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Économie - Réformes

La BDL crée une commission afin de restructurer le secteur bancaire

L’absorption par les banques alpha des autres établissements aurait été prévue « depuis plusieurs mois ».


La BDL crée une commission afin de restructurer le secteur bancaire

Une source proche de la profession a émis des doutes sur l’impartialité de la commission créée par la BDL, dans la mesure où tous ses membres sont directement issus du secteur bancaire. Photo Patrick Baz/AFP

La Banque du Liban (BDL) a publié hier une circulaire à travers laquelle elle crée une commission pour « restructurer le secteur bancaire ». Selon le texte, son rôle consistera à proposer des « modifications de la réglementation prudentielle » (mesures qui requièrent des banques et des institutions financières qu’elles contrôlent les risques et appliquent les exigences relatives aux liquidités). Elle devra également mener une étude évaluant la « performance financière » des banques et proposer les « étapes nécessaires » afin de « sauvegarder le secteur bancaire ».

Cette commission devra rapporter ses propositions au gouverneur de la BDL, Riad Salamé. La circulaire ne contient toutefois aucune information concernant le délai dans lequel cette étude devra être rendue ni les critères que la commission prendra en compte pour son évaluation. Une source bancaire précise de son côté à L’Orient-Le Jour qu’il est prévu « depuis plusieurs mois » que les banques alpha du pays – celles qui possèdent plus de 2 milliards de dollars de dépôts, au nombre de 16 sur les 49 banques commerciales établies au Liban – absorbent les autres établissements. Une disposition fondamentalement inéquitable pour les établissements de petite taille qui ont été bien gérés.

La source révèle également un autre critère : seront privilégiées les banques possédant un faible rapport entre le montant des eurobonds – titres de dettes en devises sur lesquels le Liban a annoncé l’arrêt de paiement en mars dernier et dont le montant total s’est élevé à 34,4 milliards de dollars à fin avril – et leurs capitaux propres. « Même si une petite banque possède un meilleur ratio qu’une grande banque, elle se fera absorber car il vaut mieux pour la réputation des grands établissements que les grands noms libanais ne changent pas, vu que les banques alpha ont tissé des relations avec les filières internationales. »

La composition de la commission
Cette même source précise néanmoins la composition de l’instance. Celle-ci sera formée du vice-gouverneur de la BDL, Bachir Yakzan (ancien directeur adjoint au sein de la BBAC et directeur du département des risques depuis 2012, ayant travaillé au sein du groupe BLOM en Syrie de 2006 à 2011), qui sera également président de cette commission ; du directeur du département juridique, Pierre Kanaan (nommé à ce poste depuis 1985) ; de la directrice du département de conformité (compliance), Carine Chartouni (avocate aux barreaux de Beyrouth et de New York, elle a fait plusieurs allers-retours entre la Banque du Liban et le Fonds monétaire international (FMI), en passant par un cabinet d’avocats américain – maintenant en faillite – Dewey & LeBoeuf) ; ainsi que des représentants de la Commission de contrôle des banques (CCB) : Marwan Mikhael (membre du conseil d’administration de la CCB, il a conseillé le ministère des Finances de 1998 à 2002, ainsi que celui de l’Économie et du Commerce de mars à juin de cette année, et a également travaillé en tant qu’économiste auprès du FMI entre 2002 et 2006 et était le directeur du département de recherche de Blominvest de 2008 à 2019), Rabih Nehmé (directeur du département de l’évaluation des risques de la CCB), Nouhad Yammout (elle travaille à la BDL depuis 2002 et est la directrice du département de régulation macroéconomique et de protection du consommateur de la CCB) et Nehmat Hantas (directrice du département de supervision à distance de la CCB avec plus de 18 ans d’expérience) ; et de l’Association des banques (ABL), Walid Raphaël (à la Banque Libano-Française depuis 2004, et il est depuis 2014 le PDG de l’établissement), Roger Dagher (directeur financier de la Bank of Beirut depuis 2004) et Alain Wanna (directeur des marchés financiers à Byblos Bank).

Pour mémoire

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Une autre source proche de la profession a estimé que l’impartialité de cette commission était loin d’être garantie dans la mesure où tous ses membres sont directement issus du secteur bancaire. Il reste que le procédé n’est pas non plus inédit. Lors de la restructuration du secteur bancaire grec qui a démarré en 2012, par exemple, le Fonds hellénique de stabilité financière (FHSF) chargé de ce dossier était composé de banquiers, grecs et étrangers, dont certains ont été inculpés pour fraude et blanchiment d’argent au sein d’une banque hellène. En 2014, le FMI et la Banque centrale européenne, deux des trois composantes de la Troïka avec la Commission européenne, ont poursuivi la restructuration.

C’est la même Troïka qui a entrepris celle du secteur bancaire chypriote en 2013 et c’est la Banque centrale russe qui en 2014 avait restructuré le secteur russe. Ainsi, la partialité semble monnaie courante dans cet exercice. Toutefois, à la fin des années 1990, le gouvernement japonais a lui-même entrepris la restructuration du secteur bancaire nippon en établissant un plan de restructuration qui impliquait des injections de capitaux et des fusions-acquisitions. Il a également voté une loi pour mettre en place ce plan.

Le gouvernement de Hassane Diab a défini la restructuration du secteur bancaire comme une des priorités dans son plan économique de redressement voté le 30 avril dernier. Le document sert de base aux discussions entamées courant mai avec le FMI, afin de permettre au pays en crise d’obtenir une assistance financière. Les négociations ont été ralenties par les divergences entre le gouvernement d’une part et les parlementaires alignés sur la position de la BDL et des banques d’autre part, concernant l’approche à privilégier pour évaluer le montant des pertes, un point décisif en ce qui concerne la façon d’aborder la restructuration du secteur financier. Ce blocage dans les négociations et l’absence du lancement de toute réforme a poussé deux négociateurs désignés par l’exécutif, le directeur général du ministère des Finances Alain Bifani et Henri J. Chaoul, financier membre du collectif issu de la société civile Kulluna Irada, à démissionner. Alain Bifani a également démissionné de son poste au ministère qu’il occupait depuis 20 ans. Le gouvernement n’a pas encore accepté sa décision.

Le FMI a quant à lui déclaré à plusieurs reprises que les chiffres du gouvernement étaient globalement dans le vrai. Le ministre des Finances Ghazi Wazni, qui mène l’équipe de négociateurs libanais, avait pour sa part laissé entendre le 15 mai qu’il fallait envisager de réduire de moitié le nombre de banques commerciales au Liban, composé de 49 enseignes. Il reste que la brutale dépréciation de la livre chez les agents et surtout sur le marché noir des changes (8 000 livres à l’achat et 8 500 livres à la vente selon le site Lebaneselira.org hier et respectivement 7 700 livres et 8 000 livres selon l’application Sarraf Lebanon), qui s’est accélérée depuis le début des négociations, a modifié les bases prises en compte par le gouvernement pour construire son plan de redressement.

La BDL dément préparer une circulaire interdisant les décaissements de « dollars frais »

Une source à la BDL a formellement démenti que la Banque centrale était en train de préparer une circulaire « interdisant aux Libanais » de décaisser en espèces et en dollars les fonds transférés depuis l’étranger, « les fonds frais », dont elle garantit pourtant le droit des déposants à disposer librement (circulaire n° 150 du 9 avril dernier). En matinée, le député Fouad Makhzoumi avait publié sur son compte Twitter un message évoquant des restrictions à venir sur l’accès aux fonds frais. Un message qu’il semble toutefois avoir supprimé peu après.

Les Libanais subissent depuis près d’un an d’importantes restrictions – informelles et illégales – limitant l’accès à leurs dépôts en devises, en marge d’une crise économique et financière sans précédent. Ces restrictions font la distinction entre les « dollars frais », à savoir les montants déposés sur des comptes spéciaux, et ceux qui sont désormais qualifiés de « dollars libanais », une expression utilisée par de nombreux experts pour désigner les dépôts des clients libellés dans cette monnaie et sur lesquels les banques ont adopté le plus de limites.

Enfin depuis avril, la BDL a imposé aux sociétés de transfert d’argent de décaisser en livres à un taux de 3 800 livres pour un dollar, supérieur à la parité officielle de 1 507,5 qui n’est plus utilisée que dans un nombre limité de transactions.

La Banque du Liban (BDL) a publié hier une circulaire à travers laquelle elle crée une commission pour « restructurer le secteur bancaire ». Selon le texte, son rôle consistera à proposer des « modifications de la réglementation prudentielle » (mesures qui requièrent des banques et des institutions financières qu’elles contrôlent les risques et appliquent les...

commentaires (8)

Est-ce que ces banques alpha qu'on récompense appartiennent aux politiciens responsables de la banqueroute du Liban ? La composition de la commission donne encore un bon signal à la communauté internationale...

Georges Lebon

10 h 39, le 18 juillet 2020

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Commentaires (8)

  • Est-ce que ces banques alpha qu'on récompense appartiennent aux politiciens responsables de la banqueroute du Liban ? La composition de la commission donne encore un bon signal à la communauté internationale...

    Georges Lebon

    10 h 39, le 18 juillet 2020

  • LSSSSOUSSSS ! LSSSSOUSSSS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 21, le 17 juillet 2020

  • Ce sont les banques dites Alpha qui ont profité le plus du système corrompu qui règne au Liban depuis plus de trente ans. Ce sont elles qui ont prêté au gouvernement libanais, via la BDL ou pas, beaucoup plus que n’importe quel petit employé dans un département de crédit aurait jugé sain de prêter à un quelconque emprunteur par rapport au total des fonds propres de sa banque. Les dirigeants de ces banques sont autant des criminels, qu’il faudrait juger, que les politiciens qui régissent le pays depuis bel lurette. 16 banques à réunir dans une seule « Bad Bank » afin que les autres banques puissent survivent, cette Bad Bank devra être géré par des organismes internationaux dans un premier temps, tant les banquiers libanais dans toute leur splendeur ont failli à l’exercice de leur métier et ont prouvé leur incompétence en la matière.

    TrucMuche

    14 h 12, le 17 juillet 2020

  • On reprend les losers et on recommence.

    Sissi zayyat

    11 h 40, le 17 juillet 2020

  • Que Dieu purifie notre pays des chancres qui le dévorent et qu'il nous pardonne car nous avons notre part de responsabilité.

    Christine KHALIL

    11 h 08, le 17 juillet 2020

  • MNEL BOUTA !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 46, le 17 juillet 2020

  • ==L’absorption par les banques alpha des autres établissements aurait été prévue « depuis plusieurs mois »== bravo, quelle decision magistrale. au lieu de punir les banques alpha qui sont,elles responsables au tiers de nos malheurs,ont leur offre des cadeaux. quant en fait les petites banques ont ete sagement loin de l'arrogance des banques alpha

    Gaby SIOUFI

    09 h 24, le 17 juillet 2020

  • Aurons-nous un droit de regard sur cette restructuration avant sa finalisation ou vont-ils planifier savamment de nous carotter davantage en toute impunité?

    NAUFAL SORAYA

    07 h 37, le 17 juillet 2020

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