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Société - Contestation

« Cette classe politique agit comme si rien ne s’était passé »

Des groupes de la thaoura du 17 octobre commentent les tractations gouvernementales axées autour de Saad Hariri, qui présidait l’équipe dont la chute a été précipitée par le mouvement populaire, il y a un an.

« Cette classe politique agit comme si rien ne s’était passé »

Des étudiants libanais manifestant en juin à Beyrouth. Anwar Amro/AFP

À quelques jours seulement du premier anniversaire de l’éclatement du mouvement de contestation du 17 octobre 2019, au terme d’une année difficile qui a laissé nombre de Libanais découragés et affectés par la crise, la classe politique prend son temps pour désigner un Premier ministre et former un gouvernement, limitant les contacts aux partis qui participent traditionnellement au pouvoir. Même les acteurs n’ont pas changé, puisque le principal candidat des derniers jours n’est autre que Saad Hariri, l’ancien Premier ministre renversé par le tsunami de la rue en octobre 2019. Le constat des partis et groupes politiques issus de la thaoura est sans appel face à une classe politique qui n’a rien cédé à la rue. « Ils agissent comme si rien ne s’était passé », déplorent tous les militants interrogés.

« Cette classe politique est totalement irresponsable, elle perd un temps précieux qui aurait pu être employé à combattre la crise économique et à secourir les sinistrés de l’explosion du 4 août (au port de Beyrouth), s’insurge Naji Abou Khalil, membre du bureau politique du Bloc national. Elle est sourde aux revendications de la rue et ne prend pas acte de la part de légitimité de la révolution et de l’opinion publique. »

Pour le militant, « remettre le nom de Hariri sur la table est une preuve de l’incapacité de cette classe politique à évoluer et à former un gouvernement, d’où le fait qu’elle s’en remet à la même personne pour débloquer l’impasse ». « Or, poursuit-il, Hariri ne peut présider qu’un cabinet issu du partage du gâteau entre forces politiques, donc pas en mesure de régler la crise », ajoute-t-il.

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« Les responsables politiques ? Ils font toujours mine d’étaler leurs désaccords, mais ils sont en fait unis… contre la contestation populaire », lance Sami Saab, l’un des fondateurs de « Khatt Ahmar ».

« Le problème au Liban est structurel, et ceux qui sont responsables de la crise ne peuvent pas faire partie de la solution, affirme Ali Mourad, professeur de droit et membre de la Commune du 17 octobre. Jusque-là, personne au pouvoir n’a assumé la responsabilité de l’effondrement, dit-il. Les politiciens sont trop impliqués dans la corruption pour prétendre mener les réformes. »

« Avec le retour de Hariri, ce pouvoir en place joue sa survie, estime pour sa part Jad Dagher, l’un des fondateurs du parti Sabaa. La reddition des comptes impliquerait, pour eux, le risque de se retrouver derrière les barreaux, et ils prennent cette affaire au sérieux. »

Les militants sont bien conscients du blocage actuel et de la difficulté d’en sortir. « L’équilibre des forces reste totalement en faveur des partis au pouvoir, même si le mouvement de contestation les a privés de la mainmise absolue sur le pays, constate Ali Mourad. Le blocage institutionnel et politique est total. Les négociations entre les militants et la classe politique sont inenvisageables, puisque cette dernière ne veut rien céder, de peur que les revendications populaires ne se fassent plus insistantes. Or il faut savoir que la principale demande de la rue, celle d’un gouvernement formé d’indépendants non liés au pouvoir de quelque façon que ce soit, est la seule proposition réaliste pour sortir de l’impasse. Tout le reste n’est que perte de temps. »

Union et élections

Comment agir face à un tel déséquilibre, alors que les groupes de la contestation ne se sont pas encore imposés ? Les militants interrogés évoquent les efforts continus de regroupement des forces issues de la révolution, ou qui y sont impliquées. Naji Abou Khalil souligne que l’essentiel des groupes « sont d’accord sur 90 % des revendications, malgré les quelques divergences qui persistent ». Tout en estimant que le conflit est de taille face à un système vieux de quarante ans, Sami Saab espère que les coalitions qui voient graduellement le jour se regrouperont bientôt en une large opposition contre le pouvoir, tout en insistant sur le facteur temps à prendre en compte. « Il faut faire preuve de maturité et mettre son ego de côté », glisse-t-il.

Un peu plus de Média Azouri

Il y a un an comme aujourd’hui

Une structure, qui se donne pour nom le Front du 17 octobre, a d’ailleurs publié hier un communiqué revendiquant la formation d’un gouvernement « totalement indépendant du pouvoir et de ses partis ».

Jad Dagher, quant à lui, met en avant le rôle des partis, dotés d’organisations et de programmes, dans la lutte contre un pouvoir solidement accroché. « Il est nécessaire que le public soutienne les partis politiques de la contestation, ceux qui n’ont jamais été au pouvoir, dit-il. Finalement, c’est par les élections que de tels partis peuvent gagner la confiance du public et prendre le pouvoir à leur tour pour réformer le système. Il n’y a pas d’autre voie. Or il faut que les Libanais soient conscients du fait que ce pouvoir en place cherchera par tous les moyens à ne pas organiser d’élections. Il est crucial que la pression soit continue. »

« Le découragement, notre ennemi »

Qu’est-ce qui pourrait sortir le Liban de ce cercle vicieux ? « La perte de légitimité de ce système se concrétisera soit bientôt dans la rue, dont l’état d’esprit me paraît très proche de la même époque en 2019, soit par le biais d’élections équitables et transparentes, souligne Naji Abou Khalil. Cette classe politique est en perte de légitimité non seulement sur la scène interne, mais par rapport à la communauté internationale, et accepter de délimiter les frontières ne lui servira pas à grand-chose. D’autant plus que la machine clientéliste qui l’a alimenté est grippée, et qu’elle sera lâchée par ceux-là mêmes qui en ont profité. C’est une question de temps. »

Pour Ali Mourad, « il faut se mettre en tête que le processus de changement est long ». De son côté, Sami Saab appelle à ne pas perdre espoir. « Malheureusement, le découragement des Libanais est autant notre ennemi actuellement que la classe au pouvoir, déplore-t-il. Si nous cédons face à ce sentiment puissant, nous ne pourrons faire face à rien. »

À quelques jours seulement du premier anniversaire de l’éclatement du mouvement de contestation du 17 octobre 2019, au terme d’une année difficile qui a laissé nombre de Libanais découragés et affectés par la crise, la classe politique prend son temps pour désigner un Premier ministre et former un gouvernement, limitant les contacts aux partis qui participent traditionnellement au...
commentaires (11)

OCTOBRE, MOIS sacre, bienheureux ! 13 oct 1990 : Victoire celebree chaque annee je ne sais vraiment pas pourquoi ! 17 oct 2019 : Victoire des citoyens libres- de courte duree mais digne d'etre celebree celle - ci

Gaby SIOUFI

10 h 05, le 14 octobre 2020

Tous les commentaires

Commentaires (11)

  • OCTOBRE, MOIS sacre, bienheureux ! 13 oct 1990 : Victoire celebree chaque annee je ne sais vraiment pas pourquoi ! 17 oct 2019 : Victoire des citoyens libres- de courte duree mais digne d'etre celebree celle - ci

    Gaby SIOUFI

    10 h 05, le 14 octobre 2020

  • Un an de révolution mais on ne voit toujours pas qui en sont les leaders véritables ? les objectifs de la révolution et le programme politique qu'ils proposent pour sauver le Liban ? C'est pourtant pas si compliqué de se réunir autour d'une table et de procéder a un vote démocratique pour elire un leader et un programme politique !

    nabil zorkot

    19 h 54, le 13 octobre 2020

  • "... Cette classe politique agit comme si rien ne s’était passé ..." Crasse, pas classe... Et à ceux qui voient le Liban comme un Phénix, n’oubliez pas que le Phénix doit brûler avant de pouvoir se régénérer... Ça va finir dans le sang. Malheureusement. La fracture culturelle est trop forte...

    Gros Gnon

    19 h 52, le 13 octobre 2020

  • Nous sommes fatigues de voir les partis de la contestation du 17 Octobre 2019 se plaindre du pouvoir et le critiquer. Après presqu’un an du début de la manifestation, il est temps pour ces groupes contestataires de former une grande coalition pour contrer les partis au pouvoir… ou ils risquent de perdre le support d’une population qui est fatiguée d’entendre des promesses creuses et d’attendre des actions qui ne viennent jamais !!!

    Hanna Philipe

    19 h 32, le 13 octobre 2020

  • "Cette classe politique agit comme si rien ne s’était passé". Malheureusement oui. Ils sont obligés de se maintenir au pouvoir les uns les autres pour ne pas dévoiler l'ampleur et les noms des corrompus. Et la Justice n'intervient même pas. Et les banquiers nous ont spoliés. Un an déjà. Hassan Diab a été conspué et accusé de trente ans de corruption alors qu'il n'était pas politicien. Le retour de son prédécesseur est ce logique??!!

    Sybille S. Hneine

    19 h 17, le 13 octobre 2020

  • le nouveau hariri est arrivé vive le roi. il ne suffit pas de faire des commentaires il faut descendre dans la rue et tout bloquer , de toute facon la situation ne peut pas etre pire, la famine nous guette , avec ou sans aides de l étranger , les memes causes provoquent les memes effets, depuis 30 ans sont toujours les memes et pire ils reviennent plus fort, c est dramatique pour le peuple libanais

    youssef barada

    17 h 41, le 13 octobre 2020

  • Je refuse de baisser les bras ! J'ai fait ce serment au décès de Gebran Tueni le 12 décembre 2005. Et j'avais écrit une lettre ouverte a l'OLJ. Que jamais je ne baisserais les bras ! Gaby est un ami d'enfance, nos parents étaient proches et partenaires d'affaires. Je me bas pour les générations futures! Le Liban que nous avons connu dans notre jeunesse ne reviendra jamais ! Mais comme Beyrouth et le Liban sont UN Phénix, une nouvelle forme Libanaise Libre et démocratique a 100 % émergera. Je ne verrais certainement pas le résultat final. Si la réincarnation existe, j'aimerai encore une fois revenir en tant que Libanais ! Tous ces malfrats sont unis pour une chose "La Cosa Nostra", Cette chose a nous ($$$). Ces politiciens sont les têtes d'un Hydre ! Pour se débarrasser d'un monstre pareil, c'est d'éliminer les têtes...

    Marwan Takchi

    16 h 32, le 13 octobre 2020

  • C’est rassurant de savoir qu’il y a des libanais qui continuent à œuvrer pour libérer ce pays. Il faut bien sûr se concentrer en premier sur des revendications de l’application de la constitution et des accords de Taëf de désarmer tous les partis sans exception aucune. Le rétablissement de notre état en un état seul et souverain sans ingérence étrangère d’où qu’elle viennent. Des propagandes devraient inondées les médias pour expliquer à tous les libanais de toutes les confessions leurs droits et de se lever et crier à l’unisson leur ras le bol des mafieux et réclamer leurs droits . Pour cela il faut expliquer, expliquer, expliquer ce qui se trame derriere ces blocages et manipulations de la constitution, des institutions étatiques et judiciaires. Il faut leur expliquer que quelque soit leur rang social ou leur religion, leurs droits doivent être respectés en tant que citoyens par un état fort et une justice équitable pour tous. Le reste coulera de source. La pauvreté et l’injustice n’a épargné aucun citoyen honnête. Ce sont les responsables et ceux qui sont dans le système qui continuent à bénéficier de leurs largesses leur générosité et des passe-droits.

    Sissi zayyat

    11 h 55, le 13 octobre 2020

  • SAUVE QUI PEUT...PLUS RIEN À ESPÉRER

    Gebran Eid

    11 h 50, le 13 octobre 2020

  • Tenir est le maître mot! Mais a nos révolutionnaire en herbe, il faut dire ou se doit d’être dirigé leur énergie: Les armes du Hezbollah avant toutes choses car ce sont celles-ci qui protègent les corrompus de Hariri a Berri en passant par Bassil, Joumblatt et tous les autres sous fifres. Sans celles-ci, le système en place se serait écroulé et vous aurez déjà eu un gouvernement neutre, de nouvelles élections et un nouveau Président. Si vous pensez le faire pacifiquement cela prendra du temps c'est pourquoi il faut se préparer pour les prochaines élections. Gagnez en, ne serait ce que 20% et il est garantie que les choses commenceront a bouger. Les 20% doivent cependant couvrir toutes les confessions pour être crédibles et pouvoir au nom de tous les Libanais proposer des solutions. Ne mésestimer pas le pouvoir de nuisance du Hezbollah qui fera tout pour empêcher son rêve d’état islamique disparaître. Mais aussi celui de ses protégés qui ne laisseront pas le Liban se remettre de ces cendres sans se battre. Ces gens la détruiront le pays plutôt que de le laisser leur échapper. Sinon, il ne reste plus que la vraie révolution avec potences et tout le reste et non pas une simple fronde qui ne mènera a rien. De toute manière il faut s'attendre a tout et avoir un plan B, C et D pour toutes les hypothèses, sinon le pays risque de courir a sa perte chose que les partis politiques souverainistes ne laisseront pas arriver.

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 00, le 13 octobre 2020

  • Nos chers révolutionnaires, la thaoura n'a pu faire avancer quoique ce soit. La seule différence actuellement, c'est que tous sont sous tutelle, et sous surveillance comme des mineurs irresponsables. Il est urgent de traiter ce qui touche à la vie quotidienne des gens, qui sont au plus bas de leur moral, situation aggravée par le corona, et comme s'il manquait quelque chose, l'explosion criminelle du 4 Août, est venue compléter ce tableau cauchemardesque.

    Esber

    07 h 26, le 13 octobre 2020

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