Le président Michel Aoun a décidé de ne pas signer le décret des nominations et permutations judiciaires, qui suit un parcours cahoteux depuis près de trois mois, en motivant sa décision par des arguments notamment d'ordre constitutionnel. L'information avait filtré la veille.
Le chef de l'Etat a formulé ses remarques dans une lettre signée par le directeur général de la présidence de la République, Antoine Choucair, datée de mardi, et transmise au Premier ministre Hassane Diab qui avait signé vendredi le décret.
En début de semaine dernière, la ministre de la Justice, Marie-Claude Najm, avait affirmé avoir demandé à la présidence du Conseil de lui restituer la version qu’elle lui avait envoyée vers la mi-avril pour la remplacer par une nouvelle mouture en harmonie avec un additif communiqué le 18 mai dernier par le CSM, comportant la réduction du nombre de juges militaires de 18 à 12, ainsi que des modifications dues au récent départ à la retraite de magistrats.
Rappelant que l'article 20 de la Constitution stipule que "la loi fixe les limites et les conditions de l’inamovibilité des magistrats", la présidence estime que si "l'indépendance du pouvoir judiciaire est consacrée, cela ne veut pas dire qu'elle est indépendante des pouvoirs législatifs et exécutifs car cela entrerait en contradiction avec la séparation des pouvoirs, mais aussi leur équilibre et leur coopération comme le stipule l'alinéa J du préambule de la Constitution" qui dit qu'"aucune légitimité n’est reconnue à un quelconque pouvoir qui contredise le pacte de vie commune".
Mettant en garde contre une "république des juges comme en Italie dans les années 1990", la présidence estime dans cette missive qu'"il est du devoir constitutionnel du chef de l'Etat d'intervenir dans les permutations judiciaires s'il estime qu'elles présentent un déséquilibre portant atteinte à l'unité et à l'indépendance du pouvoir judiciaire, menacées par toute injustice dans des permutations qui ne respecteraient pas les critères constitutionnels (...) et ceux du CSM concernant la productivité, l'ancienneté et l'intégrité", assurant que la ministre de la Justice a garanti qu'il n'y aurait aucune "ingérence politique".
Sur un plan plus concret, la présidence conteste l'affectation de magistrats titulaires membres de comités techniques relevant du ministère de la Justice à des cours d'appel, et la proposition de nommer des juges civils au sein du Tribunal militaire. "Plusieurs des critères édictés par le CSM lui-même ne sont pas respectés pour plusieurs postes", dénonce la présidence, notant des déséquilibres entre les juges et les procureurs.
"Il n'y aura pas d'indépendance du pouvoir judiciaire si la justice ne se libère pas des restrictions judiciaires en appliquant strictement l'article 95 de la Constitution sur les règles confessionnelles, notamment dans la magistrature". "La révision des permutations judiciaires revient au CSM", conclut cette lettre d'explication.
Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a déploré le renvoi de ces nominations. "Même si ces nominations sont imparfaites, les renvoyer, c'est faire dix pas en arrière", a-t-il écrit sur Twitter.
Chef de l'Etat...???...plutôt chef de Salon du palais de Baabda, accroché à son fauteuil obtenu en offrant sa patrie à des non-libanais ! Tout ce qui existe à l'extérieur des limites du site présidentiel...il n'en a aucune idée, car cela ne l'intéresse pas du tout ! Irène Saïd
08 h 55, le 10 juin 2020