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Économie - Crise

Le secteur privé toujours aussi remonté contre un nouveau bouclage

Le président du Rassemblement des dirigeants et chefs d’entreprise libanais (RDCL), Fouad Rahmé, a qualifié le confinement total de « complot » contre le secteur privé.

Le secteur privé toujours aussi remonté contre un nouveau bouclage

Une partie de la délégation représentant l’Association des industriels libanais a rencontré hier le ministre sortant de l’Industrie, Imad Hobballah, pour plaider contre un nouveau confinement, total ou partiel. Photo M.A.

Déjà montés au créneau le 30 octobre pour obtenir une exemption de la décision de fermeture de certaines usines à cause du confinement local qui était alors en vigueur, l’Association des industriels libanais (AIL) s’est encore mobilisée hier pour faire pression sur les autorités. Une dizaine d’entre eux se sont donné rendez-vous hier pour plaider contre le confinement, total et partiel, auprès du ministre sortant de l’Industrie, Imad Hobballah. Ensuite, par la voix de leur vice-président, Ziyad Bekdache, les membres de l’AIL ont annoncé leur refus de fermer leurs portes, craignant de « perdre leurs clients basés à l’étranger » en n’honorant pas leurs engagements.

Un argument que les industriels considèrent comme décisif dans le contexte de crise économique et financière que traverse le pays, et qui est marqué par un effondrement de la livre et d’importantes restrictions bancaires sur les retraits et les transferts en devises à l’étranger. De fait, seuls les fonds « frais », c’est-à-dire transférés depuis l’étranger ou déposés en espèces dans un compte spécial reconnu par la Banque du Liban (BDL) depuis le 9 avril dernier, peuvent être librement retirés tandis que les importateurs sont obligés de se fournir en dollars chez les agents de change qui appliquent le taux du marché noir (7 300/7 500 livres hier à la mi-journée selon le site lebaneselira.org). Or, les industriels qui exportent font partie des rares acteurs de l’économie locale à obtenir des dollars frais.

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Si l’hostilité des industriels vis-à-vis du confinement n’est plus à démontrer, il est cependant difficile de mesurer son impact sur leur secteur, aucun industriel interrogé hier n’ayant été en mesure de dresser un bilan des pertes liées au premier confinement de trois mois lancé en mars – les autorités avaient cependant rapidement mis en place des mesures d’exception pour certaines industries. Pour Paul Abi-Nasr, PDG de Polytextile et membre de l’AIL, ces pertes seraient « énormes », en plus de craindre pour l’avenir de leurs employés. Carmen Chadaideh, la dirigeante de la société Klima Contra, un fabricant de produits de chauffage, de ventilation et de climatisation, affirme de son côté avoir déjà dû se séparer d’une partie de ses équipes en raison de la combinaison entre la crise économique et les mesures prises face au Covid-19. Paul Abi-Nasr estime en outre que le secteur est parfaitement capable de respecter les mesures de prévention et de traçage des employés en cas de contamination. Un avis assumé par l’AIL qui a assuré que tous ses membres avaient adopté « toutes les mesures nécessaires » pour contrer la propagation du virus.

« Mort certaine »

Les industriels n’ont pas été les seuls à donner de la voix hier. Également opposée à tout nouveau bouclage, l’Association des commerçants de Beyrouth (ACB) a rejeté hier cette éventualité en annonçant dans un communiqué que près de « 70 à 90 % » des entreprises, en particulier commerciales, risquaient de fermer leurs portes en cas de nouvelle entrave à leur activité. Contacté, le président de l’ACB, Nicolas Chammas, a fait part de ses inquiétudes quant à une fermeture des commerces à l’approche des fêtes de fin d’année « qui constituent près de 30 % de leurs chiffres d’affaires annuels ». « Une fermeture conduirait à une mort certaine (du secteur, NDLR) », a-t-il martelé.

Le président du Rassemblement des dirigeants et chefs d’entreprise libanais (RDCL, une entité distincte du RDCL World), Fouad Rahmé, a été encore plus loin dans une déclaration à L’Orient-Le Jour, en qualifiant le confinement de « complot » et en se demandant si le but de la manœuvre était « la mort du secteur privé ». Il rejette la faute de cette situation sur l’État qui n’a pas honoré ses dettes au secteur hospitalier privé, ne les encourageant ainsi pas à fournir des lits pour lutter contre la maladie. Selon lui, les hôpitaux gouvernementaux ne représentent que « 15 % » de la capacité hospitalière du pays, d’où la nécessité de l’aide des hôpitaux privés.

Enfin, les syndicats sont également montés au créneau. À Saïda (Liban-Sud), le président d’une association représentant les commerçants de Saïda, Ali el-Charif, a aussi rejeté le confinement total du pays et a annoncé qu’en 2019 déjà, plus de « 150 commerces ont fermé leurs portes ». Un son de cloche similaire entendu du côté de Béchara Asmar, le patron de la Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL), qui a émis des craintes concernant la situation des travailleurs durant cette période.

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Enfin, le Conseil économique et social, présidé par Charles Arbid, a également prévu de discuter aujourd’hui de plusieurs sujets importants, dont le confinement du pays, la couverture des assurances concernant les dégâts subis par une partie de la capitale lors de la double explosion du 4 août dernier au port de Beyrouth, ainsi que la levée des subventions sur les produits essentiels, comme le carburant, le blé, les médicaments et le matériel médical, en raison de la baisse des réserves de la BDL.

Il reste à savoir si les autorités vont tenir compte de ces revendications. En effet, en laissant entendre qu’un bouclage du pays était imminent, le ministre sortant de l’Industrie, Imad Hobballah, a bien fait comprendre hier dans son discours que les hôpitaux sont « à la limite » de la saturation et a aussi appelé à l’ouverture de lits spéciaux Covid-19 dans les hôpitaux privés, admettant qu’il revient aussi à l’État de régler ses dettes auprès de ces mêmes établissements. Toutefois, le ministre a précisé que les industries essentielles (comme l’alimentaire, les produits ménagers et les médicaments) ou celles qui exportent resteront ouvertes. L’industriel Paul Abi-Nasr a, quant à lui, spéculé qu’une majorité des usines resteront ouvertes pour pouvoir répondre aux besoins des industries essentielles, y compris celles fabriquant des emballages.

Le comité ministériel de suivi de la pandémie a conseillé hier de fermer totalement le pays pendant deux semaines, entre le 14 et le 30 novembre. Le ministre sortant de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Tarek Majzoub, avait, lui, décidé dimanche soir de fermer les écoles hier et aujourd’hui.

Déjà montés au créneau le 30 octobre pour obtenir une exemption de la décision de fermeture de certaines usines à cause du confinement local qui était alors en vigueur, l’Association des industriels libanais (AIL) s’est encore mobilisée hier pour faire pression sur les autorités. Une dizaine d’entre eux se sont donné rendez-vous hier pour plaider contre le confinement, total et...

commentaires (2)

La négligence générale nous a amené à n'avoir pas de résultat. En premier l'Etat qui a été très coulant dans l'application des mesures, puis les municipalités pour des raisons électorales, et surtout la population qui prenait à la légère la pandémie. Et , cerise sur le gâteau, les mesures inadéquates à l'aéroport, car on continue d'admettre des dizaines de voyageurs qui s'avèrent porteurs du virus, sans dire un mot, ni réviser les mesures.

Esber

10 h 34, le 10 novembre 2020

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Commentaires (2)

  • La négligence générale nous a amené à n'avoir pas de résultat. En premier l'Etat qui a été très coulant dans l'application des mesures, puis les municipalités pour des raisons électorales, et surtout la population qui prenait à la légère la pandémie. Et , cerise sur le gâteau, les mesures inadéquates à l'aéroport, car on continue d'admettre des dizaines de voyageurs qui s'avèrent porteurs du virus, sans dire un mot, ni réviser les mesures.

    Esber

    10 h 34, le 10 novembre 2020

  • Ne vaut il pas mieux un confinement de deux semaines maintenant et une réouverture début décembre? En tous cas, une des clés de l’arrêt de propagation de l’épidémie est le respect des gestes barrière. Or on en est très très loin notamment dans le port du masque efficacement

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 07, le 10 novembre 2020

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