Rechercher
Rechercher

Économie - Réformes

L’audit d’Alvarez & Marsal suspendu aux réponses de la BDL

La loi sur le secret bancaire risque d’empêcher le cabinet de mener à bien sa mission.


L’audit d’Alvarez & Marsal suspendu aux réponses de la BDL

Le président Michel Aoun et le ministre des Finances Ghazi Wazni recevant hier au palais présidentiel une délégation d’Alvarez & Marsal. Photo Dalati et Nohra

Chantier essentiel dans le processus de réformes réclamé par les soutiens potentiels d’un Liban en crise, dont la France et le Fonds monétaire international (FMI), l’audit de la Banque du Liban (BDL) reste suspendu à la transmission des informations demandées à cette dernière par le cabinet international Alvarez & Marsal, ont indiqué à L’Orient-Le Jour plusieurs sources concordantes proches du dossier.

Mandaté le 1er septembre aux côtés des cabinets KPMG et Oliver Wyman, Alvarez & Marsal est chargé du volet juricomptable de l’audit, soit celui qui doit en principe permettre de retracer l’historique des transactions qui ont impliqué la Banque centrale et de remonter jusqu’à leurs auteurs. KPMG est chargé du volet comptable, tandis qu’Oliver Wyman est spécialiste des banques centrales.

Plus spécifiquement la mission de la société consiste à examiner les comptes de la BDL, ses actifs, ses réserves et leur évolution sur une période de cinq ans, soit à partir de 2016, année à laquelle ont été lancées les premières opérations d’ingénierie financière – des échanges de titres de dette publique entre elle et les banques répétées avec des modalités différentes pendant plusieurs années.

Secret bancaire

Selon nos informations, le ministère des Finances, qui assure la communication entre les cabinets d’audit et la BDL, a envoyé à cette dernière, le 14 septembre, une requête d’Alvarez & Marsal portant sur un certain nombre de points. Le quotidien libanais Nida’ el-Watan en a référencé 151 dans un article publié hier dans lequel il a avancé, en citant ses propres sources, que la BDL avait refusé de répondre à l’ensemble des requêtes formulées. Un scénario démenti par une source à la Banque centrale qui a ajouté qu’une réunion en interne avait justement eu lieu hier pour déterminer quelles informations pouvaient être divulguées et lesquelles étaient couvertes par la loi de 1956 sur le secret bancaire toujours en vigueur dans le pays.

Lire dans Le Commerce du Levant

Que faut-il espérer de l’audit de la Banque centrale ?


Une source proche du ministère des Finances a, elle, assuré à L’Orient-Le Jour que la réponse de la BDL était attendue aujourd’hui. « Dès réception, Alvarez & Marsal aura ensuite une semaine pour vérifier si les informations transmises sont suffisantes pour commencer son travail, qu’elle devra finaliser et résumer dans un rapport préliminaire dans les dix semaines suivant le moment où l’examen des données à proprement parler pourra effectivement commencer, selon les termes du contrat », a précisé la source.

Des échéances en partie confirmées hier par James Daniell, directeur général d’Alvarez & Marsal et l’un des trois cadres dont les noms sont cités dans le contrat de mission liant le cabinet à l’État libanais, avec Paul Sharma et Daniel Barton. James Daniell a d’ailleurs mené la délégation d’Alvarez & Marsal qui a récemment atterri au Liban pour une visite de cinq jours pour rencontrer plusieurs responsables dont le président Michel Aoun hier à Baabda. Le chef de l’État a insisté sur l’importance de parvenir à des résultats « décisifs, précis et clairs, sur la base de documents et de preuves », selon des propos rapportés par le compte Twitter de la présidence, dans lesquels il a également assuré que les Libanais attendaient ces résultats avec « intérêt ».

Mais la partie semble loin d’être gagnée, principalement à cause de la loi du secret bancaire derrière laquelle la BDL pourrait se réfugier pour ne pas communiquer certaines données demandées par le cabinet. Ce point a d’ailleurs été reconnu lundi par le ministre sortant des Finances, Ghazi Wazni, en marge d’une réunion de la commission parlementaire des Finances et du Budget consacrée au dossier et au cours de laquelle il avait affirmé que l’audit juricomptable avait « commencé » (alors que les informations aujourd’hui démontrent que le processus n’en est qu’à la phase préliminaire). Le ministre avait alors déclaré que le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, allait coopérer avec le cabinet « conformément aux lois en vigueur » tout en rappelant que le secret bancaire pourrait créer des « obstacles ».

Arbitrage du cabinet

Une réunion est d’ailleurs prévue aujourd’hui entre le ministre sortant et la commission qu’il a désignée pour suivre le volet juricomptable de l’audit, faire le pont entre Alvarez & Marsal et éventuellement « faire pression sur la BDL en cas de blocage », selon une autre source proche du dossier contactée. La commission est composée notamment de Jean Alieh, à la tête de la Direction des adjudications, de Joëlle Fawaz, qui dirige la commission de législation et de consultation au sein du ministère de la Justice, et Mohammad Jazini, conseiller au ministère des Finances. « Un des principaux objectifs de la visite de la délégation d’Alvarez & Marsal est d’ailleurs de tenter de débloquer la situation en rencontrant plusieurs interlocuteurs-clefs », a encore ajouté la dernière source précitée. Le gouverneur de la BDL en fait partie, selon le ministre des Finances.

Lire aussi

Audit de la BDL : les grandes lignes du contrat d’Alvarez & Marsal

Toujours selon des termes du contrat, dans le cas où les informations transmises par la BDL aujourd’hui ne sont pas jugées suffisantes pour enclencher l’audit juricomptable, Alvarez & Marsal aura une semaine pour demander au ministère des Finances d’obtenir les données manquantes. Ce dernier devra le faire dans une période de deux semaines. « Il est très illusoire de penser que le ministère arrivera à quelque chose dans la mesure où la loi ne lui accorde aucune prérogative lui permettant de forcer la main à la BDL », martèle encore la source. En cas d’échec définitif, le contrat prévoit qu’Alvarez & Marsal conserve 151 000 dollars sur les montants déjà décaissés par l’État libanais (840 000 dollars qui correspondent à 40 % des 2,1 millions que coûte la prestation au total) et s’engage à rembourser le reste. Des frais divers plafonnés à 220 000 dollars pourront toutefois être ajoutés à la facture – peu importe si le cabinet arrive à mener l’audit ou non.

« En conclusion, la probabilité que l’audit juricomptable commence et soit mené à terme va beaucoup dépendre des arbitrages que fera Alvarez & Marsal lorsqu’il sera confronté aux difficultés inhérentes à ce dossier. Soit la société refuse de capituler sans combattre, soit elle peut décider de se limiter aux contours de sa mission telle qu’elle est décrite dans son contrat et de ne pas faire de zèle », conclut la source proche du dossier.

Le contrat d’Alvarez & Marsal stipule que la société devra « vérifier que les fonds provenant des transactions financières opérées au niveau de la BDL ou qui ont transité par ses comptes durant les cinq dernières années ont été utilisés dans leur but premier ». Le contrat spécifie ensuite que l’auditeur devra « examiner les transactions provenant des opérations d’ingénierie financière » ayant eu lieu sur la même période, puis « analyser la répartition des mouvements des dépôts de clients et de groupes au sein des banques commerciales » en marge de ces mêmes opérations. Un ensemble d’objectifs beaucoup moins tranchants que ceux qui figuraient dans la lettre d’engagement du cabinet d’audit Kroll, qui avait initialement été pressenti pour prendre en charge le volet juricomptable de l’audit, mais finalement écarté au profit d’Alvarez & Marsal pour des raisons qui n’ont jamais été réellement étayées par les autorités.


Chantier essentiel dans le processus de réformes réclamé par les soutiens potentiels d’un Liban en crise, dont la France et le Fonds monétaire international (FMI), l’audit de la Banque du Liban (BDL) reste suspendu à la transmission des informations demandées à cette dernière par le cabinet international Alvarez & Marsal, ont indiqué à L’Orient-Le Jour plusieurs sources...

commentaires (2)

Il suffit de voter une loi d'urgence et d'exception pour lever le secret bancaire spécifiquement au fins d'audit juri comptable... Encore faut il que les député estiment que la situation est suffisamment grave pour le faire et passer au dessus des intérêts individuels, autant dire quand les poules auront des dents.

Bachir Karim

12 h 09, le 08 octobre 2020

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Il suffit de voter une loi d'urgence et d'exception pour lever le secret bancaire spécifiquement au fins d'audit juri comptable... Encore faut il que les député estiment que la situation est suffisamment grave pour le faire et passer au dessus des intérêts individuels, autant dire quand les poules auront des dents.

    Bachir Karim

    12 h 09, le 08 octobre 2020

  • Alors que le pays croule sous les dettes et s’approche sûrement de la famine et d’une crise sanitaire sans précédent, les politiciens et le gouverneur de la BDL préfèrent payer cette société d’audit pour ne pas faire son travail à hauteur de millions de dollars qu’ils ne possèdent soit disant pas pour protéger les pilleurs et les traitres dont il fait apparemment partie c’est maintenant clair. . . Salamé a le pouvoir de lever le secret bancaire puisque la constitution l’y autorise. Pourquoi ne le fait il pas s’il prétend être blanc comme neige comme tous les autres voleurs d’ailleurs qui se réclament vertueux et innocents? Que doit faire un pays pris dans un engrenage de vols de meurtres et de trahison auprès des instances internationales pour obliger ses voyous à décrocher leurs mâchoires et leurs dents acérées sur un peuple qui saigne à blanc et dont leur but est de l’achever? Des élites libanaises dans le monde défendent des causes des opprimés et pourquoi ne pas le faire pour sauver leurs compatriotes de cet enfer? Pourquoi ne pas avoir recours à eux pour utiliser tous les recours juridiques possibles pour nous sauver? Devrions nous accepter qu’une poignée de malfrats nous torture jusqu’à ce que mort s’ensuive sans réagir en trouvant une solution légale pour les condamner et les juger pour enfin retrouver la paix? Est il possible que les opposants n’aient pas pensé à cette solution? Pourquoi alors perdre du temps?

    Sissi zayyat

    11 h 37, le 08 octobre 2020

Retour en haut