
Le pouvoir en place continue de faire sciemment la sourde oreille au mouvement de contestation, et se montre de plus en plus attaché à la futile logique de partage du gâteau. Après d’injustifiables atermoiements, il semble que les protagonistes aux commandes auraient finalement abouti à une entente élargie autour d’un train de nominations qui devrait en principe être approuvé en Conseil des ministres, lors de la séance gouvernementale prévue aujourd’hui à Baabda sous la présidence du chef de l’État, Michel Aoun. Ce train de nominations constitue d’ailleurs le point d’orgue de l’ordre du jour de la séance ministérielle. C’est donc un gouvernement qui se veut « un cabinet de spécialistes indépendant de la classe politique » qui va pourvoir à plusieurs postes vacants au sein de l’administration publique et de certains départements de contrôle.
Mais c’est surtout le poste de directeur général du ministère de l’Économie qui a suscité la surprise, voire l’indignation, dans certains milieux politiques. Et pour cause : pour pouvoir nommer Mohammad Bou Haïdar (chiite, proche du mouvement Amal) à ce poste, il a été décidé de tenir la séance ministérielle mercredi au lieu de jeudi, le candidat devant avoir 39 ans demain. Sauf que le code de la fonction publique actuellement en vigueur stipule que toute personne qui devrait occuper un poste au sein de l’administration devrait pouvoir y rester pour 25 ans, avant d’atteindre l’âge de la retraite fixé à 64 ans.
Outre M. Haïdar et le futur mohafez de Beyrouth, Marwan Abboud (grec-orthodoxe), des sources informées croient savoir que le Conseil des ministres, qui avait reporté les nominations sine die lors de sa séance du 29 mai dernier, devrait désigner Randa Yakzan (sunnite, appuyée par le Premier ministre) à la tête du Conseil de la fonction publique. Quant à Ghassan Noureddine, il devrait accéder la direction générale des Investissements au sein du ministère de l’Énergie.
Les nominations financières
L’entente engloberait également les quatre nouveaux vice-gouverneurs de la Banque du Liban, plus d’un an après l’expiration de leur mandat, à la suite d’atermoiements liés à l’insistance du chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil à nommer le vice-gouverneur arménien. Un différend qui l’avait opposé au parti Tachnag. Quoi qu’il en soit, les composantes gouvernementales se seraient entendues pour pourvoir à ces postes vacants, dans une volonté de donner un signe positif à la communauté internationale, à l’heure où le pays est engagé dans des négociations économiques avec le Fonds monétaire international.
Selon notre informateur Mounir Rabih, les vice-gouverneurs sélectionnés sont les suivants : Wassim Mansouri (chiite, proche du mouvement Amal), Salim Chahine (sunnite, appuyé par Hassane Diab), Bachir Yakzan (druze gravitant entre le Parti socialiste progressiste et le Parti démocratique libanais), et Alexandre Moradian (arménien-catholique, soutenu par le CPL). Ce tableau, le Conseil des ministres pourrait le compléter en nommant Chadi Hanna (grec-orthodoxe, soutenu par le courant aouniste) au sein de la commission spéciale d’investigation au sein de la BDL. Le CPL appuie aussi Christelle Wakim (grecque-orthodoxe) pour le poste de commissaire du gouvernement près la Banque centrale.
Toujours dans le cadre des nominations financières, notre informateur indique que le cabinet entend nommer aussi les membres de la commission de contrôle des marchés financiers. Les candidats donnés favoris seraient les suivants : Wajeb Kanso (chiite), Fouad Choucair (druze) et Walid Kadri (grec-catholique), appuyé par le chef de l’État.
Pour ce qui est de la commission de contrôle des banques, cinq membres y seront nommés. Selon les informations, les noms de Kamel Wazni (chiite, Amal), Maya Dabbagh (sunnite, proposée par Hassane Diab), Marwan Mikhaël (maronite, qui serait soutenu par des proches de Baabda), Joseph Haddad (grec-catholique) et Adel Dreik (grec-orthodoxe appuyé par les Marada) circulent dans les milieux gouvernementaux.
Sauf que cela ne semble aucunement satisfaire le leader des Marada Sleiman Frangié. En avril, ce dernier plaidait ouvertement pour « un tiers des postes chrétiens » en sa qualité de représentant des chrétiens au même titre que le CPL et le reste des formations chrétiennes. Comme il l’avait fait le 2 avril dernier, Sleiman Frangié a décidé de boycotter la séance ministérielle d’aujourd’hui. « Puisque ces nominations sont une illustration flagrante du partage du gâteau entre les communautés, conformément à des intérêts personnels et confessionnels, nous ne participerons pas à la séance de demain (aujourd’hui), sachant qu’il nous a été proposé de prendre une part. Mais nous avons refusé, à la faveur de notre opposition à toute nomination qui ne répondrait pas à un mécanisme clair », a écrit le leader maronite sur son compte Twitter.
Interrogé par L’Orient-Le Jour, le ministre des Travaux publics Michel Najjar (Marada) assure quant à lui que son parti ne voudrait aucunement prendre part à ces nominations, soulignant que le boycottage est une position de principe. Et de laisser entendre que l’écrasante majorité des personnes qui seront nommées gravitent dans l’orbite du CPL.
Kesrouan-Jbeil
Sur un autre registre, le gouvernement nommera probablement le tout premier mohafez du Kesrouan-Jbeil, à la faveur d’un forcing exercé par les députés de la régions. Des sources de la ville de Jbeil contactées par L’OLJ confient qu’il est actuellement question de nommer une juge grecque-orthodoxe de la famille Diab à ce poste. Elle serait proche des milieux aounistes, confie-t-on dans les mêmes milieux. Une démarche qui ne semble aucunement satisfaire Ziad Hawat, député Forces libanaises de Jbeil, qui insiste sur l’importance d’opter pour des nominations qui obéissent à la loi approuvée par le Parlement lors de sa dernière séance tenue le 28 mai dernier.
De son côté Roula Tabch (courant du Futur, Beyrouth) s’en est violemment pris au Premier ministre, estimant que la nomination d’un nouveau mohafez (chrétien) porterait atteinte à l’équilibre confessionnel respecté dans le cadre de la répartition des mohafez, et qui selon elle sera rompu aux dépens de la communauté sunnite.
Le pouvoir en place continue de faire sciemment la sourde oreille au mouvement de contestation, et se montre de plus en plus attaché à la futile logique de partage du gâteau. Après d’injustifiables atermoiements, il semble que les protagonistes aux commandes auraient finalement abouti à une entente élargie autour d’un train de nominations qui devrait en principe être approuvé en...
commentaires (15)
C'est la Constitution qu'il faut changer et passer à l'abolition du confessionalisme politique . Sinon on continuera à tourrner en rond car si l'un insiste à designer des noms qui lui sont allies , les autres feront obligatoirement la même chose etc.. Et ceux dont les voix s'élèvent , c'est justement pour avoir une part ou une plus grande part et non pour changer . Et ainsi le cercle vicieux continue .
Lecteurs OLJ 2 / BLF
14 h 38, le 10 juin 2020