Le mufti jaafarite Ahmad Kabalan. Photo Ani
Le mufti jaafarite, le cheikh Ahmad Kabalan, a réaffirmé vendredi que le système confessionnel qui régit le pays depuis sa fondation avait "prouvé son échec", tout en se disant contre le fédéralisme, cinq jours après avoir remis en cause dans un discours inédit aussi bien l’accord de Taëf de 1989 que le Pacte national de 1943, allant même jusqu'à affirmer que "le Liban a été créé pour servir le colonialisme", ce qui avait provoqué un tollé.
"Je le répète, le problème réside dans ce système confessionnel qui a prouvé son échec et son inaptitude à reconstruire un Etat institutionnel, moderne, efficace, citoyen. Ce système s'est effondré et n'est plus approprié, car les bases sur lesquelles ont été éduqués nos grand-parents et nos parents ne correspondent plus à ce dont rêvent nos enfants", a affirmé le cheikh Kabalan, après avoir dénoncé "l'affaiblissement terrible de l'Etat" dans le contexte de la crise économique et financière que traverse le pays, la plus grave en 30 ans, estimant que "1943 était le temps des compromis et des formules contrefaites". "Non à l'Etat des communautés et des systèmes dépassés et arriérés qui ont coûté très cher au Liban et aux Libanais", a-t-il lancé, lors de son prêche du vendredi.
"Le pays est au bord du gouffre, ouvert aux plus graves des effondrements. Notre responsabilité est grande pour préserver notre pays. Notre devoir national nous impose de sortir des rêves et des illusions. La situation dans laquelle nous nous trouvons nous oblige à trouver des issues pacifiques et des solutions nationales. La solution ne peut être le maronitisme, le sunnisme ou le chiisme politique, ni le fédéralisme ou le confédéralisme, mais le patriotisme politique au-dessus de toutes les communautés et confessions, par un Etat institutionnel et des administrations efficaces et intègres, sans corruption ni dépendance à un camp politique, au service des gens et non de quelques personnes", a-t-il conclu.
Prononcé à l’occasion de la fête du Fitr, le précédent discours du cheikh jaafarite, considéré comme politiquement proche du Hezbollah, avait été aussitôt monté en épingle par certaines voix opposées au parti chiite, pointé du doigt comme étant l’instigateur de cette "insurrection" contre le système politique actuel. La thèse d’une nouvelle tentative du Hezbollah de prendre les rênes du pouvoir pour étendre sa domination sur l’ensemble du pays a repris de plus belle. Pour de nombreux Libanais issus du camp souverainiste, le cheikh Ahmad Kabalan a tout simplement dit tout haut ce que le parti chiite pense tout bas. Toutefois, le Hezbollah et le mouvement Amal ont tenté de se distancier de ces propos.
Mercredi, d'anciens Premiers ministres proche de Saad Hariri ont estimé que le précédent discours d'Ahmad Kabalan était dangereux et menace la sécurité nationale. La veille, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah a exprimé l'attachement de sa formation à l’accord de Taëf, du moins pour le moment. "Le système (issu de l’accord de Taëf) a besoin d’évoluer. Mais cela ne peut se faire sans un consensus de toutes les parties libanaises", avait-il déclaré.
Il veut dire, l'Etat c'est nous.
21 h 50, le 29 mai 2020