Après la panique provoquée par des informations sur une éventuelle augmentation du taux de change de la livre libanaise au sein des hôpitaux, dans un contexte de crise et de dévaluation de la monnaie nationale, le ministre sortant de la Santé, Hamad Hassan, s'est voulu rassurant jeudi, sans pour autant écarter une augmentation des tarifs à l'avenir.
"Tant que le dollar officiel est fixé par la Banque du Liban et que les subventions se poursuivent, l'augmentation des tarifs des hôpitaux et du prix des médicaments n'est pas envisagée", a écrit M. Hassan sur Twitter. "Le ministère de la Santé travaille en vertu de la loi libanaise, et tout le monde doit participer à la mise en place d'une solution. Assez de surenchère aux dépens des nerfs des gens et de leur douleur", a-t-il ajouté. "Modifier le soutien aux secteurs hospitalier, sanitaire et du médicament n'est pas à l'ordre du jour actuellement, et cela est non négociable", a encore assuré le ministre démissionnaire de la Santé, lors d'une conférence de presse.
"Catastrophe sanitaire"
Mercredi soir, l'ancien ministre de la Santé et médecin, Mohammad Jawad Khalifé, avait affirmé sur Twitter qu'"à partir de la semaine prochaine, les hôpitaux vont adopter un taux de 3 950 livres pour un dollar (alors que le taux officiel est toujours à 1 507.5 LL pour un dollar). Cela signifie l'effondrement du pouvoir d'achat des citoyens et celui des assureurs. Les prix des polices d'assurance vont également tripler. En résumé, une catastrophe sanitaire".
Réagissant à ces informations, le président du syndicat des propriétaires des hôpitaux privés, Sleiman Haroun, a affirmé à La Voix du Liban (VDL) que "la décision d'adopter le taux de 3 950 livres a été prise par l'un des hôpitaux universitaires de Beyrouth mais ne s'applique pas aux tarifs officiels avec les assureurs", sans plus de précision. "La situation des hôpitaux est mauvaise en raison de la crise financière et de la pandémie du coronavirus", a-t-il rappelé. Sleiman Haroun a également souligné que la Banque du Liban "a arrêté les subventions des produits de désinfection". "Est-ce le moment opportun pour lever de telles subventions, surtout à l'ombre du coronavirus ?", s'est-il interrogé. "Comment le pays est-il censé fonctionner avec un gouvernement d'expédition des affaires courantes ?".
Prenant le contre-pied de Sleiman Haroun et Hamad Hassan, Mohammad Jawad Khalifé a réagi jeudi, en affirmant à la chaîne al-Jadeed que "ce qu'a fait l'Université américaine (AUBMC) est très transparent, car tous les hôpitaux adoptent un taux de 3 000 livres pour un dollar, sans autorisation officielle".
Depuis un an, le Liban ne cesse de s'enfoncer dans une grave crise socio-économique et financière. Dans ce contexte, la livre libanaise s'est effondrée. Fixée à 1 507.5 par la Banque centrale, plusieurs taux parallèles sont apparus sur le marché, notamment un taux de 3.900 livres, qui équivaut à ce qui est désormais appelé "lollars", ou "dollars libanais", alors que sur le marché noir, le billet vert s'échange ces derniers jours aux alentours de 8 200 livres.
Pour tenter de contrer cet effondrement de la monnaie nationale, la BDL subventionne plusieurs produits et denrées, notamment des médicaments et des équipements médicaux. Toutefois, en raison d'un manque de liquidités accru, ces subventions pourraient s'arrêter dans les prochains mois, faisant craindre le pire. La pandémie de coronavirus n'a fait qu'aggraver la situation et mettre le secteur médical encore plus sous pression. Pour ne rien arranger, la gigantesque explosion meurtrière du 4 août au port de Beyrouth a détruit ou endommagé de nombreux hôpitaux environnants.
Fuite des cerveaux
L'Ordre des médecins a ainsi élevé la voix et souligné la nécessité d'un soutien étatique au secteur hospitalier, tant public que privé. "Sans les dons privés et le soutien de l'Organisation mondiale de la santé, l'hôpital gouvernemental de Beyrouth n'aurait pas été en mesure de supporter les lourdes charges imposées à son personnel médical et infirmier", a affirmé le président de l'Ordre, Charaf Abou Charaf. Pour couronner le tout, les hôpitaux ne sont pas épargnés par la fuite accélérée des cerveaux que connaît le Liban. Depuis le début de l'année, plus de 300 médecins ont émigré, a déploré M. Abou Charaf, dans un entretien au site el-Nashra. "Environ 300 de nos médecins les plus qualifiés et les plus réputés ont quitté le Liban à la recherche d'une vie décente à l'étranger parce qu'ils ne trouvaient aucun horizon dans leur patrie. Le Liban les perd alors qu'il traverse la période sanitaire la plus difficile."
Mardi, le directeur de l'hôpital gouvernemental Rafic Hariri de Beyrouth, Firas Abiad, avait mis en garde contre un éventuel arrêt des subventions sur les médicaments et les équipements médicaux, affirmant que les hôpitaux ne pourraient pas faire face comme il se doit, à une telle situation.
Impossible de vivre éternellement à un taux de 1500 LL pour 1$ côté subventions. Ca devient absolument problématique de tous côtés. Les subventions ce sont des pertes et à court terme... le serpent qui se mord la queue.
19 h 04, le 01 octobre 2020