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Nos Lecteurs ont la Parole

Le socle de la République

En mai 1916, tandis que les puissances de ce monde s’entredéchirent, la France et la Grande-Bretagne concluent discrètement l’accord de Sykes-Picot anticipant – avec la défaite allemande – la chute de l’Empire ottoman, et se répartissant la gestion des pays qui en seraient libérés. S’agissant du Liban, « fils adoptif » de la France depuis saint Louis (13e siècle), ladite charge incomba tout naturellement à cette dernière.La fin de la Première Guerre mondiale (1918) déblaye donc le terrain pour concrétiser Sykes-Picot lors de la conférence de San Remo (avril 1920). La Société des Nations, ancêtre de l’ONU, donnait alors à la France un tel mandat sur le Liban jusqu’à émancipation. Ainsi, l’entre-deux-guerres est une période où la France pose les pierres de la structure républicaine du Liban, l’aidant à avoir une nouvelle Constitution (Michel Chiha en sera le principal rédacteur), un président, un Parlement, un gouvernement, une armée (la police existait déjà du temps des Ottomans), etc.

En 1939, le second conflit mondial éclate. L’Allemagne remporte les premières batailles et la résistance s’organise déjà ; toutefois, au début de la guerre, l’offensive nazie ne laissait présager que peu d’expectative pour un renversement rapide de la vapeur.

Patatras cependant en décembre 1941 : l’attaque foudroyante de la flotte US par l’aviation japonaise à Pearl Harbour marque un tournant décisif puisqu’elle « bouscule » le géant américain sur scène aux côtés des Alliés. La manœuvre nippone était, pour le moins qu’on puisse dire, assez maladroite ; on aurait dit que le Japon « invitait » les USA à entrer activement en guerre contre les puissances de l’Axe. En comptant de surcroît l’élargissement progressif des fronts éparpillant les forces allemandes – embourbées un peu partout en Europe, en Russie et en Afrique – la carte militaire pouvait commencer à augurer un dénouement défavorable à l’hégémonie hitlérienne; une hégémonie appréhendée par le Liban lui-même.

Ce petit aperçu chronologique de l’histoire va nous permettre de revivre un instant l’ambiance libanaise de 1943 ; puisque le pays du Cèdre, de cœur avec les Alliés, gagnait lui aussi le droit de miser sur leur victoire et, le cas échéant, de préparer l’avenir post-Sykes-Picot.

C’est exactement ce qui arriva un soir de septembre 1943 à Aley entre les deux hommes d’État que furent Béchara el-Khoury et Riad el-Solh, qui étaient alors aux commandes. Paix à leur mémoire. Les Libanais, chrétiens et musulmans, renonçaient à se tourner vers l’Occident ou l’Orient, faisant le choix d’assumer seuls la responsabilité de leur vie en commun. C’était là le fondement du pacte national qui devait être détaillé avec la répartition des responsabilités – afin d’éviter toute exclusion – et être adopté par l’ensemble des personnalités représentatives du tissu social libanais (pour n’en citer que quelques-unes : Sabri Hamadé, Majid Arslane, Abdel Hamid Karamé, Camille Chamoun, Salim Takla, Adel Osseiran, Habib Abi Chahla, etc.). Ledit pacte allait donc conduire le Liban vers l’indépendance deux mois plus tard (22 novembre 1943) et vers son intégration ultérieure au cercle des pays fondateurs de l’ONU (24 octobre 1945). D’où le lien immuable entre le pacte national et l’indépendance du Liban, si bien mis en exergue par le président Michel Sleiman dans son discours du 21 novembre 2011, qui ne manquera pas au passage de citer à l’appui l’attachement du président Fouad Chéhab à ce pacte dont il rappelait le rôle primordial, lors de son investiture le 23 septembre 1958 et dans son message à la nation le 20 juillet 1960 annonçant sa démission sur laquelle il reviendra. Comment ne pas saluer aussi à ce titre les propos si profonds de l’ex-ministre Leila Solh-Hamadé – digne fille de Riad el-Solh et digne belle-fille de Sabri Hamadé – déplorant « l’émigration des chrétiens du Liban, qui est sans doute le pire qui puisse toucher un pays vivant depuis 1943 sur l’équilibre entre chrétiens et musulmans… » (L’OLJ, 18 mai 2015, p. 7 et MTV, nouvelles de 20h, 17 mai 2015).

Christian JEANBART

Master en affaires internationales

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En mai 1916, tandis que les puissances de ce monde s’entredéchirent, la France et la Grande-Bretagne concluent discrètement l’accord de Sykes-Picot anticipant – avec la défaite allemande – la chute de l’Empire ottoman, et se répartissant la gestion des pays qui en seraient libérés. S’agissant du Liban, « fils adoptif » de la France depuis saint Louis (13e...

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