Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a voulu jouer le rôle de pompier lors de sa dernière interview mardi soir. Une façon pour lui de tenter de mettre fin aux différends opposant ses alliés et d’adresser des messages à même de calmer certaines appréhensions, liées à une éventuelle remise en cause du système politique actuellement en vigueur. Dans cette interview fleuve accordée à la radio al-Nour, organe médiatique du Hezbollah, Hassan Nasrallah a soigneusement tenu à exprimer l’attachement de sa formation à l’accord de Taëf, du moins pour le moment. « Le système (issu de l’accord de Taëf) a besoin d’évoluer. Mais cela ne peut se faire sans un consensus de toutes les parties libanaises », a-t-il dit, ajoutant : « Si toutes les communautés religieuses ne font pas preuve de volonté de réforme, rien ne changera. »
Hassan Nasrallah réagissait à un discours inédit du mufti jaafarite Ahmad Kabalan. S’exprimant lundi à l’occasion de la fête du Fitr, ce dernier s’en était violemment pris au système confessionnel qui régit le pays depuis sa fondation en 1920, remettant par la même occasion en cause aussi bien l’accord de Taëf que le pacte national de 1943. En dépit des assurances du secrétaire général du Hezbollah, il reste que le cheikh Kabalan est perçu comme politiquement proche du parti chiite. Cela fait dire à un analyste politique contacté par L’Orient-Le Jour qu’il est « normal » de voir Hassan Nasrallah démentir toute volonté de modifier l’accord de Taëf, « le leader du Hezbollah étant parfaitement conscient qu’une telle proposition se heurterait rapidement au veto de plusieurs protagonistes, notamment les chrétiens ». « D’ailleurs, le système lui convient aujourd’hui parfaitement. Et pour cause : il assure au Hezbollah la couverture politique dont il a besoin pour pouvoir imposer ses propres choix sur la scène politique locale », explique encore l’analyste, avant de poursuivre : « L’insistance du secrétaire général du Hezbollah sur le consensus libanais pourrait bien paver la voie à un dialogue national élargi qui aborderait, dans une phase ultérieure, l’accord de Taëf et déboucherait sur une éventuelle modification du système politique actuel. » Dans les milieux du Hezbollah, on ne l’entend naturellement pas de cette oreille. Dans une déclaration à L’OLJ, Fayçal Abdel Sater, journaliste proche du parti chiite, estime que Hassan Nasrallah s’est montré fidèle aux positions traditionnelles du Hezbollah à ce sujet. Selon lui, « le secrétaire général du Hezbollah ne s’est jamais montré hostile à la parité (islamo-chrétienne) érigée par l’accord de Taëf. Loin de là. Il a toujours réfuté les accusations lancées contre sa formation de vouloir anéantir Taëf pour mener le pays vers un partage du pouvoir entre les trois principales communautés ». « C’est dans le but de calmer les appréhensions populaires, notamment des chrétiens, que Hassan Nasrallah a mis les points sur les i une fois pour toutes », déclare M. Abdel Sater. Comment interpréter donc les propos du cheikh Ahmad Kabalan? Ce dernier « ne s’exprimait pas au nom du Hezbollah », selon le journaliste, qui ajoute : « Le Hezbollah n’a jamais recours à des “proches” pour faire passer ses messages politiques. »
La présidentielle
Le secrétaire général du Hezbollah s’est par ailleurs attardé dans son interview sur les rapports entre son parti et le Courant patriotique libre. Les relations entre les deux alliés traditionnels sont passées par de sérieuses secousses liées notamment aux divergences de points de vue en ce qui concerne l’épineuse question de l’électricité, le Hezbollah s’étant opposé à la mise en place d’une centrale électrique à Selaata (caza de Batroun), comme le veulent les aounistes. Le leader du CPL, Gebran Bassil, avait en outre déclaré, lors de sa dernière conférence de presse tenue le 17 mai, que son parti « mène seul » la bataille de la lutte contre la corruption. Des propos interprétés comme une flèche décochée implicitement en direction du Hezbollah.
Mais le secrétaire général du parti chiite a assuré que les relations avec les aounistes sont bonnes, insistant sur le fait que l’alliance entre les deux partis ne signifie aucunement qu’ils devraient s’accorder sur tous les dossiers. « Il est normal que les rapports entre des partis politiques passent par des hauts et des bas. Mais cela ne menace pas la pérennité de l’entente de Mar Mikhaël. »
Hassan Nasrallah n’a en outre pas manqué d’évoquer le différend opposant ses deux alliés traditionnels, à savoir Gebran Bassil et le leader des Marada, Sleiman Frangié. Lors d’une conférence de presse tenue le 11 mai, le leader zghortiote s’était livré à une diatribe contre M. Bassil, l’accusant de donner le coup d’envoi à la bataille de la présidentielle de 2022, tous deux étant des candidats potentiels à la magistrature suprême. Mais Hassan Nasrallah a tranché : « M. Bassil n’a pas évoqué cette question avec le Hezbollah. » Pour Fayçal Abdel Sater, il ne s’agit pas d’une réponse à M. Frangié, mais d’un message clair à tous les présidentiables. Il est encore tôt pour déclarer ouverte la bataille tant que le mandat n’est pas arrivé à expiration.
Du côté des aounistes, May Khoreiche, vice-présidente du CPL pour les affaires politiques, assure à L’OLJ que Gebran Bassil ne fait pas de calculs présidentiels prématurés, dans la mesure où la priorité est aujourd’hui à la résolution de la crise économique et à la lutte contre la corruption. « Tout débat qui ne va pas dans ce sens est inopportun et vise à détourner l’attention des crises qui secouent le pays », dit-elle.
commentaires (14)
Rien de nouveau il s’est toujours imposé en quelque chose pour le Liban reste que nous aurions aimé qu’il le fasse à partir du Liban et non de l’Iran !
PROFIL BAS
07 h 33, le 29 mai 2020