L’agitation politique des derniers jours provoquée par la bataille rangée entre différents pôles politiques autour d’un éventuel limogeage du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, semble s’être quelque peu calmée en fin de week-end.
Au lieu de contribuer à affaiblir pour mieux l’épingler le moment venu celui que le gouvernement pointe du doigt comme étant l’un des principaux responsables de l’effondrement de la situation financière du pays, la campagne contre le gouverneur semble avoir fini par provoquer un effet contraire, du moins pour le moment.
L’attaque lancée vendredi par le Premier ministre Hassane Diab contre M. Salamé, mis en cause notamment pour son manque de transparence et l’effondrement monétaire en cours, a suscité une levée de boucliers au sein de l’opposition (courant du Futur et Parti socialiste progressiste principalement), relayée le lendemain par un défilé des figures sunnites traditionnelles à Dar el-Fatwa. Le lendemain, le patriarcat maronite se faisait plus explicite et frontal encore, jugeant inacceptable « l’atteinte à la dignité » du gouverneur de la BDL. Autant de facteurs qui semblent avoir contribué à écarter, pour le moment, l’éventualité que M. Salamé soit prochainement démis de ses fonctions. Autant de positions en flèche destinées à envoyer un message clair à tous ceux qui seraient tentés de faire du gouverneur de la banque centrale un « bouc émissaire », quand bien même sa responsabilité serait en jeu, et une cible facile faute de pouvoir élargir pour l’heure l’éventail de la reddition des comptes.
Une ligne de défense que s’est évertué à cautionner en amont le président du Parlement Nabih Berry, dont les ministres ont rejeté fermement toute décision « hâtive » concernant le limogeage de M. Salamé, rendue difficile de surcroît par les textes en vigueur qui prévoient la nécessité de démontrer l’existence de fautes graves lors de l’exercice de ses fonctions ou un acte de haute trahison commis envers son pays. Ce qui pour l’heure n’est pas prouvé. Vendredi à l’issue du Conseil des ministres, M. Diab avait pointé du doigt « une faille au sein de la banque centrale et dans ses stratégies » et indiqué qu’un cabinet d’audit international allait vérifier les comptes de la BDL et des banques, une demande formulée par le passé par le Groupe international de soutien (GIS). Accusé de chercher à protéger M. Salamé, le président de la Chambre Nabih Berry s’est défendu au moyen d’un communiqué publié par Kabalan Kabalan, membre du commandement du mouvement Amal. Ce dernier a démenti les informations selon lesquelles le chef du législatif cherche à couvrir le gouverneur, considérant « infondée » l’information selon laquelle sa démission avait été requise par qui que ce soit.
« La vérité est que l’ambassadrice des États-Unis Dorothy Shea, qui s’est entretenue vendredi avec le chef du CPL Gebran Bassil, a envoyé par son biais un message au Premier ministre et au président Michel Aoun pour les informer qu’une éventuelle démission de M. Salamé aurait pour conséquence le gel des avoirs du Liban et de ses réserves en or qui se trouvent aux États-Unis, estimés à 20 milliards de dollars. C’est la raison pour laquelle ils (Hassane Diab et Gebran Bassil) n’oseront pas le limoger », a affirmé M. Kabalan.
En soirée, Nabih Berry est sorti de son silence pour déclarer au site du quotidien an-Nahar que ce n’est pas M. Salamé qu’il cherche à défendre, mais le Liban. « Si la banque centrale est torpillée, les dépôts des Libanais le seront également, à jamais », a justifié M. Berry. Un argument largement défendu par ses ministres qui avaient brandi, durant le Conseil des ministres, le spectre du « vide » et ses conséquence dangereuses à un moment aussi critique.
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« Recul notoire de Bassil »
Cependant, une source du CPL a démenti à L’Orient-Le Jour que l’ambassadrice ait tenu de tels propos et souligné que le CPL soutenait l’idée de « préparer en amont le changement des politiques aussi bien que des personnes au sein de la banque centrale ».
Une manière de renvoyer la balle dans le camp de M. Berry tout en laissant entendre que le CPL était à l’origine de l’idée d’un limogeage du gouverneur, ou du moins de la manœuvre destinée à le pousser à la démission. L’idée aurait été saisie au vol par le Premier ministre, pressé d’agir face à l’exacerbation de la grogne populaire après la subite flambée du dollar et la baisse vertigineuse du pouvoir d’achat des Libanais.
Selon plusieurs sources concordantes, Gebran Bassil aurait toutefois effectivement reçu des « conseils » de la part de l’ambassadrice des États-Unis, et même de l’ambassadeur de France Bruno Foucher, qui l’a également rencontré samedi. Tous deux se seraient prononcés contre la décision d’écarter le gouverneur « non pas tant par attachement à sa personne que par souci d’épargner au pays de plus amples turbulences, d’autant qu’une alternative à M. Salamé n’est toujours pas trouvée ». D’ailleurs, la conférence de presse de M. Bassil a été interprétée par certains analystes comme « un recul notoire par rapport à sa position initiale à l’égard de M. Salamé ».
« La banque centrale a une grande responsabilité dans les pertes qu’elle subit et le manque de transparence des chiffres, mais il est déraisonnable de dire que la BDL est seule responsable. Le Parlement et le gouvernement sont également responsables d’avoir laissé faire ces erreurs sans les corriger », a ajouté M. Bassil, occultant le fait que lui-même avait fait partie de plusieurs gouvernements. Dans une version intermédiaire du plan de redressement du Liban préparé par le gouvernement, était évoqué le niveau devenu « inquiétant » des réserves en devises de la BDL et un bilan marqué par des pertes nettes de 54,9 milliards de dollars.
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M. Bassil, qui n’a prononcé à aucun moment le nom de M. Salamé, cherchait vraisemblablement à rectifier le tir en évoquant une responsabilité partagée que doivent également assumer les « responsables au sein de l’État ». Le chef du CPL s’en est pris à ceux qui ont attaqué sa formation politique, mais aussi au Hezbollah en évoquant un « coup d’État contre le caractère libéral de l’économie ».Pour Mohammad Obeid, un analyste proche des milieux du parti iranien, les adversaires politiques du Hezbollah cherchent à le « diaboliser » en lui faisant endosser la responsabilité d’avoir orchestré la campagne pour le limogeage du gouverneur. « La propagande contre le parti a été fomentée sous le couvert d’une politique de vengeance contre M. Salamé sommé de mettre en application les sanctions américaines contre le Hezbollah. Il n’en est rien », assure-t-il, soulignant que le parti chiite a depuis le début estimé que la responsabilité de l’effondrement économique incombe à l’ensemble de la classe politique et aux différents gouvernements, tout autant qu’à la banque centrale et au secteur bancaire.
Cela signifie que l’affaire Salamé, placée pour le moment en mode pause, n’est pas près d’être enterrée, le Premier ministre étant déterminé à suivre le dossier jusqu’au bout, assure-t-on de source informée. L’exécutif attend de voir la réaction du gouverneur de la Banque du Liban à ces développements. Ce dernier devrait incessamment apporter une réponse claire aux accusations de manque de transparence et de recel d’informations que lui reproche M. Diab. « Après quoi, le Premier ministre agira en conséquence », ajoute la source.
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commentaires (18)
Huit ans de gestion de l’électricité et il faut aussi critiquer les autres secteurs mais celui là est le plus flagrant et le plus important en termes de trous dans la caisse et c’est Riad Saleme le coupable ? Quelle dérision et vous savez qui couvre tout cela depuis des années c’est le EBOLA du Liban qui veut maintenant dépouiller ses sympathisants d’Afrique qui fort heureusement sont atteints de masochisme et aime souffrir Tant mieux pour tout le monde mais fichez la paix au fusil Saleme et allez chercher les vrais tireurs sur les Libanais!
PROFIL BAS
10 h 21, le 28 avril 2020