Critiques littéraires Feuilleton

Littérature à vendre : l'autre Yukio Mishima

Vie à vendre de Yukio Mishima, traduit du japonais par Dominique Palmé, Gallimard, 2020, 272 p.

Tout un pan de l’œuvre prolifique de Yukio Mishima (1925-1970) reste encore inconnu en dehors du Japon. En effet, parallèlement à ses « grands romans » (Confessions d’un masque, Le Pavillon d’or, La Mer de la fertilité…), traduits en de nombreuses langues et qui lui ont valu une reconnaissance internationale, Mishima n’a jamais cessé, tout au long de sa carrière, d’écrire des œuvres légères et plutôt commerciales, publiées en feuilleton avant de faire l’objet d’un livre.

L’un des romans appartenant à cette seconde catégorie vient d’être traduit en français. Vie à vendre, écrit en 1968, est une parodie de roman policier initialement parue dans le Playboy japonais. Dès la première page, nous apprenons que Hanio Yamada, un rédacteur publicitaire, a raté son suicide. Menant une existence terne et ennuyeuse, et découvrant subitement que la vie n’a aucun sens, il avale une quantité massive de somnifères, monte dans le métro, s’allonge sur une banquette, puis se retrouve à l’hôpital.

« Après avoir raté son suicide, Hanio vit s’ouvrir devant lui un monde absolument vide, d’une liberté merveilleuse. » Il quitte alors son travail, et comme si sa vie ne lui appartenait désormais plus, il décide de la vendre, insérant dans un quotidien l’annonce suivante : « Je propose une vie à vendre. À utiliser à votre guise. Homme, 27 ans. Confidentialité garantie. Aucune complication à craindre. » Or les complications ne feront que s’accumuler.

Les acheteurs se présentent l’un après l’autre, entraînant Hanio dans une série d’aventures bizarres, certaines relevant de l’intrigue policière, d’autres du récit d’espionnage ou même du roman gothique. Notre héros extrêmement apathique se laissera ballotter au gré des circonstances. Il sera traqué par des gangsters, puis réduit à l’esclavage par une femme-vampire qui, chaque nuit, lui sucera un peu de son sang. Il fournira son aide à des espions, réussissant à déchiffrer un message secret en mâchant des carottes et en recrachant le résidu sur un bout de papier. Les femmes se jetteront dans ses bras, les cadavres s’amoncelleront et, vers la fin du livre, Hanio éprouvera une émotion qu’il n’avait jamais ressentie auparavant : la peur de la mort.

Vie à vendre est un roman lamentable. Il est censé être drôle, mais ne l’est point. Il est censé divertir, mais ne parvient à induire qu’un effet soporifique. L’intrigue est une suite d’événements hautement improbables qui, souvent, n’ont aucune relation les uns avec les autres. Quant aux personnages, ce sont de simples fantoches, leur créateur n’ayant manifestement fourni nul effort pour les doter d’un semblant de réalité. Si Mishima n’en était pas l’auteur, ce livre aurait certainement disparu de la surface de la terre. Toutefois, Vie à vendre n’est pas totalement dépourvu d’intérêt : il nous donne un bref aperçu de la production alimentaire – quantitativement importante – de ce grand écrivain, et nous montre à quel point la question du suicide le préoccupait. Rappelons que ce roman a été écrit deux ans avant que Mishima ne se donne la mort par hara-kiri à la suite d’une tentative de coup d’État.

Vie à vendre de Yukio Mishima, traduit du japonais par Dominique Palmé, Gallimard, 2020, 272 p.Tout un pan de l’œuvre prolifique de Yukio Mishima (1925-1970) reste encore inconnu en dehors du Japon. En effet, parallèlement à ses « grands romans » (Confessions d’un masque, Le Pavillon d’or, La Mer de la fertilité…), traduits en de nombreuses langues et qui lui ont valu une...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut