
« Nous voulons un gouvernement sans représentants de partis, dont notamment le Hezbollah », a affirmé Pierre Issa. Photo ANI
Le secrétaire général du Bloc national, Pierre Issa, a proposé la formation d’un nouveau « gouvernement de transition, indépendant et souverain », composé de 14 ministres et capable, selon lui, d’entamer le processus qui doit à terme déboucher sur un début de redressement du pays. Plus important encore, ce cabinet doit pouvoir rétablir la confiance perdue des Libanais, des investisseurs et de la communauté internationale à cause « des pratiques dues à un système qui a prouvé son échec ».
Lors d’une conférence de presse qu’il a tenue mardi dans la matinée au siège du Bloc national à Gemmayzé, M. Issa a tiré à boulets rouges sur le gouvernement de Hassane Diab, appelant à son départ, non sans avoir auparavant dressé un état des lieux de la situation pitoyable des Libanais aujourd’hui. « En quarante ans de travail dans le domaine social, je n’ai jamais vu autant de misère. (…) Des handicapés pris en charge par des ONG qui font la queue pour avoir des couches, (…) des gens qui fouillent dans les poubelles pour essayer de trouver de quoi se nourrir et nourrir leurs familles. Les ONG n’arrivent plus à soutenir les personnes les plus vulnérables. Des gens mettent des annonces pour vendre un rein ou leurs bijoux. Plus grave encore, est l’émergence d’une classe de nouveaux pauvres qui ne savent pas gérer la pauvreté. Aujourd’hui, ceux qui sollicitent l’aide des ONG sont ceux qui aidaient celles-ci il y a quelques mois encore », a-t-il dit.
Les deux principales idées développées par Pierre Issa dans sa conférence de presse s’articulent autour de l’échec du système « en place depuis Taëf et fondé sur le clientélisme et le consensus » et de la nécessité de l’émergence de nouvelles politiques capables de rétablir la confiance perdue, selon lui, à cause de ce système et des pratiques qui ont conduit à l’effondrement actuel. « Cette confiance ne peut être restaurée qu’à travers un gouvernement indépendant souverain et transitoire bénéficiant de compétences élargies pour une durée déterminée », a-t-il souligné en rappelant qu'il s'agissait de l'une des principales revendications répétées inlassablement par des centaines de milliers de protestataires depuis le soulèvement du 17 octobre 2019.
« Le programme du nouveau gouvernement doit être limité aux dossiers urgents. La nouvelle équipe doit opérer en toute transparence pour gagner de nouveau la confiance du peuple, des investisseurs et de la communauté internationale. Il faut qu’avec elle, l’accès à l’information prenne tout son sens », a poursuivi Pierre Issa, en précisant que la priorité de la nouvelle équipe ministérielle doit être d’« établir un filet de sécurité sociale, de redynamiser l’économie, en dissociant ce dossier de celui des blocages financiers, et de consacrer l’autonomie de la justice ».
« Il vaut mieux que ce changement indispensable s’opère doucement plutôt que dans la rue », a averti le secrétaire général du Bloc national, avant de proposer la mise en place d’un gouvernement de transition, présidé par Amer Bsat et composé de 14 ministres : Alia Moubayed, Najat Aoun Saliba, Ghassan Oueidate, Sélim Eddé, Marwan Charbel, Toufic Dalal, Christine Babikian, Hiba Osman, Lamia Bsat, Sami Atallah, Nizar Saghieh et Nadine Haroun, Fatmé Kassem.
« Aucun nom proposé ne fait partie du bloc ou de ses alliés. Les seuls critères retenus pour le choix de ces noms sont l’autonomie, l’indépendance et la compétence. Nous connaissons quelques-uns parmi eux seulement. Nous ne les avons pas consultés au préalable et je leur demande pour cela de nous excuser. C’est leur curriculum vitae qui parle pour eux. Leurs noms se sont imposés d’eux-mêmes », a-t-il dit, après avoir vivement critiqué le gouvernement actuel, notamment pour son manque d’indépendance et son incapacité à régler une crise qui ne fait que s'exacerber.
« Non à l’humiliation »
« Le gouvernement et la classe politique passent des heures à nous demander de nous habituer à l’austérité. Nous sommes prêts à nous accommoder de cette austérité mais pas avec l’humiliation qu’ils nous imposent (…..). Cette classe politique s’est moquée de nous avec la mise en place du gouvernement actuel qui a montré ses limites et qui se vante d’avoir réalisé 97% de ses réalisations. Qu’en serait-il aujourd’hui s’ils ne les avaient pas réalisées ? », a ironisé M. Issa qui s’en est vivement pris aussi aux parrains du cabinet et aux hommes politiques qui « mettent des lignes rouges partout pour préserver leurs acquis, alors que les seules lignes rouges devraient être mises par la population ».
« Nous voulons un gouvernement sans représentants de partis, dont notamment le Hezbollah », a martelé le secrétaire général du BN qui s’est déchaîné contre une politique qui consiste à accuser de trahison tous ceux qui proposent des solutions qui ne vont pas dans le sens des intérêts des différents partis politiques. « Que personne ne nous accuse de trahison. Les Américains veulent un gouvernement qui soit leur allié sans le Hezbollah. Nous voulons un gouvernement sans aucun représentant de partis. (…) Qu’on ne nous dise pas qu’un gouvernement de partisans est nécessaire pour lutter contre le Deal du siècle. La vraie résistance se fait à travers un gouvernement indépendant », a-t-il observé, en insistant sur le fait que le gouvernement actuel « n’est pas capable de réaliser des réformes car il reste l’otage de ses parrains politiques et des allégeances régionales et internationales ».
« Les partis sont tous prisonniers de ce monstre qu’ils ont eux-mêmes créé et dont ils sont partie prenante depuis Taëf », a-t-il encore soutenu, en référence au « clientélisme et aux politiques consensuelles » favorisés selon lui par Taëf et par tous les accords qui l’ont suivi. Il a promis d’exposer plus tard, la vision du Bloc national concernant un nouveau système libanais.
Pierre Issa a sonné le glas de ce système qui a conduit selon lui à une « vetocratie » en allusion aux nombreux blocages qui ont eu pour effet d’accentuer la crise économique et financière. Parlant de la classe politique, il a affirmé : « S’ils sont un minimum de dignité et d’humanité, ils doivent par conviction savoir que leur système ne peut pas régler les problèmes qui se manifestent et renoncer à ce gouvernement".
Il en appelé plus particulièrement au président Michel Aoun, lui demandant de s’imposer aujourd’hui comme « un champion des délais raccourcis » pour en finir avec le gouvernement Diab, non sans avoir auparavant rappelé que le chef de l’Etat ne tenait pas compte des délais constitutionnels, en allusion à tous les retards pris « tantôt pour nommer son gendre (le chef du CPL, Gebrane Bassil) au sein du gouvernement ou pour faciliter l’organisation de la présidentielle ». Il lui a demandé de nommer rapidement un nouveau gouvernement, en insistant sur le fait que les propos selon lesquels « il n’existe pas actuellement de substitut au gouvernement de Hassane Diab représentent « une insulte aux Libanais ».
Ce président reste le président, pour le moment. Enfin nous voyons une proposition qui tient la route! Et n'oublions pas que le but ultime reste tous dehors, tous!
10 h 25, le 08 juillet 2020