
Le patriarche maronite Béchara Raï recevant le président du Conseil, Hassane Diab, à Dimane (Nord), le 18 juillet 2020. Photo Dalati et Nohra
Le patriarche maronite Mgr Béchara Raï a à nouveau lancé samedi soir un appel à la neutralité du Liban, alors qu'il multiplie les déclarations en ce sens depuis deux semaines, ainsi que des critiques à l'encontre de la majorité au pouvoir, et implicitement du Hezbollah. Il a déclaré dans ce contexte que le "système libanais ne peut être que neutre".
"Le système libanais ne peut être que neutre", a affirmé Mgr Raï dans son homélie prononcée lors d'une messe organisée samedi en fin de journée à l'occasion de la Saint Charbel à Békaakafra, près de Dimane. Il a souligné qu'il ne s'agissait "pas d'une question politique ou partisane, mais bien morale". "Les Libanais doivent comprendre que leur salut est unique : il repose sur un système neutre et efficace", a-t-il ajouté, indiquant que la beauté du Liban réside dans le fait qu'il est "un ami et un pont entre tous les pays et les peuples".
Peu avant, il avait affirmé, dans un entretien accordé à la chaîne locale de télévision LBC, que le Liban est "fondamentalement neutre". "Le Pacte national prévoit la neutralité et l'ouverture à tous les pays sauf Israël", a-t-il souligné. Le patriarche a encore annoncé que des conférences de dialogue allaient être organisées afin de "dissiper tout malentendu" éventuel à ce sujet, soulignant qu'il ne fallait pas que "chaque personne comprenne la neutralité à sa manière", mais qu'elle devait devenir un "concept national et juridique". Le patriarche a encore souligné "ne pas être affecté par les attaques" contre sa personne et les accusations de collaboration avec l'ennemi.
S'exprimant après cette homélie, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a pour sa part estimé qu'il était de "son devoir" de lancer une procédure concrète pour traduire l'appel du patriarche Raï. "Dans les prochains jours, nous annoncerons des avancées concrètes à cet effet", a-t-il ajouté. Il a par ailleurs estimé que "le manque de réaction" des responsables face à la crise était "pire que le chômage et la faim".
Plus tôt dans la journée, le patriarche a reçu, au siège estival du patriarcat à Dimane, le Premier ministre Hassane Diab. Il avait été par ailleurs reçu, dans la semaine, à Baabda, par le chef de l'Etat. Jeudi, Mgr Raï avait clairement accusé, dans une interview accordée à un site du Vatican, le Hezbollah d'imposer sa "mainmise sur la politique et le gouvernement" et d'entraîner le Liban dans des guerres régionales. Les dernières prises de positions de Mgr Raï sont saluées par les figures politiques d'opposition et plusieurs chancelleries.
A l'issue d'une longue réunion entre le dignitaire maronite et le président du Conseil, ce dernier avait affirmé que la question de la neutralité du Liban doit faire l'objet d'un "dialogue approfondi" entre les forces politiques du pays.
"La question de la neutralité est de nature politique par excellence. Elle requiert un dialogue politique approfondi entre toutes les forces politiques et une clarification concernant l'ampleur de cette neutralité", a déclaré M. Diab lors d'un point presse à l'issue de sa rencontre avec le patriarche à Dimane, siège estival du patriarcat maronite. Au cours de cet entretien, la situation économique et financière du pays a été évoquée. "Le patriarche nous a donné des conseils, et nous l'écoutons afin de profiter de son expérience et de sa sagesse", a souligné le PM.
Entré en fonction après la chute du gouvernement de Saad Hariri sous la pression du mouvement de contestation contre la classe dirigeante en octobre dernier, le cabinet de Hassane Diab a obtenu la confiance au Parlement grâce au soutien du Hezbollah et de ses alliés. "Le sujet du gouvernement du Hezbollah est devenu un disque rayé", a déclaré le chef du gouvernement sur ce sujet.
"Je ne démissionnerai pas"
Par ailleurs, Hassane Diab a défendu l'action de son gouvernement, réaffirmant qu'il ne démissionnera pas malgré les critiques sur la lenteur de la mise en oeuvre des réformes qui conditionnent l'octroi d'aides financières internationales.
"Je ne démissionnerai pas car en cas de démission, trouver une alternative ne serait pas chose aisée, et l'expédition des affaires courantes pour une longue période serait un crime contre les Libanais", a affirmé le Premier ministre, ajoutant que "des réformes dont les Libanais ne sont pas au courant ont été mises en oeuvre".
Le Liban vit la pire crise économique de son histoire moderne, marquée par une dépréciation inédite de sa monnaie, une explosion de l'inflation et des restrictions bancaires draconiennes sur les retraits et les transferts d'argent à l'étranger. Près de la moitié de la population libanaise vit dans la pauvreté et 35% de la population active est au chômage.
En défaut de paiement, le pays a adopté un plan de relance fin avril et promis des réformes, mais les négociations, initiées mi-mai avec le Fonds monétaire international (FMI) pour obtenir une aide cruciale pour la population et rétablir la confiance des créanciers, sont au point mort. En cause, des divergences internes sur la répartition des pertes entre l’État et ses créanciers, et sur l'estimation d'autres pertes du secteur bancaire.
Ces dernières heures, la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a déploré qu'"aucune avancée" n'ait été enregistrée dans les négociations avec le Liban.
commentaires (9)
" dialogue approfondi", manière de dire qu'il n'en a ni le courage ni les compétences, quel minus.
Christine KHALIL
22 h 42, le 19 juillet 2020