La fonction de Premier ministre a été "ridiculisée". L'ancien Premier ministre, Saad Hariri, n'a pas mâché ses mots en répondant jeudi aux accusations lancées il y a deux jours par son successeur Hassane Diab. Ce dernier avait accusé lors du Conseil des ministres certaines parties sans les nommer de vouloir "faire obstacle" à l’obtention d’aides financières arabes par le gouvernement et aurait été jusqu’à qualifier de "haute trahison" ce travail d’obstruction. Dans certains milieux de l’opposition, on estime que les propos de M. Diab visaient Saad Hariri et le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé.
"Il est regrettable que la présidence du Conseil évoque des contacts avec des pays arabes dans le but de faire obstruction. Le discours émanant de la présidence du Conseil est tombé à un niveau jamais imaginé, a martelé M. Hariri lors d'une discussion à bâtons rompus avec des journalistes à la Maison du Centre. Nous, les Hariri, aidions tout le monde et je ne vais pas entrer dans une polémique avec lui (en référence au Premier ministre Diab)". Et de lancer : "La fonction de Premier ministre a été ridiculisée, et je n'ai entrepris aucun contact avec qui que ce soit".
Mardi, lors du Conseil des ministres, M. Diab avait souligné qu’il disposait d’informations concernant le contenu de discussions "honteuses" entre certains responsables politiques libanais et certains pays arabes, ainsi que des "rapports" prouvant l’existence d’un plan visant à "saboter le gouvernement de l’intérieur", selon des propos rapportés par la ministre de l'Information, Manal Abdel Samad.
En octobre dernier, le mouvement de contestation contre la classe dirigeante avait poussé le gouvernement d'union nationale de Saad Hariri à la démission, auquel a succédé un cabinet dirigé par Hassane Diab, parrainé par le Hezbollah et ses alliés. Ce gouvernement a été rejeté par le mouvement de la contestation et aujourd'hui critiqué même par ses parrains politiques pour son incapacité à enrayer la pire crise économique, financière et monétaire qui frappe le Liban. Certaines rumeurs ont un temps allégué que Saad Hariri manœuvrait pour revenir à la tête du gouvernement. Il dément toutefois vouloir redevenir Premier ministre, affirmant dans le mêmes temps que s'il était amené à diriger le prochain cabinet, il ne le ferait que sous ses propres conditions.
"Le Liban d'abord"
M. Hariri a dans ce contexte évoqué les contacts tous azimuts entrepris avec les pays arabes par le directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, chargé par le président Michel Aoun, dans le cadre des efforts diplomatiques que Beyrouth déploie afin de tenter d'obtenir un soutien financier. "Les efforts de Abbas Ibrahim sont importants. Nous faisons partie de la Ligue arabe et ces pays, en particulier ceux du Golfe, se sont tenus aux côtés du Liban et soutenu son économie, a estimé M. Hariri. Nous devons être aujourd'hui en contact avec eux dans le but d'obtenir une aide. Ils ont déjà beaucoup offert au Liban à qui il appartient maintenant de mener les réformes requises".
Mercredi, le général Ibrahim avait été reçu par l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Beyrouth, Walid Boukhari. Il y a quelques jours, il se trouvait au Koweït, et dès son retour, le 13 juillet, il a informé le président de la République des détails de ses entrevues. Selon des sources concordantes, cette visite ne modifie toutefois en rien les attentes des bailleurs de fonds. Bien au contraire, aussi bien les Arabes que les Occidentaux attendent que le gouvernement libanais opère les réformes économiques et politiques exigées pour débloquer les aides promises au pays du Cèdre.
L'ancien Premier ministre a en outre rappelé qu'il était nécessaire que "nous nous distancions de tous les conflits dans la région". "C'est ce que j'appelle la neutralité", a-t-il souligné, dans une critique implicite du Hezbollah impliqué militairement dans le conflit syrien aux côtés du régime de Bachar el-Assad. "Dire que nous respectons la distanciation doit se traduire en actes. Nous payons le prix de l'escalade régionale entre les Etats-Unis et l'Iran, et c'est à partir de là qu'il faut comprendre les propos du patriarche maronite Béchara Raï", a-t-il ajouté. Mgr Raï multiplie depuis plus d'une semaine les appels à la neutralité du Liban et les critiques implicites à l'encontre de la majorité au pouvoir, notamment au Hezbollah, dans des prises de positions saluées par les figures politiques d'opposition et plusieurs chancelleries. Et de poursuivre : "Lorsque nous avons proposé le slogan 'Liban d'abord', on nous a accusés de laisser tomber la cause palestinienne. Le Liban d'abord, cela veut dire avant la Syrie, avant la Palestine et avant tout autre Etat, afin que le Libanais vivent dans la dignité".
Concernant le jugement du Tribunal spécial pour le Liban dans l'affaire de l'assassinat de son père, l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, et qui doit être rendu le 7 août, M. Hariri a déclaré : "Nous devons respecter les décisions internationales. Les gens ont réclamé la vérité et la justice. Le 7 août, le verdict sera émis et j'aurai alors mon mot à dire".
Le jugement sera rendu dans une salle d'audience avec une "participation virtuelle partielle" en raison de la pandémie de Covid-19, a précisé le TSL. Les suspects jugés par contumace sont tous membres présumés du Hezbollah qui a rejeté toute paternité de l'assassinat et a refusé de les livrer malgré plusieurs mandats d'arrêt émis par le TSL.
commentaires (15)
- Oui, biensûr, devons-nous croire que le Liban s’en trouve là à cause de « l’incapacité (du gouvernement actuel) à enrayer la pire crise économique, financière et monétaire du pays ». Pas à cause de ceux qui l’ont gouverné de père en fils pendant des décennies et l’ont piloté à sa destruction totale en construisant la plus grande pyramide Ponzi de l’histoire. Qu’ils soient tous convenablement passés à l’opposition, maintenant qu’il ne reste plus rien à piller, ne leur permet certainement pas de se laver les mains ni le visage et ne leur donne en aucun cas le droit de s’arroger la médaille aux services rendus à ce pauvre bougre de peuple qu’ils n’ont fait que ruiner. On en a archi-marre de les entendre réclamer des réformes qu’ils n’ont jamais voulu entreprendre. Qu’ils ne trouvent rien d’autre à faire que de s’acharner contre Diab en ce moment si exceptionnel, alors que le pays en entier sombre dans le désespoir, n’est autre qu’une ultime démonstration de leur indécence. Aucun d’entre eux n’a jamais été capable de se tenir face au peuple, qui lui avait confié son destin, pour lui demander pardon de l’avoir trahit et mené tout-droit au désastre. La fonction de Premier Ministre de ce pays a certes été bien ridiculisée! Comme toutes les autres par ailleurs.
Fady Abou Hanna
11 h 27, le 17 juillet 2020