Le président libanais Michel Aoun ne signera pas des décrets visant à démettre de leurs fonctions trois hauts fonctionnaires arrêtés après la double explosion au port de Beyrouth, justifiant lundi sa position par la nécessité d'une décision gouvernementale.
Les trois responsables, actuellement en détention dans le cadre de l'enquête sur l'explosion meurtrière du 4 août, sont le directeur des douanes Badri Daher, réputé proche de M. Aoun, le directeur général des transports maritimes et terrestres Abdel Hafiz el-Kaïssi et le directeur général du port Hassan Koraytem, a indiqué à l'AFP une source sécuritaire.
La présidence libanaise a mis en avant des questions procédurières pour justifier la décision du chef de l'Etat. M. Aoun "ne signera pas les décrets de destitution de trois directeurs" car ils "n'ont pas été adoptés en Conseil des ministres", indique un communiqué publié dans la matinée par le palais de Baabda. Pour chaque responsable, un décret individuel a déjà été signé par son ministre de tutelle respectif (le ministre des Finances ou celui des Travaux publics) et le Premier ministre démissionnaire Hassane Diab, a précisé à l'AFP la source sécuritaire. Mais "le président ne signera pas tant qu'une décision individuelle et nominative n'aura pas été prise en Conseil" des ministres, a insisté la présidence libanaise.
La décision du chef de l'Etat "va être très mal perçue par l'opinion et va prendre l'allure d'une rebuffade", a commenté auprès de l'AFP l'ancien ministre de la Justice, Ibrahim Najjar. "Sur le plan légal, le refus de signer constitue un refus d'appliquer ce qu'on appelle la compétence liée (...) qui permet de mettre en exécution une décision indépendamment de son bien-fondé", a ajouté M. Najjar.
Le 4 août, la gigantesque explosion au port de Beyrouth, que la rue impute à la négligence et la corruption de l'ensemble des dirigeants du pays, avait fait 195 morts et 6.500 blessés, dévastant des quartiers entiers de la capitale libanaise. Deux mois plus tard, l'enquête n'a toujours pas abouti et aucun résultat n'a été rendu public, dans un pays où la justice est souvent soumise aux pressions politiques. Les autorités ont rejeté les appels à une enquête internationale. Une vingtaine de personnes ont été arrêtées, tandis que les audiences et les interrogatoires de ministres, d'anciens ministres et de hauts responsables sécuritaires se succèdent.
La colère des familles des pompiers
Dans ce contexte, les familles des dix pompiers qui avaient été déployés le 4 août dans le port, quelques minutes avant le drame qui leur a coûté la vie, ont réclamé lundi la levée de l'immunité judiciaire de tous les responsables impliqués dans cette catastrophe ainsi que des informations sur le suivi de l'enquête en cours, menaçant d'une "escalade" si leurs revendications n'étaient pas entendues. Le sort de ces dix soldats du feu, Ralph Mallahi, Rami Kaaki, Elie Khouzami, Charbel Hitti, Joe Noun, Nagib Hitti, Sahar Farès, Michel Hawa, Joe Bou Saab et Charbel Karam, avait choqué l'opinion publique après les explosions. Les dépouilles de certains d'entre eux avaient été retrouvées plus de quinze jours après la double explosion. Lors d'une conférence de presse au Club de la presse, à Beyrouth, les proches des pompiers ont appelé les autorités à "accélérer" l'enquête sur les causes et responsabilités de la catastrophe, "afin que la vérité soit mise au jour sur ce qu'il s'est passé dans le port et sur les négligences" des responsables. Prenant la parole au nom des proches des victimes, Antonella Hitti, la sœur de Nagib Hitti, 27 ans, et cousine de Charbel Hitti, 22 ans, décédés dans l'explosion, a réclamé la tenue d'"une séance parlementaire urgente au cours de laquelle sera levée l'immunité de tous les députés et ministres" qui pourraient être impliqués, demandant à ce que "tous les ministres concernés en poste depuis 2014" fassent l'objet d'une enquête. Elle a encore indiqué que les familles avaient demandé à rencontrer la ministre sortante de la Justice, Marie-Claude Najm, le juge d’instruction et procureur général près la Cour de justice, Fadi Sawan, en charge de l’enquête sur la double déflagration, et le procureur général près la cour de cassation, Ghassan Oueidate. Antonella Hitti a également appelé à ce que le suivi des enquêtes soit rendu public, et notamment les rapports établis par les équipes internationales, comme celle du Federal Bureau of Investigation (FBI) américain. "Nous demandons une enquête internationale", a-t-elle encore réclamé.
"Nous demandons encore à ce que le 4 août soit décrété jour de deuil national", a lancé la jeune fille, qui s'est interrogée, à l'instar de tous les proches des soldats du feu décédés, pourquoi les pompiers du port n'ont pas été eux-mêmes déployés sur les lieux de l'incendie qui s'était déclaré dans le hangar 12, qui contenait notamment 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium, et pourquoi la présence de ces produits ne leur avait pas été précisée avant leur arrivée sur les lieux. "Pourquoi la plupart des responsables du port ont-ils quitté les lieux peu après le début de l'incendie ?", s'est interrogée de son côté une proche de Rami Kaaki.
Face à toutes ces interrogations et revendications, les proches des pompiers ont affirmé qu'ils allaient avoir recours à l'escalade de leur mouvement si aucune réponse ne leur était apportée par les autorités. "Nous ne permettrons pas que la corruption piétine nos droits et nous ne capitulerons pas", a lancé Mme Hitti.
commentaires (12)
AH BON IL PEUT S’OPPOSER À LA DESTITUTION DE RESPONSABLES DU PORT ACCUSÉS PAR LA JUSTICE DE COMPLICITE OU DE NÉGLIGENCE MEURTRIÈRES ? ON CROYAIT QU’IL NE POUVAIT RIEN DÉCIDER PUISQU’IL A LES MAINS LIÉES. QUEL COMÉDIEN CE MEC. IL SERA LE PROCHAIN SUR LA LISTE DES NEGLIGENTS OU BIEN LA JUSTICE SE CONTENTERA D’UNE EXCUSE BATARDE TELLE QUE SA SURDITÉ OU SA VUE TROUBLE? IL FALLAIT COMMENCER PAR LE HAUT ET RATISSER PAS LE CONTRAIRE MESSIEURS LES JUGES ET PARTIS. HA HA HA TRÈS DRÔLE VOTRE SCÉNARIO DE ZÉLÉS
Sissi zayyat
19 h 24, le 06 octobre 2020