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Nos Lecteurs ont la Parole

Plongée dans le passé

Paris. Samedi, 7h du matin. Le réveil sonne. J’ai rendez-vous tôt ce matin à la banque. Rendez-vous annuel de routine, à la demande de ma conseillère clientèle. Coup d’œil rapide sur le smartphone. Série d’alertes infos de la MTV, de la LBC et de L’OLJ. Déjà ? Ah non, pas aujourd’hui. Le Liban, ça suffit. C’est le week-end. J’ai le droit de respirer un peu. De me comporter normalement. Conséquemment. Ne serait-ce que pour une journée. Comme quelqu’un qui est conscient du fait qu’il ne vit plus au Liban, depuis belle lurette. Je désactive les alertes infos sur mon mobile. Espresso. Cérémonial d’hygiène matinale au pays de Louis XIV. Je sors.

J’arrive devant la porte d’entrée de la banque. Ah ! ils ont changé le dispositif. Dorénavant, pour pouvoir accéder à l’accueil, il faut passer par un portique de sécurité avec détecteur de métaux, à l’instar de ceux qui existent dans les aéroports. Je vide mes poches. J’enlève montre et ceinture. Je passe. Je bipe. Le vigile me demande gentiment si j’ai bien vidé mes poches. Affirmatif. Je repasse. Je rebipe. Trois fois de suite. Fouille au corps, le vigile ne trouve rien. Je repasse. Je bipe. Étonné, confus, le vigile me regarde avec l’air de celui qui veut être excusé tout en cherchant à comprendre. « Shrapnels », je lui lançai. Ne comprenant pas ce que je venais de dire, le vigile me regardait maintenant avec un air encore plus ébahi. Sur le coup, je ne me souvins pas du terme en français, mais du terme tel qu’il a été écrit sur le rapport de radiographie, il y a quelque 20 ans. Il m’a fallu quelques secondes pour me souvenir du terme en français. Éclats de balle. Au dos. Au Liban. Il y a longtemps. Il hocha la tête, les yeux tout ronds. Désolé. Bonne journée, monsieur. La conseillère vous attend au premier étage.

Portique passé. Plongée dans le passé. Au temps où la balle mère a été extraite. Mais pas ses petits qui ont su rester discrets aux yeux du médecin. Portique – passé. Avec un sourire moqueur au bout des lèvres, bien caché par le masque. Moqueur de moi-même. Tu veux oublier le Liban, pour une journée, n’est-ce pas ? Tu veux suivre les conseils de ceux qui y sont restés ? Oui, bien sûr. Oui, c’est ça. Tu veux oublier ce qui est gravé dans la chair de ta chair ?

Je monte les escaliers. J’ajuste le masque sur mon visage. Je sors mon mobile de ma sacoche. Je réactive les alertes de L’OLJ, de la LBC et de la MTV.

Bonjour madame.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Paris. Samedi, 7h du matin. Le réveil sonne. J’ai rendez-vous tôt ce matin à la banque. Rendez-vous annuel de routine, à la demande de ma conseillère clientèle. Coup d’œil rapide sur le smartphone. Série d’alertes infos de la MTV, de la LBC et de L’OLJ. Déjà ? Ah non, pas aujourd’hui. Le Liban, ça suffit. C’est le week-end. J’ai le droit de respirer un peu. De me...

commentaires (1)

On a tous nos blessures dans la chair ou dans l’esprit, Merci de partager. Amitiés.

Alexandre Choueiri

00 h 12, le 06 juillet 2020

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Commentaires (1)

  • On a tous nos blessures dans la chair ou dans l’esprit, Merci de partager. Amitiés.

    Alexandre Choueiri

    00 h 12, le 06 juillet 2020

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