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Politique - Éclairage

Le Drian à Beyrouth : une visite à messages multiples

Le chef de la diplomatie française a évité de se laisser entraîner dans les méandres du débat politique local.

Le Drian à Beyrouth : une visite à messages multiples

Le chef de la diplomatie, Jean-Yves Le Drian, a pressé les dirigeants libanais de réaliser des réformes sérieuses et crédibles durant sa visite à Beyrouth. Aziz Taher/Reuters

L’explosion des cas de coronavirus, au Liban, devrait certes recentrer les centres d’intérêt des autorités, sans toutefois que celles-ci ne perdent de vue une autre priorité, celle de mettre en place un programme d’action qui pourrait – si jamais un retour au confinement s’avérait indispensable – empêcher que le Liban ne s’enfonce davantage encore dans la crise socio-économique qui pèse déjà si lourdement sur une grande partie des Libanais.

Dans ce contexte, le lancement d’un chantier de réformes « sérieuses et crédibles » reste incontournable. Tel est le message principal que le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a communiqué aux dirigeants politiques avec qui il a eu des entretiens au cours de sa visite de quarante-huit heures à Beyrouth, jeudi et vendredi derniers. Le ministre français a été on ne peut plus clair sur ce point, expliquant « vertement » à ses interlocuteurs (selon des sources qui ont suivi la visite) qu’il n’est pas possible d’envisager un plan B pour le Liban en dehors de ces deux passages obligés que sont les réformes et le programme de sortie de crise que le Fonds monétaire international (FMI) mettra en place avec le gouvernement.

« Il est aujourd’hui urgent et nécessaire de s’engager de manière concrète dans la voie des réformes. Les attentes que j’exprime ne sont pas simplement celles de la France. Ce sont en premier lieu celles des Libanais et ce sont aussi celles de l’ensemble de la communauté internationale », avait-il déclaré lors d’un point de presse au palais Bustros, jeudi. « La France est prête à se mobiliser pleinement aux côtés du Liban et à mobiliser l’ensemble de ses partenaires, mais il faut pour cela que des mesures de réformes sérieuses et crédibles soient mises en œuvre. Des actes concrets sont attendus depuis trop longtemps. Et comme je l’ai dit récemment devant le Sénat français, aidez-nous à vous aider ! C’est, mesdames et messieurs, le maître mot de ma visite à Beyrouth », avait-il ajouté.

Le maître mot, mais aussi le énième message en ce sens adressé par la France, par d’autres États amis du Liban et, surtout, par les Libanais eux-mêmes à un pouvoir qui, en dépit de l’effondrement économique et financier du pays, n’a fait jusque-là qu’intensifier les discours sur les promesses et la volonté de réformes, pendant que concrètement il multipliait les signaux sur sa détermination à ne pas lâcher un mode de gouvernance qui a conduit le pays à la faillite. Le triste épisode des nominations en est, pour ne citer que celui-là, la parfaite illustration.

« La mère, elle fesse aussi ses enfants »
Les Français, autant que les autres bailleurs de fonds ou les Libanais qu’on abreuve de promesses, ne sont pas dupes. Ainsi à ce monsieur qui lui faisait gentiment remarquer que la France a toujours été considérée comme « la mère du Liban », c’est-à-dire qu’elle ne le lâchera jamais, quoi qu’il arrive, M. Le Drian a répondu sans hésiter : « Mais vous savez, la mère, elle fesse aussi ses enfants. »

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Durant sa visite à Beyrouth, Jean-Yves le Drian a choisi de rencontrer deux groupes d’interlocuteurs : les responsables politiques et le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, dont il a appuyé l’appel à la neutralité du Liban, ainsi que des représentants de la société civile et du mouvement du 17 octobre.

Un choix qui n’est pas fortuit et qui recèle plusieurs messages, même si le patron du Quai d’Orsay avait dit avoir « pris le soin de rencontrer tous ceux qui représentent les institutions » pour justifier le fait qu’il ne se soit pas entretenu avec les représentants des partis politiques traditionnels dont les composantes de l’opposition, notamment le Parti socialiste progressiste, les Forces libanaises, le courant du Futur et les Kataëb, ou encore avec des personnalités indépendantes opposantes.

Son entretien avec des figures de la société civile et du mouvement du 17 octobre s’inscrit ainsi dans le prolongement des deux objectifs de la visite : adresser d’abord un message fort aux autorités libanaises et écouter ensuite le point de vue et les besoins des Libanais qui s’efforcent d’obtenir un changement. Ces derniers lui ont expliqué qu’ils se sentent les otages d’un système fermé, conçu pour s’autorenouveler et que la révolution ne peut pas être considérée comme une personnalité morale ou un parti politique qui peut s’engager à armes égales dans une épreuve de force avec les partis au pouvoir.

Le rôle d’un front d’opposition capable d’œuvrer afin de générer des changements fondamentaux pour un redressement du Liban a été ainsi soulevé. Les interlocuteurs de Jean-Yves Le Drian lui ont expliqué l’importance pour le Liban d’avoir un nouveau régime, de nouveaux modèles de gouvernance, de libéralisme et de positionnement géopolitique… Reprenant la phrase qu’il avait récemment lancée au Sénat au sujet du Liban – « Aidez-nous à vous aider, bon sang ! » – ils l’ont à leur tour interpellé par ces mots : « Aidez-nous à avoir un gouvernement qui peut vous aider à nous aider. »

Selon des sources informées, il était important que les entretiens de M. Le Drian au Liban restent limités pour que les objectifs de la visite ne se perdent pas dans les méandres du débat politique local, sans compter qu’avec un programme chargé, sur deux jours seulement, il lui était difficile de multiplier les rencontres. De mêmes sources, on estime aussi que le chef de la diplomatie française aurait choisi de ne pas s’entretenir avec des figures de l’opposition, comme notamment l’ancien Premier ministre Saad Hariri, pour ne pas ouvrir la voie à des interprétations politiques déplacées. Ces sources justifient ce choix par les récents propos du chef du gouvernement Hassane Diab, qui avaient accusé ses détracteurs lors d’un Conseil des ministres, il y a une dizaine de jours, de demander à des pays amis de ne pas aider le Liban.

« Un bilan positif » pour l’opposition
À la faveur de cette logique, une source joumblattiste souligne à L’Orient-Le Jour qu’en évitant de rencontrer des personnalités hostiles au pouvoir, M. Le Drian leur a épargné des accusations de « coopération » avec des pays occidentaux qui, tout comme les opposants, dénoncent la léthargie gouvernementale en matière de réformes économiques.

Il reste que l’opposition dresse un bilan positif du séjour de Jean-Yves Le Drian, partant du principe que son discours rejoint le sien. Marwan Hamadé, député joumblattiste du Chouf, explique ainsi à L’OLJ que la visite de M. Le Drian « a été utile dans la mesure où elle a délivré les bons messages à qui de droit ». Il se félicite de ce que le chef de la diplomatie française ait exprimé son soutien à l’appel du patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, à la neutralité du Liban et appelé à la réalisation de réformes : « Ce sont autant de choses que nous prônons et dont le patriarche a brandi l’étendard haut et fort », observe M. Hamadé, dont le point de vue est partagé par un responsable FL qui explique à son tour que M. Le Drian « a formulé devant ses hôtes toutes les demandes pour lesquelles l’opposition plaide depuis un bon moment ».

Mais pour ce proche de Meerab, le point le plus important reste son entretien avec Mgr Raï et son soutien à la neutralité, un autre point de convergence avec l’opposition. « Pour le moment, l’opposition ne bénéficie pas d’un véritable appui parce qu’elle n’est pas unifiée », estime-t-il, rappelant que les FL « ont déjà tenté, sans succès, d’œuvrer pour former un front d’opposition ». Elles s’activent aujourd’hui pour garder vivace la proposition de Raï et se mobilisent pour l’adoption d’une nouvelle loi sur le mécanisme de nominations. Des rencontres à cet effet sont prévues prochainement avec le courant du Futur, le Parti socialiste progressiste et les Kataëb, selon cette source. Affaire à suivre…


L’explosion des cas de coronavirus, au Liban, devrait certes recentrer les centres d’intérêt des autorités, sans toutefois que celles-ci ne perdent de vue une autre priorité, celle de mettre en place un programme d’action qui pourrait – si jamais un retour au confinement s’avérait indispensable – empêcher que le Liban ne s’enfonce davantage encore dans la crise...

commentaires (4)

La dernière de l'Iran comme ils sont en faillite complète et ils n'ont pas d'argent à payer l'armement qu'ils ont achete à la Chine alors ils ont proposé des bases à la Chine en Iran , chiche

Eleni Caridopoulou

18 h 28, le 27 juillet 2020

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Commentaires (4)

  • La dernière de l'Iran comme ils sont en faillite complète et ils n'ont pas d'argent à payer l'armement qu'ils ont achete à la Chine alors ils ont proposé des bases à la Chine en Iran , chiche

    Eleni Caridopoulou

    18 h 28, le 27 juillet 2020

  • PRIERE LIRE DEMENTELEMENT. MERCI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 03, le 27 juillet 2020

  • UN MESSAGE. IL N,Y A PAS UN FRANC SANS LES REFORMES AVANT ECONOMIQUES ET SECURITAIRES CAD POLITIQUES OU LA DEMENTELATION DES MILICES. NAIF QUI CROIT LE CONTRAIRE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 04, le 27 juillet 2020

  • "Il n'y a pas de plan B". Le Drian n'a cessé de marteler cette évidence. C'est clair et net: ceux qui ne VEULENT PAS mettre en place des réformes, et qui ne VEULENT PAS de l'aide du FMI et qui, pour cela, sabotent les négociations, ne VEULENT DONC PAS que le pays soit sauvé. Comment appelle-t-on en français , ce genre de personnes? Voyons, un mot de huit lettres commençant par "t"?

    Yves Prevost

    06 h 58, le 27 juillet 2020

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