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Culture - Exposition

Entrez dans le monde merveilleux d’Urs Fischer

Outre une impressionnante installation composée de 6 000 « gouttes de pluie » multicolores suspendues au plafond, la Fondation Aïshti présente pour la première fois au Moyen-Orient une sélection d’œuvres choisies de l’un des artistes stars de la scène contemporaine internationale.

Entrez dans le monde merveilleux d’Urs Fischer

L’étang reproduit par l’artiste americano-suisse avec des végétaux libanais. Photo Stefan Altenburger

La grande exposition beyrouthine d’Urs Fischer devait s’ouvrir le 20 octobre dernier à la Fondation Aïshti. En sa présence. L’artiste suisse, installé à New York, était même venu (avec son équipe) trois semaines avant la date prévue du vernissage pour concevoir et superviser la scénographie. La révolution du 17 octobre puis le confinement généralisé dû à la pandémie du Covid-19 en ont décidé autrement. L’inauguration a été suspendue. Les invités internationaux, dans les rangs desquels figuraient de grands curateurs, des critiques d’art et des collectionneurs ont annulé leurs réservations de vols pour Beyrouth. La vie s’est figée l’espace de quelques mois. Au Liban comme partout ailleurs. Et les œuvres plurimédias d’Urs Fischer se sont assoupies dans l’obscurité des salles de la fondation muséale de Tony Salamé, jusqu’à la réouverture des lieux à la fin du mois de juin.

Désormais ouverte (gracieusement) au public, « The Lyrical and the Prosaic » vous invite à entrer dans l’univers détonnant, bigarré, oscillant entre sublime et prosaïque, comme le suggère le titre de l’exposition, de cet artiste pluridisciplinaire et touche-à-tout. Un artiste prolifique, provocant, exubérant, devenu en l’espace d’une vingtaine d’années l’une des figures de proue de l’art contemporain international, et dont la fondation Aïshti donne, à travers une sélection d’œuvres choisies, un aperçu fascinant du monde créatif.

Subversif et irrévérencieux

Le parcours commence par Melody (2019), une immense installation composée de 6 000 gouttelettes en plâtre peint suspendues au plafond par des fils de nylon et occupant intégralement l’espace de la grande salle du premier étage. Évocation des différentes métamorphoses d’un nuage pluvieux, cette bourrasque déroulant une gradation de 60 tonalités, allant du noir orageux aux couleurs suaves d’une pluie d’été, évoque les variations du temps, dans son sens métaphorique de mouvement et de changement inéluctable des choses... de la vie. Art compris. Art d’abord, serait-il même plus approprié de dire. Car tout le travail d’Urs Fischer est une exploration ludique, souvent subversive et irrévérencieuse de la définition de l’art. Une remise en perspective de son éternité, couplée à une propension certaine pour l’art-entertainment.

En véritable fils de son temps, ce quadragénaire n’hésite pas à faire feu de tout bois pour créer un univers hétérogène de pièces d’inspirations diverses toutes imprégnées d’un certain sens de l’absurde qui leur confère une intrigante théâtralité.

Mixant classicisme, pop art, surréalisme et dadaïsme, ses œuvres sont souvent élaborées dans un mix de médiums durables et organiques, aussi hétéroclites que la cire et le bronze (dans ses petites sculptures), le métal, l’eau, le silicone, le néon et les plantes vertes (Pour Teardrop, une installation au discours artistico-écologique), les collages numériques et la sérigraphie (dans la série Sirens), ou encore la peinture et le dessin sur iPad…

Derrière la statue de cire, une sélection de peintures réalisées sur iPad par Urs Fischer et exposées à la Fondation Aïshti. Photo Stefan Altenburger

Pin-up de cire...

Et l’on découvre ainsi au fil du parcours un univers oscillant entre monumental et minuscule, entre hyper-réalité et fantaisie absolue, entre spectaculaire dérision et une certaine tristesse sous-jacente… Mais aussi entre univers magique de contes pour enfants et sournois rappel en continu de l’éphémère de toute chose. Cette obsession de l’impermanence et de la finitude que cultive cet artiste paradoxal est particulièrement perceptible dans la série de trois sculptures de femmes en cire, grandeur nature – intitulée What if the Phone Rings ? –, reproduisant des sortes de pin-up, façon pop art, qui, une fois la mèche (sur le dessus du crâne ou dans la plante des pieds pour celle à la posture allongée) allumée, se consument telles des bougies géantes, se transformant progressivement en formes fondues, puis en amas de paraffine au sol.

… et escargot motard

Un rapport anxieux au temps qui passe, que vient contrebalancer une collection de petites sculptures en bronze (parfois allié à de l’inox ou de la cire) déclinant un univers fascinant où le merveilleux des contes imaginaires tisse parfois des correspondances secrètes avec l’absurdité du réel. Dans cet univers – où une pêche et une poire, accolées, jouent les transformistes et prennent l’allure d’une limace, où un enfant se désaltère dans une cuillère géante, où une tulipe solitaire tente de s’évader de son vase, où un escargot joue les alter ego avec un (vrai) masque de motard –,

une vraie branche d’arbre coulée dans le bronze sur laquelle sont perchés une demi-douzaine d’oiseaux aux couleurs pastel tend un pont entre réalité et fantaisie. Et rappelle que c’est justement là que réside l’art !

Bref, il s’agit d’une exposition à visiter comme on ferait une balade au pays des merveilles. D’autant que la situation de crise que nous vivons dans ce pays laisse à penser que c’est peut-être l’une des dernières de cet acabit international que l’on verra avant longtemps au Liban…

« The Lyrical and the Prosaic », à la Aïshti Foundation. Entrée libre du mercredi au dimanche, jusqu’au 31 octobre.

Une vue de « Melody », l’immense installation d’Urs Fischer à la Fondation Aïshti. Photo Stefan Altenburger

Biographie express

Né en 1973 à Zurich, en Suisse, Urs Fischer vit à New York depuis 2004. Venu de la photographie, sa formation première (notamment à la Delfina Studio Trust de Londres), il a intégré la scène artistique d’abord par le biais des images, avant de se tourner vers la sculpture et l’installation, alliant une inspiration souvent classique à des esthétiques toujours innovantes.

Il a à son actif des expositions dans des institutions prestigieuses telles que le Museum of Contemporary Art, Los Angeles (2013), Palazzo Grassi à Venise (2013), le New Museum, New York (2009), le Kunsthaus Zurich (2004) et le Centre Pompidou, à Paris, la même année. Sans compter la Biennale de Venise en 2003, 2007 et 2011 et la Biennale de Whitney en 2006. Son travail figure dans certaines des collections les plus importantes au monde, dont la collection Pinault.

La grande exposition beyrouthine d’Urs Fischer devait s’ouvrir le 20 octobre dernier à la Fondation Aïshti. En sa présence. L’artiste suisse, installé à New York, était même venu (avec son équipe) trois semaines avant la date prévue du vernissage pour concevoir et superviser la scénographie. La révolution du 17 octobre puis le confinement généralisé dû à la pandémie du...

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