Lancée il y a tout juste quelques jours, la saison de la chasse attise déjà l’indignation des écologistes. Comme chaque année, de nombreux oiseaux migrateurs se font massacrer à leur passage au-dessus du Liban, au plus grand désespoir des militants libanais et étrangers. C’est toujours dans les mêmes régions que la chasse effrénée a lieu, dans des secteurs que les militants qualifient de zones noires, notamment au Akkar, à Denniyé et dans la Békaa.
De nombreux oiseaux migrateurs portent des puces qui permettent aux associations environnementales de suivre leur parcours, mais ils disparaissent souvent des radars une fois arrivés au Liban. Adonis Khatib, directeur du Centre pour la chasse durable au Moyen-Orient, raconte l’opération de sauvetage menée par son équipe, après qu’Anahita, jeune vautour percnoptère en provenance de Bulgarie, a été blessée il y a quelques jours par des chasseurs libanais. « Il s’agit d’une espèce rare et menacée d’extinction. Nous avons été alertés par une ONG bulgare lorsque son signal GPS s’est arrêté. Nous avons compris qu’elle était blessée », raconte le militant à L’Orient-Le Jour. L’oiseau a été retrouvé vivant dans le village de Douar (Metn) et a subi une opération à la patte. Il est actuellement en période de convalescence. « Cette année, les cartouches sont extrêmement chères, ce qui fait que l’on chasse un peu moins que d’habitude, mais il n’empêche que de nombreux oiseaux sont toujours aussi menacés », explique M. Khatib qui a créé une unité antibraconnage depuis trois ans. Il travaille également avec des « chasseurs éthiques » disséminés sur l’ensemble du pays et qui alertent les autorités sur les abus perpétrés par certains. « Un chasseur éthique respecte la loi et préserve la nature. Il ne chasse pas au printemps, qui est la saison des amours. Il n’utilise pas de filets ou de la glu pour chasser. Il ne tire pas non plus durant la nuit et se conforme à un nombre limité d’animaux à chasser, en fonction de l’espèce », explique M. Khatib. Depuis l’ouverture de la saison de la chasse, des buses et des rapaces se sont fait massacrer dans le jurd du Akkar, assure à L’Orient-Le Jour un militant sous le couvert de l’anonymat. À Kfarhabou (Miniyé-Denniyé), ce sont des cigognes et des pélicans qui ont été pris pour cible par les chasseurs, assure-t-il. À Chehim, Rmeilé et Saïda, des hirondelles ont été massacrées. À Rmeilé et Damour, des cailles sont chassées avec des filets, tandis qu’à Ras Baalbeck et Qaa (Békaa), des passereaux sont chassés à la glu par centaines. À Eghbé et Raachine (Kesrouan), on s’en prend aux buses et aux rapaces, souligne le militant.
Ne pas ouvrir la saison...
« Nous avions demandé que la saison de la chasse ne soit pas ouverte cette année parce qu’elle n’est pas bien contrôlée », indique à L’OLJ Paul Abi Rached, directeur du Mouvement écologique libanais (Lebanese Eco Movement-LEM). « Nous avions adressé une lettre au ministre sortant de l’Environnement, Damien Kattar, dans laquelle nous avons appelé à ce que la chasse soit interdite cette année. Notre lettre n’a même pas été lue lors de la dernière réunion tenue au ministère en présence du ministre », déplore ce militant de la première heure. Damien Kattar était injoignable hier pour commenter ces déclarations. « Durant les dernières années, les FSI ont fait un travail exceptionnel dans la lutte contre la chasse non régulée, mais nous n’avons malheureusement pas réussi à empêcher les massacres d’oiseaux », déplore M. Abi Rached, qui indique que les oiseaux les plus menacés sont les rapaces et les planeurs, tels les cigognes, les pélicans ou les grues.
Julie Lebnan, cofondatrice de l’Association pour la préservation des oiseaux au Liban, dénonce pour sa part des chasseurs « qui massacrent des rapaces qu’ils laissent pourrir par terre ensuite ». « Les oiseaux agonisent sur le sol pendant plusieurs jours », déplore-t-elle. « Nous sommes pour la chasse responsable, mais il faut avoir les contrôles suffisants contre les braconniers. Malheureusement, peu de chasseurs savent quoi chasser et quand », souligne la militante. Mme Lebnan salue par ailleurs les efforts continus des FSI qui interviennent lorsque des abus sont signalés, mais estime que « leurs effectifs ne sont pas assez suffisants. De plus, il n’y a malheureusement pas de garde-chasse au Liban ». Pour cette militante, la solution à la chasse non régulée est d’adopter une nouvelle façon de faire. « Ce n’est pas en se concentrant uniquement sur le contrôle des forces de sécurité et sur les arrestations des chasseurs contrevenants que l’on va réussir à régler le problème. Il faut changer notre manière d’aborder les choses. Le Liban est le deuxième couloir migratoire en importance au monde. Au lieu de tirer n’importe comment, on peut faire venir des touristes pour observer les oiseaux. De nombreux pays de la région proposent ce genre d’activités », suggère-t-elle.
commentaires (7)
Le Liban est devenu le pays de la honte... la honte a tous les niveaux. Quelle tragédie.
CW
00 h 58, le 13 octobre 2020