Après avoir averti à plusieurs reprises des difficultés qu’ils rencontrent suite à la crise et l’impact des mesures de confinement, les professionnels du tourisme ont finalement décidé de défier les autorités pour faire valoir leurs revendications.
Lors d’une conférence de presse organisée à Mar Mikhaël, en présence de manifestants venus soutenir le secteur, le président du syndicat des propriétaires de restaurants, cafés, boîtes de nuit et pâtisseries au Liban, Tony Rami, a appelé ses pairs à ouvrir leurs portes dès aujourd’hui malgré le bouclage partiel du pays jusqu’au 7 septembre sur décision des autorités, qui tentent d’enrayer une nouvelle fois la propagation du Covid-19. Un appel auquel se sont également joints le président du syndicat des hôteliers, Pierre Achkar, et celui du syndicat des propriétaires d’établissements balnéaires, Jean Beyrouthi. Une démarche inédite qui pourrait bien faire boule de neige dans le contexte actuel de ras-le-bol généralisé. Car les syndicalistes ont en outre appelé à la désobéissance civile, notamment fiscale, donnant ainsi corps aux mesures d’escalade brandies lors d’un précédent rassemblement le 3 juillet dernier. À l’origine, le secteur prévoyait de se mobiliser début août, une décision finalement reportée, le pays ayant été depuis endeuillé par la tragique double explosion survenue le 4 août au port de Beyrouth, tuant plus de 180 personnes et détruisant partiellement plusieurs quartiers de la capitale. Selon Tony Rami, la facture des dégâts pour l’industrie touristique suite à ce drame s’élève à 1 milliard de dollars, dont 315 millions pour les seuls restaurants. Le tourisme a généré entre 8 et 10,5 milliards de dollars de revenus en 2018 et 2019, soit respectivement 12 % et 19 % du PIB environ.
Les participants ont de plus réaffirmé leurs principales revendications : la mise en place d’un « dollar touristique » à 3 900 livres dans un contexte de dépréciation de la livre ; le lancement d’une conférence internationale pour soutenir le secteur sur le modèle de celle de Paris en avril 2018 (CEDRE) ; le soutien aux poursuites que l’ordre des avocats de Beyrouth veut lancer contre l’État suite à l’explosion au port ; ou encore la modification des modalités du confinement.
Contestation du 17 octobre
« Nous ne fermerons plus nos portes (sauf en cas) d’entente entre les secteurs public et privé, et nous ne paierons plus un sou avant la mise en place d’un État nouveau qui sait utiliser notre argent », a notamment lancé Tony Rami lors d’une conférence de presse dans le quartier beyrouthin de Mar Mikhaël, qui figure parmi les plus dévastés par la catastrophe.
Plusieurs dizaines de personnes scandant les slogans traditionnels du mouvement de contestation contre la classe dirigeante du 17 octobre ont assisté à cette conférence de presse. « Les décisions de bouclage partiel ou total ne nous concernent plus. Nous ne nous sentons concernés que par des décisions sages et justes », a poursuivi le responsable syndical.
Le ministre de l’Intérieur et des Municipalités, Mohammad Fahmi, a pour sa part opposé une fin de non-recevoir aux représentants des secteurs mobilisés en promettant, dans une déclaration publiée en fin de journée, qu’il « n’y aura aucune indulgence » envers les contrevenants car la question concerne « la santé de tous les citoyens ». Le ministre a en outre pointé du doigt le « ton de rébellion » adopté par les syndicats mobilisés. Quant aux commerçants, qui s’étaient mobilisés lundi pour les mêmes raisons, ils ont affirmé hier soir avoir été autorisés par le ministère à rouvrir. Mais en soirée, l'Association des commerçants de Beyrouth a annoncé qu'au vu des nouveaux chiffres "choquants et sans précédents des décès et contaminations dus au coronavirus, elle a décidé de surseoir quelques heures à sa décision de rouvrir les magasins et établissements commerciaux, afin de tenir demain des réunions intensives pour discuter des modalités de réouverture".
Les menaces du ministre ne risquent pas en tout cas d’impressionner certains restaurateurs excédés, à l’image d’Aline Kamakian, membre du syndicat et propriétaire des enseignes Mayrig – située à Gemmayzé et détruite par l’explosion – et Batchig. « Que peuvent-ils nous faire de plus ? Mon restaurant (…) a été détruit. J’ai deux employés qui sont devenus aveugles, un qui a eu la main coupée… Qu’ils m’arrêtent, m’envoient en prison et je m’y ferai livrer des manakiche ! Je n’ai plus rien à perdre », a-t-elle déclaré à L’Orient-Le Jour. De fait, la préoccupation du ministre au sujet de la santé des Libanais peut légitimement être dure à avaler pour certains, de nombreux responsables libanais ayant en effet reconnu avoir été mis au courant de la présence, depuis 2014, des 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium qui, selon les explications officielles, ont été à l’origine de cette déflagration meurtrière.
« Aucune logique »
Les professionnels du tourisme, qui tirent la langue depuis au moins un an, ont de plus souligné que la précarité de leur situation les laissait sans autre alternative que d’essayer de fonctionner ou de fermer boutique. « Que personne ne fasse de surenchère en utilisant le prétexte du coronavirus » dans ce contexte, a également scandé Tony Rami.
Aline Kamakian a, quant à elle, souligné l’absence de réflexion de l’exécutif concernant l’impact du confinement sur l’activité. « Ailleurs dans le monde, les autorités ont pris des mesures de précaution contre le Covid-19 pour laisser les divers secteurs fonctionner. Les décisions du gouvernement démissionnaire ne suivent aucune logique », a-t-elle considéré. « Par exemple, l’interdiction d’effectuer des livraisons entre 18h et 6h (en raison du couvre-feu imposé) est ridicule. Le Covid-19 arrête-t-il de se propager en soirée et au petit matin ? » fait-elle remarquer. « Ma priorité aujourd’hui est de soutenir et de payer mes employés. Ils n’ont personne d’autre pour les aider puisque nous ne recevons aucune aide du gouvernement », conclut-elle.
Un autre restaurateur, situé dans un quartier de la capitale épargné par le souffle de l’explosion, confie pour sa part ne pas avoir « encore décidé » s’il allait « suivre le mouvement ». Il juge plus productif d’intensifier le lobbying auprès du gouvernement et craint que cette mobilisation ne cache un « agenda politique ». Il reconnaît toutefois que « le secteur est dans le rouge » et que les mesures prises par les autorités pour lutter contre le Covid-19, comme par exemple le couvre-feu à 18h, ne sont pas adaptées. Il estime enfin que la responsabilité d’ouvrir alors que l’épidémie continue de se propager reste lourde. Un argument balayé par Aline Kamakian. « Nous suivrons les recommandations sanitaires en ouvrant à 50 % en terrasse, avec une prise de température à l’entrée, du gel à disposition et le port du masque obligatoire, considère-t-elle, comme nous le faisons depuis le début de la pandémie, et selon les normes internationales, avec responsabilité et logique. »
Désobéissance fiscale
Enfin, si la mobilisation des professionnels du tourisme est tout à fait légitime, compte tenu du contexte et du désintéressement total de la classe dirigeante à leur égard, leur décision de refuser de payer leurs impôts pourrait jouer contre eux, estime l’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic). « La décision de braver le confinement peut être un moyen efficace à condition qu’elle soit suivie en masse. Elle peut aussi servir de point de départ à une mobilisation plus vaste et permanente, englobant d’autres secteurs pour finalement pousser à un renouvellement de l’ensemble des dirigeants », juge l’avocat fiscaliste Karim Daher. « La situation est plus complexe s’agissant de la désobéissance fiscale », ajoute-t-il. Un risque dont la filière semble avoir conscience. « Pour ce qui est du paiement des taxes et impôts, je suivrai les décisions du syndicat », confirme encore Aline Kamakian.
Concrètement, le code de procédure fiscale sanctionne aussi bien les manquements à l’obligation de déclarer ses revenus à l’administration fiscale qu’à celle de payer ses impôts, avec des pénalités financières calculées en pourcentage des montants dus et qui peuvent être assez lourdes variant en fonction de l’irrégularité. Plus grave encore, les contrevenants s’exposent à des poursuites au pénal pour évasion fiscale, notion qui a été définie exhaustivement par l’article 57 de la loi des finances n° 144/2019 comme le fait de s’abstenir, sciemment et intentionnellement, de déclarer et/ou de payer les impôts et taxes dus à l’État.
Par association des textes, l’article renvoie au décret-loi 156/1983 qui prévoit notamment des peines de prison allant entre 3 mois et 3 ans. La peine peut être renforcée si l’élément intentionnel est prouvé, mais surtout en cas de refus d’acquitter les impôts et taxes retenus à la source pour le compte de l’État comme la TVA ou les traitements et salaires, car dans cette hypothèse, c’est d’un abus de confiance qu’il s’agit. Le cas de l’évasion fiscale est enfin prévu à l’article 1er de la loi des finances 44 du 24 novembre 2015 sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, ce qui peut servir de point de départ à des procédures pouvant conduire à une levée du secret bancaire sur les comptes libanais et au gel des avoirs du contrevenant au Liban et à l’étranger. C’est donc d’une arme à double tranchant qu’il s’agit et qu’il faut savoir manier, au risque de voir les effets se retourner contre ses promoteurs à divers égards.
Le fait que des restaurateurs puissent enfin être poursuivis pour des motifs légaux mais illégitimes, compte tenu de la situation, risque enfin de servir de prétexte à la classe politique pour, dans un premier temps, faire pression sur eux et les faire chanter, et d’autre part pour justifier une loi d’amnistie dont bénéficieront aussi des contribuables qui ont sciemment échappé au fisc, ce qui serait très dommageable pour le fonctionnement de l’État et ses finances publiques, ainsi que pour le principe d’égalité devant les charges publiques consacré par la Constitution et reconfirmé par deux décisions récentes successives du Conseil constitutionnel en 2017 et 2018.
BRAVO, une excellente décision qui devrait être suivie par tous les syndicats de tous les secteurs économiques. Aucun centime ne devrait aller dans leurs poches. Plus de 50 milliards puisés dans les réserves depuis le début de l’année et les libanais n’ont toujours rien à part la pénurie générale de tout et les destructions à la chaîne. Une désobéissance civile généralisée doit être suivie jusqu’au départ du dernier vendu et voleur. Il faut les toucher là ou ça leur fait mal. L’Iran est dans une très mauvaise posture économique, leurs comptes bloqués à l’étranger, plus de sous dans les caisses de l’état, ainsi ils ne pourraient plus acheter le silence de leurs partisans qui ont faim comme le reste de la population ni payer leurs gorilles armés pour les protéger et se retourneront contre eux. Ils iront enfin rejoindre la révolte. Enfin on espère.
10 h 03, le 26 août 2020