À une semaine de la date fixée, la présidence de la République a défini hier les objectifs de la réunion de dialogue convoquée jeudi prochain 25 juin par le chef de l’État à Baabda. Il ne s’agit pas d’un ordre du jour à proprement dit, mais d’« objectifs » donc. Les assises nationales sont destinées à « examiner et débattre de la situation politique générale, pour sauvegarder la stabilité et la paix civile, dans le but de prévenir tout débordement aux conséquences graves et destructrices pour la patrie, spécialement à l’ombre d’une situation économique, financière et sociale sans précédent au Liban ».
Des invitations écrites à ces assises signées de la main du chef de l’État sont parvenues au président de l’Assemblée et du Conseil, aux anciens chefs d’État, aux anciens chefs de gouvernement, au vice-président de l’Assemblée nationale et enfin aux chefs de partis et de groupes parlementaires.
Les « débordements » dont il s’agit étant d’une part de nature confessionnelle, et d’autre part de nature sociale, avec l’apparition de casseurs à Beyrouth et Tripoli, où les émeutiers ont pu agir sans être inquiétés. Ce sujet a d’ailleurs été au cœur des débats du Conseil des ministres qui s’est tenu hier au Grand Sérail.
Toutefois, en dépit de la gravité des derniers événements, des forces d’opposition, à commencer par les anciens chefs de gouvernement, et même certaines parties représentées au gouvernement, doutent ouvertement de l’utilité de l’invitation adressée par Michel Aoun. Ainsi, le chef des Marada Sleimane Frangié, qui s’est entretenu hier avec le président du Parlement Nabih Berry et l’ancien président du Conseil Saad Hariri, n’a pas décidé immédiatement d’y répondre. « M. Berry nous a transmis l’invitation à la rencontre de Baabda. Nous allons étudier la question. L’intérêt du pays impose une certaine solidarité nationale », a déclaré le leader zghortiote au sortir de son entretien avec le président de la Chambre, sans pour autant s’engager favorablement à se rendre à Baabda.
Le chef des Marada s’est ensuite rendu à la Maison du Centre pour déjeuner avec l’ancien Premier ministre Saad Hariri. « Je n’ai pas encore pris ma décision sur ma participation au dialogue. Il y a encore du temps », a réaffirmé M. Frangié à l’issue de ses entretiens avec le leader du courant du Futur, qui avait un temps soutenu le chef chrétien du Liban-Nord au moment de la présidentielle de 2016. « Un accord doit être conclu sur le fond et pas seulement sur la forme », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, enfonçant un clou, le leader maronite a estimé que « nonobstant le respect » qu’il a pour le Premier ministre Hassane Diab, « les véritables représentants des sunnites ne sont pas au pouvoir en ce moment », autrement dit, le mandat ne bénéficie pas en ce moment de couverture sunnite. Des propos qui interviennent alors que les relations de Saad Hariri avec le tandem Baabda-CPL ont tourné à l’aigre après l’enterrement définitif, le 14 février dernier, du compromis présidentiel qui avait porté le président Aoun au pouvoir.
Conformité au pacte national
Les propos de M. Frangié ont déchaîné la colère de la « Rencontre consultative », groupe parlementaire des députés sunnites indépendants du courant du Futur. Ce groupe a dénoncé « l’insertion forcée » de la notion de conformité au pacte au sujet de la rencontre de Baabda.
Indignée en particulier par une question adressée au chef des Marada dans laquelle un journaliste lui demandait s’il se rendra à Baabda si les anciens chefs de gouvernement boycottent l’invitation, la Rencontre consultative a répondu par un communiqué cinglant : « Cette réunion nationale qui se tient en dehors des institutions constitutionnelles est de nature politique ; il ne faut pas soulever la notion de conformité au pacte au sujet d’une réunion dont les organisateurs ont pour seul but d’assurer la plus large présence politique et la plus large unité nationale. »
« Douter de la conformité au pacte de toute réunion auquel assiste le Premier ministre en exercice est une atteinte grave et sans précédent au chef du gouvernement et à la présidence du Conseil (…). L’entorse à cette règle sur laquelle s’est édifié le Liban constitue une hérésie sans précédent et une reconnaissance implicite du fédéralisme des communautés », a poursuivi le communiqué. « C’est, au cas où cette règle est généralisée, un jeu dangereux et la voie ouverte au fédéralisme et au confédéralisme, ainsi qu’un torpillage de tous les textes constitutionnels », a renchéri la source citée.
De leur côté, à une semaine du rendez-vous de Baabda, les anciens chefs de gouvernement continuent de prendre leur temps. Leur présence pourrait dépendre de l’insistance du président de la Chambre à vouloir continuer à jouer « le rôle d’ange gardien » du régime, pour reprendre l’image d’un analyste, et de conforter son image de facilitateur de dialogue, dont il vient notamment de donner la preuve en réunissant Walid Joumblatt et Talal Arslane.
Dialogue n’est pas réconciliation
Toutefois, des sources proches du soulèvement du 17 octobre relèvent que la caste politique confond trop vite et trop facilement « dialogue » et « réconciliation », soulignant que ce n’est pas du tout la même chose. En outre, ces sources constatent que les invités au dialogue ne sont autres que les forces représentées au Parlement et ne s’attendent pas à ce que cette réunion débouche sur autre chose que des déclarations d’intentions.
Et la source d’opposer à l’invitation au dialogue de Baabda, la poursuite des méthodes brutales d’arrestation d’activistes, comme la ville de Jounieh en a donné hier le spectacle, ainsi que la démission d’Henri J. Chaoul, l’un des experts représentant le ministère des Finances aux négociations avec le FMI. Issu de la société civile (Kulluna Irada), M. Chaoul a confirmé hier sur son compte Twitter avoir décidé de claquer la porte après avoir constaté « un manque de volonté de mettre en œuvre les réformes ».
« Décidément la réconciliation des Libanais entre eux et avec leur avenir ne se fera pas avec cette génération, conclut la source citée. Ce n’est pas comme cela que Baabda apaisera le pays. »
commentaires (8)
laissons les faire mes amis. ca nous fera une scene tragi-comique de plus. une scene dis-je ? plutot tout une piece de theatre meme si ns avons marre des acteurs
Gaby SIOUFI
15 h 39, le 20 juin 2020