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Nos Lecteurs ont la Parole

Manifeste pour l’enfance

L’enfance ... Vous vous souvenez ? Ce terreau de tous les possibles, ces journées qui s’étirent pleines de jeux et de rires, peuplées de rêves ?

La nôtre, pourtant déjà placée sous le signe des slogans, des barrages et des mitraillettes, refusait la peur avec désinvolture, la couvrant de rythmes de guitare et de gaietés volées, histoire de ne pas l’assimiler au quotidien malgré les stigmates criants d’une longue guerre incivile.

L’école, notre référence sociale, était elle aussi à l’époque mise souvent entre parenthèses, mais à la faveur d’une accalmie, nous avions le droit d’aller retrouver les amis et de les serrer dans nos bras. Nous prenions alors la vie à bras-le-corps, rattrapant doublement le temps. Nous plongions dans les livres avec une passion équivalant à celle que nous avions pour nos professeurs. Et eux, en ce temps-là, malgré les incertitudes d’un avenir déjà gris, s’enthousiasmaient pour organiser une journée en plein air, pique-nique d’émotion et de culture qui finissait de graver dans nos mémoires du bonheur et de l’espoir.

Nos parents, certes préoccupés, racontaient sans masque leurs soucis, mais essayaient de nous montrer la beauté d’un pays, histoire de nous donner l’envie d’y rester et d’y revenir ensuite un jour.

L’enfance aujourd’hui, si elle a été épargnée jusqu’ici par la crise sanitaire d’un point de vue strictement médical, n’en demeure pas moins sa victime collatérale.

Prise en otage dans un monde qui avance désormais masqué, elle se fait l’écho d’un ennemi invisible qui bouscule son quotidien, efface ses données et pollue jusqu’à son sommeil et ses rêves.

Dangereusement silencieuse, la menace remplace ses fêtes et ses joies par des mots remplis d’interdits et de peurs, de contamination et de distanciation.

Au Liban, l’enfance est encore plus malmenée, faisant face à une double crise. L’économie, en berne, du pays lui enlève moyens et possibilités. Les parents libanais ne sachant plus à quel saint se vouer sont en train de perdre pied et crient leur dégoût et leur colère (justifiés) à longueur de journée. Les enfants leur font écho avec pour les plus petits une litanie de troubles non identifiés : anorexie, insomnie, maux de tête et maux de ventre, les crises d’angoisse se multiplient pour exprimer un mal-être croissant où le psychosomatique est en première ligne.

Les plus âgés se jettent à corps perdu dans la rue. À la place d’un bac désabusé, ils pensent pouvoir enfin refaire le monde poing levé et masque décoré. N’ayant pas vécu les leçons d’hier, ils veulent croire résolument en de meilleurs lendemains.

Vaste entreprise et véritable épopée que la tâche d’élever un enfant aujourd’hui : nourrir, écouter, apaiser, certes, mais le plus important est de transmettre un ensemble de recettes pour apprivoiser la vie. Voilà notre tâche première, nous adultes, parents enseignants et soignants.

Malgré notre désarroi, sans donner pour autant l’image d’un monde édulcoré, nous devons expliquer que les crises font partie de la vie. Que si dans chacune les secousses sont inévitables, il faut essayer d’y trouver la lumière en se bâtissant, mais surtout en faisant de la place à l’autre .

Faisons-leur cadeau d’un passeport qui s’appelle tolérance et aidons-les à comprendre que la différence est source de richesse. Trop jeunes pour sanctionner, ils sont suffisamment grands pour comprendre.

Rappelons-nous d’abord que le monde d’après, c’est surtout eux, ces enfants d’aujourd’hui, et que, malgré le prix colossal que nous avons à fournir, nous n’avons pas le droit de les décourager de vivre.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

L’enfance ... Vous vous souvenez ? Ce terreau de tous les possibles, ces journées qui s’étirent pleines de jeux et de rires, peuplées de rêves ? La nôtre, pourtant déjà placée sous le signe des slogans, des barrages et des mitraillettes, refusait la peur avec désinvolture, la couvrant de rythmes de guitare et de gaietés volées, histoire de ne pas l’assimiler au quotidien malgré...

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