Le Parlement libanais a entériné jeudi l'état d'urgence à Beyrouth décrété après la double explosion du port de la capitale le 4 août qui a fait plus de 170 morts et plus de 6 000 blessés et détruit de nombreux quartiers de la ville, ainsi que la démission de huit députés qui tiennent le pouvoir responsable du drame par la rue, d'autant qu'il est apparu que de nombreux responsables étaient au courant de la présence, dans le port, des 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium.
La séance parlementaire exceptionnelle, qui a duré un peu plus d'une heure, s'est déroulée en présence de seulement trois ministres du gouvernement démissionnaire de Hassane Diab - la vice-Premier ministre et ministre de la Défense Zeina Acar, le ministre de l'Intérieur Mohammad Fahmi et le ministre de la Culture et de l'Agriculture, Abbas Mortada - et en l'absence des députés indépendants et des députés des Forces libanaises, du leader maronite Samir Geagea.
L'état d'urgence avait été décrété pour deux semaines, jusqu'au 18 août, par le gouvernement de Hassane Diab désormais démissionnaire, au lendemain de la catastrophe. Il n'était pas clair dans l'immédiat, après le vote des députés, si l'état d'urgence débutait jeudi, ou si il était déjà considéré en vigueur depuis le 5 août. Pour toute période d'état d'urgence excédant les huit jours, le Parlement doit donner son accord, selon l'ONG Legal Agenda, citée par l'AFP. Au cours de cette période, qui pourra être prolongée, l'armée libanaise aura sous ses ordres l'ensemble des forces de sécurité du pays et la responsabilité de maintenir l’ordre.
Pour Legal Agenda, une telle mesure pourrait "porter atteinte à la liberté de manifester" et permettrait à l'armée "d'empêcher les rassemblements considérés comme une 'menace à la sécurité'". Ces derniers jours, des heurts ont secoué les abords du Parlement à plusieurs reprises, les forces de l'ordre tirant des gaz lacrymogènes contre des manifestants jetant des pierres. Une source militaire a toutefois tempéré ces craintes, assurant qu'il ne s'agissait pas de "réprimer les libertés" mais de placer les forces de sécurité sous le commandement de l'armée pour unifier leur action.
Le début de séance a été consacré aux démissions écrites présentés par huit députés au bureau du Parlement. Ainsi, celles des trois députés Kataëb, Samy Gemayel, Nadim Gemayel et Élias Hankache, de la députée indépendante Paula Yacoubian, ainsi que celle des députés de Zghorta Michel Moawad, du Kesrouan, Nehmat Frem, et de Aley, Henri Hélou (affilié à la Rencontre démocratique de Walid Joumblatt), ont été rapidement approuvées. Celle de Marwan Hamadé a finalement été approuvée un peu plus tard.
Ces députés ont démissionné après les explosions afin de se distancer du pouvoir, tenu responsable du drame par la rue, d'autant qu'il est apparu que de nombreux responsables étaient au courant de la présence, dans le port, des 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium.
"Complot"
"Ces deux dernières semaines, un complot s'est tramé, passant par la démission de députés du Parlement et la volonté du gouvernement d'interroger le Parlement", a déclaré M. Berry lors de la séance.
Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, et M. Moawad ont répondu aux déclarations du président de la Chambre. "Au président Berry...ceci n'était pas un complot, mais l'exercice d'un droit démocratique naturel des blocs parlementaires à démissionner, après que la situation soit arrivée là où elle est arrivée", a écrit M. Geagea sur son compte Twitter. "De toute façon, rien ne nous sauvera de la situation dans laquelle nous nous trouvons que l'organisation d'élections législatives anticipées", a-t-il conclu. "Le véritable complot contre les Libanais, c'est l'insistance à faire entrer le Liban dans le jeu destructeur des axes, l'absence de mise en oeuvre de réformes, les quote-parts, la couverture de la corruption, la destruction des piliers de l'économie et le refus d'organiser des élections anticipées", a écrit M. Moawad sur Twitter.
Par ailleurs, le Parlement a décidé d’exempter les victimes de l'explosion du port de Beyrouth des frais de déménagement. L'explosion a fait 300 000 sans-abris. Les députés ont également prolongé de six mois les exemptions des pénalités de retard concernant le remboursement des prêts. Sur un autre plan, il a autorisé le ministère de l’Éducation à octroyer des attestations aux élèves dont les examens pour l'obtention de diplômes ont été annulés.
Dans la rue, l'appel à une mobilisation autour du palais de l'Unesco a été très peu suivi, seule une poignée de contestataires s'étant réunie, face à un important déploiement sécuritaire. Les rues menant au palais de l'Unesco, où se sont réunis les membres de la Chambre depuis le début de l'épidémie de coronavirus, étaient barrées pour empêcher les manifestants de parvenir jusqu'aux abords du bâtiment.
"Ce sont tous des criminels, ce sont eux qui ont provoqué cette catastrophe, cette explosion" a déclaré Lina Boubess, 60 ans, l'une des participantes à la manifestation. "Ça ne leur a pas suffi de voler notre argent, nos vies, nos rêves et les rêves de nos enfants ? Qu'est-ce qu'on a encore à perdre ? Ce sont des criminels, tous, sans exception."
commentaires (13)
"Ces deux dernières semaines, un complot s'est tramé, passant par la démission de députés du Parlement et la volonté du gouvernement d'interroger le Parlement" Peut-on être plus vicelard?????
Christine KHALIL
23 h 22, le 13 août 2020