite, je dois crier… Je dois savourer ce moment… appeler des gens », raconte-t-il. Il saute alors du véhicule, se jette sur la rambarde, alors que son ami immortalise la scène dans une vidéo devenue virale, que les internautes vont regarder en boucle. « I made it to Georgetown ! (Je rentre à Georgetown) », s’époumone le jeune homme, un sourire jusqu’aux oreilles. « J’ai été accepté dans l’une des universités les plus prestigieuses alors que je sors de la pire prison au monde, Saydnaya », raconte-t-il à L’OLJ.

Ce défenseur de la mémoire et activiste syrien des droits de l’homme de 25 ans est un rescapé des geôles syriennes, aujourd’hui aux portes de son rêve : recevoir une éducation de qualité pour pouvoir un jour aider à reconstruire son pays. En 2015, Omar Alshogre a refait sa vie en Suède et est devenu l’un des avocats de la cause syrienne les plus médiatisés. Depuis son évasion, il ne s’est plus jamais tu, arpentant les plateaux télévisés et les conférences TED, où il met en scène les atrocités dont il a été victime. « Si Georgetown m’a accepté, ce n’est pas parce que je suis un réfugié syrien, mais parce que j’ai un but. J’ai vécu la torture, la perte de proches, et ils ont vu la flamme que j’ai en moi », dit-il. Dans le petit village d’al-Bayda, près de Banyas, dans la province de Tartous, les Shogre ont élevé neuf enfants à la dure. Le père, Ahmad, un officier de l’armée à la retraite qui ne savait pas dire je t’aime, leur inculque le sens de la discipline et parfait leur éducation. Le petit Omar est brillant et apprend bien vite les consignes qu’on enseigne à tout un chacun : rester dans le rang, ne pas faire de vagues, ne pas critiquer le pouvoir. Alors, un jour, quand Omar, à 10 ans, se moque des oreilles décollées de Bachar el-Assad qui passe à la télévision, le père lui colle aussitôt une paire de claques. « Ne dis plus jamais ça ! Les murs ont des oreilles », hurle-t-il. Pour en avoir fait partie, Ahmad Alshogre sait ce qu’il advient de ceux qui s’aventurent à critiquer le régime. Dans les années 80, des oncles maternels, alors étudiants, avaient été jetés en prison lors des rafles massives ordonnées par Hafez el-Assad parti à la chasse aux dissidents.


Omar al-Choghri. Photo Sokol Vjerdha


Ne joue pas les héros

Lorsque la révolution de 2011 éclate, l’ancien militaire change radicalement d’attitude, fait tomber le masque et se rapproche de sa tribu « parce qu’il comprend que certains d’entre eux risquent de perdre la vie ». Sur sa moto, c’est lui qui emmènera Omar participer à la première manifestation, le 15 mars 2011. Et lui souffle à l’oreille : « Un million de personnes vont peut-être mourir. Surtout, ne joue pas les héros, ne montre pas ton visage. » Omar ne comprend pas tout de suite le message, pense que son père plaisante. Du haut de ses quinze ans, il est témoin du basculement des protestations pacifiques dans la violence. Son meilleur ami, fauché par une balle, meurt sous ses yeux. Le lycéen est incarcéré à six reprises lors de différentes manifestations. Son père parvient à faire jouer ses connexions pour le faire sortir.

Pour mémoire

Moustapha el-Khatib, un « miraculé » des prisons d’Assad

Jusqu’à ce 16 novembre 2012, où Omar est incarcéré à la sécurité militaire de Tartous avec ses cousins Bachir, 22 ans, Rachad, 20 ans, et Nour, 17 ans, chez qui il vivait. Il restera ensuite près d’un an et neuf mois dans les couloirs de la branche 215 du service de renseignements de l’armée de terre, à Damas. Entassés dans une geôle infestée et surpeuplée, les jeunes subissent les pires sévices et privations. Rachad meurt le premier, après quatre mois de tortures, puis c’est au tour de Bachir qui s’éteint dans les bras de Omar. Le jeune homme perd alors tout espoir de sortir un jour de prison. Mais il est déterminé à vivre et transforme chaque instant en leçon. Des codétenus médecins suggèrent aux gardes d’assigner une fonction à Omar à la morgue, dans le but caché qu’il puisse sortir se dégourdir les jambes hors de la cellule. Il sera chargé d’apposer des numéros sur les cadavres, comme sur du vulgaire bétail. Les jours se ressemblent et aucune nouvelle ne filtre de l’extérieur. Quand deux autres cousins germains sont jetés dans le même cachot, il apprend que toute sa famille a été tuée lors du massacre du 2 mai 2013 à al-Bayda. « Je n’ai su qu’à ma sortie que mon père et mes frères Mohammad et Otham étaient morts, alors que ma mère s’était échappée et qu’elle se trouvait en Turquie avec mes autres frères et sœurs », raconte-t-il.


Omar al-Choghri à sa sortie de prison en 2015. Photo DR


Corps décharnés

Le 14 août 2014, Omar arpente les allées de la prison de Saydnaya, surnommé « l’abattoir humain ». « Bienvenue en enfer. Dieu n’est pas présent ici. Il n’y aura pas de prières, pas de jeûne. Et on ne veut pas entendre de voix, ni même de murmures. La porte est comme ta sœur, tu ne t’en approches pas », annonce un garde. Il y découvre 2 500 corps décharnés et purulents qui se massent dans un espace prévu pour 500. Les coups de ceinture, les décharges électriques, les humiliations et les viols… tout est prévu pour briser un homme. « Plus ils me frappaient, plus ça me renforçait », insiste-t-il. Ses codétenus sont médecins, ingénieurs, avocats, économistes ou professeurs, et n’hésitent pas à miser sur le benjamin de la geôle en partageant leur savoir ou en cédant leur maigre ration de nourriture. « Ce sont les personnes les plus extraordinaires que j’ai pu croiser dans ma vie », se remémore-t-il. Dans cette « université du chuchotement » où le moindre souffle équivaut à des coups, il fait une promesse. Celle de parler de leur sort si, par miracle, il parviendrait à s’en sortir.

Pour mémoire

« Nous avons un message pour Bachar el-Assad : nos jeunes sont morts, mais pas leurs idées »


Dans un pays où tout se monnaye, il n’est pas rare que certains sbires du régime proposent leurs services à des familles de détenus contre des informations, voire une libération. Après plusieurs tentatives infructueuses, la mère de Omar parvient à le faire évader de Saydnaya en juin 2015 contre la somme de 20 000$. Il s’enfuit pieds nus, le visage en sang. Il est tuberculeux et ne pèse plus que 34 kg lorsqu’il arrive dans un hôpital de la capitale. « Tu sors d’où comme ça ? » lui lance un médecin à la vue de ce corps rachitique et tuméfié. « De Saydnaya », répond-t-il. « Le docteur a commencé à me frapper, me planter des piqûres, j’ai fui aussi rapidement que j’ai pu », raconte le jeune homme.

Avec l’aide d’un passeur, il réussira à quitter Damas, rejoindre Idleb puis entrer en Turquie.

Là-bas, dans une chambre où il est en isolement pour se faire soigner, son petit frère Ali, 11 ans, est venu lui dire un jour : « Prends tes affaires, on va tous les deux en Suède. » Ils embarquent sur un bateau pneumatique vers la Grèce, marchent à travers l’Europe centrale et arrivent à Stockholm fin 2015. Il apprend vite le suédois, le norvégien, l’anglais, suit des cours d’ingénierie civile à la faculté, et court les scènes et les plateaux TV pour témoigner du drame syrien. Sur son portable, il reçoit des dizaines de milliers de photos de disparus envoyés par des familles désespérées. Il rejoint l’organisation américaine Syrian Emergency Task Force pour travailler sur le projet César, qui donnera naissance, entre autres, à la loi éponyme votée par l’administration Trump et entrée en vigueur en juin dernier. Ses témoignages l’ont conduit aux cours européennes et au Congrès américain. Il n’a plus rien d’un détenu maladif, mais des airs de John Kennedy Jr. et la gravité d’un Primo Levi. En 2018, Omar reçoit un appel d’un numéro syrien. Au bout du fil, l’homme qui l’a torturé quotidiennement durant un an lui lance : « Tu vas la boucler ! Tu veux de l’argent ou tu veux que je te tue ? » « Je lui ai demandé pourquoi il avait pris tant de plaisir à me faire du mal. Je n’entendais plus que son souffle. Il m’avait bâillonné en prison, et cette fois-là, c’est lui qui était sans voix », raconte Omar.

En ce 24 octobre, Omar Alshogre sillonne, avec un ami, les routes montagneuses de Norvège où il vient de donner une série de conférences. Tout en contemplant le paysage, il garde un œil fébrile sur son téléphone. Sur son écran, un email de l’Université de Georgetown s’affiche. « J’ai dit à Tom : faut que tu arrêtes la voiture tout de suite, je dois crier… Je dois...

commentaires (5)

L’humanité est une espèce qui se trouve au sommet de la chaine alimentaire et reste le prédateur incontesté de la biosphère. La sélection naturelle de cette espèce se fait donc par une auto prédation instinctive intertribale et intra tribale ou la violence et l’élimination physique sont légion. Depuis la naissance des groupes humains primitifs, on retrouve actuellement cette situation partout dans notre monde moderne sous différente forme : Gangue, mafia, pays multiethnique et multiraciale, inter-nations, syndicat professionnel, corporations, etc. La civilisation humaine n’est pas encore assez mature pour se considérer une seul espèce solidaire. L’ultime objectif et de finir avec cette malédiction naturelle des vivants de dominant dominé, que l’intelligence humaine s’attache d’aplanir via la science et l’organisation socio-économique.

DAMMOUS Hanna

13 h 55, le 12 novembre 2020

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Commentaires (5)

  • L’humanité est une espèce qui se trouve au sommet de la chaine alimentaire et reste le prédateur incontesté de la biosphère. La sélection naturelle de cette espèce se fait donc par une auto prédation instinctive intertribale et intra tribale ou la violence et l’élimination physique sont légion. Depuis la naissance des groupes humains primitifs, on retrouve actuellement cette situation partout dans notre monde moderne sous différente forme : Gangue, mafia, pays multiethnique et multiraciale, inter-nations, syndicat professionnel, corporations, etc. La civilisation humaine n’est pas encore assez mature pour se considérer une seul espèce solidaire. L’ultime objectif et de finir avec cette malédiction naturelle des vivants de dominant dominé, que l’intelligence humaine s’attache d’aplanir via la science et l’organisation socio-économique.

    DAMMOUS Hanna

    13 h 55, le 12 novembre 2020

  • Voilà où a été le courageux HN mener bataille contre les élites d’un pays gangrené par la corruption dont leurs gouvernants ne ne défendent que leurs cause ps personnelles pour rester au pouvoir et s’enrichir en massacrant sa propre population sous prétexte de protéger le pays. Ça nous rappelle les résistants au Liban qui utilisent les mêmes techniques et sévissent avec les méthodes à petite échelle en attendant de dominer complètement le pays et instaurer la torture comme remède aux récalcitrants.

    Sissi zayyat

    13 h 37, le 12 novembre 2020

  • d abord,OU SONT nos chers jeunes LIBANAIS, kidnappés par le régime syrien qd au liban de 1976 a 2006?? pres de 17.000 personnes?!détenus et/ou disparus a SAYADNAYA?? je m en fous du reste,Mde l Orient le jour.! que chacun s occupe de ses oignons et de sa cuisine d abord.

    Marie Claude

    09 h 11, le 12 novembre 2020

  • Quel Mental de fer à ce garçon! Quel cœur aussi!. Il ira très loin et je l’espère. Pour le bien de l’humanité

    Joumana Jamhouri

    02 h 29, le 12 novembre 2020

  • Ce régime syrien a toujours été une plaie pour son peuple, comme pour le Liban. Jamais ce pays n'aurait dû exister. Il aurait dû être diviser en quatre. Il aurait été moins menaçant pour tous. Et chacun chez soi.

    Nicolas ZAHAR

    01 h 26, le 12 novembre 2020

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