
Le chef de l’État s’entretenant avec le chef de l’Église maronite. Photo ANI
C’est du palais présidentiel de Baabda que le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, a plaidé hier pour la « neutralité » du Liban, comme il le fait depuis une quinzaine de jours. Reçu cinquante minutes durant par le chef de l’État, Michel Aoun, le patriarche a répondu adroitement et avec assurance aux questions des journalistes. C’est ainsi que, évitant de désigner seulement le Hezbollah nommément, il a précisé à l’intention de ceux qui l’interrogeaient sur l’identité de la partie qui « assiège la libre décision nationale (ou la légalité, NDLR) », l’un de ses chevaux de bataille, qu’il s’agit « de toutes les parties, et notamment de ceux qui boycottent la présidence ». Commentant la rencontre, les milieux de Baabda ont quand même marqué le coup, affirmant qu’entre les deux hommes, « il n’y a pas de désaccord, mais une divergence de points de vue ».
Le chef de l’Église maronite a commencé par défendre le projet présidentiel, approuvé en septembre dernier par l’Assemblée générale de l’ONU, de création au Liban d’une « académie de l’homme pour la rencontre et le dialogue ». Un tel projet ne peut prospérer que dans un environnement politique de neutralité, a-t-il fait valoir en substance. « À la base d’un tel projet, il faut un Liban neutre pour qu’il puisse être un lieu de dialogue », a-t-il dit. Et d’ajouter : « Le président est le premier à réclamer la neutralité dont je parle. »
Posant en exemple l’Autriche, la Suisse, la Finlande ou la Suède, le patriarche a parlé d’une « neutralité positive, utile, active » qui permettrait au Liban de défendre les causes arabes communes, sans s’engager politiquement ou militairement, ni s’engager dans des alliances, de sorte à être le premier défenseur de la justice, de la paix et de l’entente sur des questions arabes ou internationales, à l’exception de celles qui touchent à Israël.
Aucune discordance
« La neutralité, a-t-il encore expliqué, c’est un État fort et une armée forte ; sur cette question, il n’y a aucune discordance dans nos approches respectives. » Et d’ajouter : Nos problèmes sont multiples et, malheureusement, les ingérences externes sont nombreuses, sans parler de l’argent qui se dépense», en allusion à peine voilée aux fonds que le Hezbollah reçoit d’Iran. Et, fustigeant les parties qui « s’établissent souverains à leur propre compte », le patriarche a assuré aux journalistes présents que « Bkerké ne prend parti ni pour l’opposition ni pour les loyalistes. Bkerké est Bkerké. S’aligner sur une quelconque partie serait perdre notre liberté d’expression ».
Dans les milieux de Bkerké, on se félicite du fait que la patriarche n’ait reculé sur aucune des positions qu’il a prises au cours des deux dernières semaines. « Le patriarche n’a fait que dénoncer ceux qui mettent des bâtons dans les roues de la légalité. Il n’a pas mis en cause le Hezbollah, mais il n’a pas dit non plus que ce sont des enfants de chœur », affirme-t-on dans ces milieux, tout en faisant valoir que les prises de position du chef de l’Église maronite visent à aider le président Aoun et lui servir de point d’appui.
L’ONU et la neutralité
Interrogé sur sa volonté de demander à l’ONU de proclamer la neutralité du Liban, le patriarche a esquivé la question, tout en réaffirmant qu’il a effectivement demandé à l’ONU d’aider le pays. Dans sa première homélie, début juillet, le patriarche avait en effet demandé aux Nations unies de « proclamer la neutralité du Liban », et à la communauté internationale de « voler au secours » du Liban.
« Le patriarche n’a pas formulé de demande officielle en ce sens, il a lancé un appel dans le cadre d’une liberté d’expression que personne ne saurait lui refuser, surtout que sa parole est celle du dépositaire et du garant de l’idée du Liban de 1920 », a-t-on affirmé dans certains cercles proches du patriarche, en réponse à la question d’une journaliste qui affirmait que l’appel à l’ONU avait en quelque sorte mis le président dans une mauvaise posture.
Au demeurant, le patriarche Raï ne prend pas toujours ces précautions de langage pour parler du Hezbollah. C’est ainsi qu’interrogé par Giancarlo Lavella, le correspondant de Radio-Vatican, il a dénoncé les ingérences du parti chiite qui « marginalise l’État, déclare la paix et la guerre là où ça lui semble bon ».
En dépit de toutes les assurances, les divergences entre les points de vue du chef de l’État et du patriarche sur la conduite des affaires publiques ont éclaté dans les indiscrétions qui ont filtré de Baabda et dont notre correspondante Hoda Chedid s’est faite l’écho. « L’entente entre les composantes libanaises est la base de tout choix que le Liban peut faire, a rapporté Honda Chedid, citant le président. La concorde nationale est la garante essentielle de tout règlement de la crise libanaise. » Et les milieux de Baabda de souligner qu’entre les deux hommes, « il n’y a pas de désaccord, mais une divergence de points de vue ».
Appuis de Nadim Gemayel et Nouhad Machnouk
De retour au siège patriarcal, le patriarche devait recevoir hier des visites d’appui du député Nadim Gemayel et de l’ancien ministre Nouhad Machouk. Ce dernier a vu dans la campagne patriarcale en faveur de la neutralité « la seule voie pour ouvrir une brèche dans le siège total fait à la légalité ».
Et l’ancien ministre de lancer l’idée d’une table de dialogue pour débattre des points essentiels soulevés par le patriarche dans ses discours en ce moment : celui d’une légalité prise en otage et celui de la neutralité du Liban, ce qui soulève ipso facto la question des armes du Hezbollah et de la nécessité d’une stratégie de défense nationale qui place ces armes sous commandement libanais.
C’est du palais présidentiel de Baabda que le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, a plaidé hier pour la « neutralité » du Liban, comme il le fait depuis une quinzaine de jours. Reçu cinquante minutes durant par le chef de l’État, Michel Aoun, le patriarche a répondu adroitement et avec assurance aux questions des journalistes. C’est ainsi que, évitant de...
commentaires (16)
Nous sommes un pays géré uniquement par des "responsables" visiteurs et visités...déclareurs...accusateurs...donneurs de leçons...mais aussi et surtout...menteurs !!! Irène Saïd
Irene Said
11 h 53, le 16 juillet 2020