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Liban - Crise

Limogeage de Riad Salamé : partie remise ?

Face à une levée de boucliers provoquée par la campagne visant le gouverneur de la Banque du Liban, Gebran Bassil rectifie le tir.

Le président Michel Aoun s’entretenant au palais de Baabda avec le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, le 23 avril 2020. Photo Twitter/@LBpresidency

L’agitation politique des derniers jours provoquée par la bataille rangée entre différents pôles politiques autour d’un éventuel limogeage du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, semble s’être quelque peu calmée en fin de week-end.

Au lieu de contribuer à affaiblir pour mieux l’épingler le moment venu celui que le gouvernement pointe du doigt comme étant l’un des principaux responsables de l’effondrement de la situation financière du pays, la campagne contre le gouverneur semble avoir fini par provoquer un effet contraire, du moins pour le moment.

L’attaque lancée vendredi par le Premier ministre Hassane Diab contre M. Salamé, mis en cause notamment pour son manque de transparence et l’effondrement monétaire en cours, a suscité une levée de boucliers au sein de l’opposition (courant du Futur et Parti socialiste progressiste principalement), relayée le lendemain par un défilé des figures sunnites traditionnelles à Dar el-Fatwa. Le lendemain, le patriarcat maronite se faisait plus explicite et frontal encore, jugeant inacceptable « l’atteinte à la dignité » du gouverneur de la BDL. Autant de facteurs qui semblent avoir contribué à écarter, pour le moment, l’éventualité que M. Salamé soit prochainement démis de ses fonctions. Autant de positions en flèche destinées à envoyer un message clair à tous ceux qui seraient tentés de faire du gouverneur de la banque centrale un « bouc émissaire », quand bien même sa responsabilité serait en jeu, et une cible facile faute de pouvoir élargir pour l’heure l’éventail de la reddition des comptes.

Une ligne de défense que s’est évertué à cautionner en amont le président du Parlement Nabih Berry, dont les ministres ont rejeté fermement toute décision « hâtive » concernant le limogeage de M. Salamé, rendue difficile de surcroît par les textes en vigueur qui prévoient la nécessité de démontrer l’existence de fautes graves lors de l’exercice de ses fonctions ou un acte de haute trahison commis envers son pays. Ce qui pour l’heure n’est pas prouvé. Vendredi à l’issue du Conseil des ministres, M. Diab avait pointé du doigt « une faille au sein de la banque centrale et dans ses stratégies » et indiqué qu’un cabinet d’audit international allait vérifier les comptes de la BDL et des banques, une demande formulée par le passé par le Groupe international de soutien (GIS). Accusé de chercher à protéger M. Salamé, le président de la Chambre Nabih Berry s’est défendu au moyen d’un communiqué publié par Kabalan Kabalan, membre du commandement du mouvement Amal. Ce dernier a démenti les informations selon lesquelles le chef du législatif cherche à couvrir le gouverneur, considérant « infondée » l’information selon laquelle sa démission avait été requise par qui que ce soit.

« La vérité est que l’ambassadrice des États-Unis Dorothy Shea, qui s’est entretenue vendredi avec le chef du CPL Gebran Bassil, a envoyé par son biais un message au Premier ministre et au président Michel Aoun pour les informer qu’une éventuelle démission de M. Salamé aurait pour conséquence le gel des avoirs du Liban et de ses réserves en or qui se trouvent aux États-Unis, estimés à 20 milliards de dollars. C’est la raison pour laquelle ils (Hassane Diab et Gebran Bassil) n’oseront pas le limoger », a affirmé M. Kabalan.

En soirée, Nabih Berry est sorti de son silence pour déclarer au site du quotidien an-Nahar que ce n’est pas M. Salamé qu’il cherche à défendre, mais le Liban. « Si la banque centrale est torpillée, les dépôts des Libanais le seront également, à jamais », a justifié M. Berry. Un argument largement défendu par ses ministres qui avaient brandi, durant le Conseil des ministres, le spectre du « vide » et ses conséquence dangereuses à un moment aussi critique.


(Lire aussi : Un brocanteur de galanteries)

« Recul notoire de Bassil »
Cependant, une source du CPL a démenti à L’Orient-Le Jour que l’ambassadrice ait tenu de tels propos et souligné que le CPL soutenait l’idée de « préparer en amont le changement des politiques aussi bien que des personnes au sein de la banque centrale ».

Une manière de renvoyer la balle dans le camp de M. Berry tout en laissant entendre que le CPL était à l’origine de l’idée d’un limogeage du gouverneur, ou du moins de la manœuvre destinée à le pousser à la démission. L’idée aurait été saisie au vol par le Premier ministre, pressé d’agir face à l’exacerbation de la grogne populaire après la subite flambée du dollar et la baisse vertigineuse du pouvoir d’achat des Libanais.

Selon plusieurs sources concordantes, Gebran Bassil aurait toutefois effectivement reçu des « conseils » de la part de l’ambassadrice des États-Unis, et même de l’ambassadeur de France Bruno Foucher, qui l’a également rencontré samedi. Tous deux se seraient prononcés contre la décision d’écarter le gouverneur « non pas tant par attachement à sa personne que par souci d’épargner au pays de plus amples turbulences, d’autant qu’une alternative à M. Salamé n’est toujours pas trouvée ». D’ailleurs, la conférence de presse de M. Bassil a été interprétée par certains analystes comme « un recul notoire par rapport à sa position initiale à l’égard de M. Salamé ».

« La banque centrale a une grande responsabilité dans les pertes qu’elle subit et le manque de transparence des chiffres, mais il est déraisonnable de dire que la BDL est seule responsable. Le Parlement et le gouvernement sont également responsables d’avoir laissé faire ces erreurs sans les corriger », a ajouté M. Bassil, occultant le fait que lui-même avait fait partie de plusieurs gouvernements. Dans une version intermédiaire du plan de redressement du Liban préparé par le gouvernement, était évoqué le niveau devenu « inquiétant » des réserves en devises de la BDL et un bilan marqué par des pertes nettes de 54,9 milliards de dollars.


(Lire aussi : Lutte anticorruption : quelles sont les huit mesures activées par le cabinet ?)



M. Bassil, qui n’a prononcé à aucun moment le nom de M. Salamé, cherchait vraisemblablement à rectifier le tir en évoquant une responsabilité partagée que doivent également assumer les « responsables au sein de l’État ». Le chef du CPL s’en est pris à ceux qui ont attaqué sa formation politique, mais aussi au Hezbollah en évoquant un « coup d’État contre le caractère libéral de l’économie ».Pour Mohammad Obeid, un analyste proche des milieux du parti iranien, les adversaires politiques du Hezbollah cherchent à le « diaboliser » en lui faisant endosser la responsabilité d’avoir orchestré la campagne pour le limogeage du gouverneur. « La propagande contre le parti a été fomentée sous le couvert d’une politique de vengeance contre M. Salamé sommé de mettre en application les sanctions américaines contre le Hezbollah. Il n’en est rien », assure-t-il, soulignant que le parti chiite a depuis le début estimé que la responsabilité de l’effondrement économique incombe à l’ensemble de la classe politique et aux différents gouvernements, tout autant qu’à la banque centrale et au secteur bancaire.

Cela signifie que l’affaire Salamé, placée pour le moment en mode pause, n’est pas près d’être enterrée, le Premier ministre étant déterminé à suivre le dossier jusqu’au bout, assure-t-on de source informée. L’exécutif attend de voir la réaction du gouverneur de la Banque du Liban à ces développements. Ce dernier devrait incessamment apporter une réponse claire aux accusations de manque de transparence et de recel d’informations que lui reproche M. Diab. « Après quoi, le Premier ministre agira en conséquence », ajoute la source.


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L’agitation politique des derniers jours provoquée par la bataille rangée entre différents pôles politiques autour d’un éventuel limogeage du gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, semble s’être quelque peu calmée en fin de week-end. Au lieu de contribuer à affaiblir pour mieux l’épingler le moment venu celui que le gouvernement pointe du doigt comme étant l’un des...

commentaires (18)

Huit ans de gestion de l’électricité et il faut aussi critiquer les autres secteurs mais celui là est le plus flagrant et le plus important en termes de trous dans la caisse et c’est Riad Saleme le coupable ? Quelle dérision et vous savez qui couvre tout cela depuis des années c’est le EBOLA du Liban qui veut maintenant dépouiller ses sympathisants d’Afrique qui fort heureusement sont atteints de masochisme et aime souffrir Tant mieux pour tout le monde mais fichez la paix au fusil Saleme et allez chercher les vrais tireurs sur les Libanais!

PROFIL BAS

10 h 21, le 28 avril 2020

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Commentaires (18)

  • Huit ans de gestion de l’électricité et il faut aussi critiquer les autres secteurs mais celui là est le plus flagrant et le plus important en termes de trous dans la caisse et c’est Riad Saleme le coupable ? Quelle dérision et vous savez qui couvre tout cela depuis des années c’est le EBOLA du Liban qui veut maintenant dépouiller ses sympathisants d’Afrique qui fort heureusement sont atteints de masochisme et aime souffrir Tant mieux pour tout le monde mais fichez la paix au fusil Saleme et allez chercher les vrais tireurs sur les Libanais!

    PROFIL BAS

    10 h 21, le 28 avril 2020

  • Tous copains !

    JiJii

    21 h 33, le 27 avril 2020

  • IL FAUT LES LIMOGER TOUS SANS EXCEPTION DU PLUS PLUS GRAND DE L,ECHELLE ET JUSQU,AU PLUS PLUS PETITS. DES GANGS DE MAFIEUX QUI ONT GOUVERNE ET CONTINUENT DE DECIDER DU DESTIN DE CE PAUVRE PAYS ET PAUVRE PEUPLE. DES VOLEURS SANS CONSCIENCE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 07, le 27 avril 2020

  • Gouverneur de la Banque Centrale et Président du Parlement sont des emplois à looooong terme...

    Sybille S. Hneine

    15 h 34, le 27 avril 2020

  • Mr Salamé ayant officiellement le statut d'intouchable... le $ peut repartir à sa hausse exponentielle face à la monnaie locale. Et le peuple s'enfonce un peu plus chaque jour. Je suppose que ça fait les affaires de certains. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres. Rien n'aura été épargné au libanais au fil des siècles.

    Sybille S. Hneine

    15 h 25, le 27 avril 2020

  • Il faut attendre le plus longtemps afin qu'il continue d'abord à assumer sa responsabilité vis à vis des erreurs.En même temps, il est devenu connaisseur en la matière, pour calmer le jeu spéculatif en cours actuellement. Il pourrait, et il n'a pas d'autres choix, aider obligé , dans le regain d'une certaine crédibilité dans la monnaie nationale. Et après tout, s'assurer que son éventuel limogeage, n'aboutisse comme c'est devenu l'habitude, à le remplacer par son second, en l'occurrence, appartenant à une autre communauté, jusqu'à la fin des jours.

    Esber

    15 h 05, le 27 avril 2020

  • Plus le pays est dand le chaos, plus le Hezb profite...ce pseudo pouvoir au CPL, Diab etc…de la poudres aux yeux. Diviser pour mieux régner…et le pire c’est que presque tous sont tombés dans ce piège...14 et 8 mars…

    Jack Gardner

    13 h 13, le 27 avril 2020

  • LA VERITE TOUS ONT RETOURNE LEUR VESTE OU ON PRIT LE PARTI DE SALAME QUAND ON LEUR A DIT QUE SI M SALAME EST LIMOGE TOUTE LA LISTE DES MONTANTS ACQUIS ET OU TRANSFERES PAR TOUS , POLITICIENS HOMMES D'AFFAIRES RELIGIEUX ARMEE FONCTIONNAIRES D'ETAT JUGES ETC... SERA DEVOILEE AU GRAND JOUR CE PAUVRE DIAB NE SAVAIT PAS A QUI IL AVAIT AFFAIRE QUAND IL A DECIDE DE SINCEREMNET VOULOIR S'ATTAQUER A LA CORRUPTION AU LIBAN SON LIMOGEAGE PAR UN DENI DE CONFIANCE SERA IMMEDIAT SI IL POURSUIT CE CHEMIN A MOINS QUE LES MINISTRES OBEISSENT A LEURS PATRONS ET NE VOTENT PLUS RIEN EN CETTE MATIERE

    LA VERITE

    11 h 51, le 27 avril 2020

  • AUCUN RECUL NOTOIRE DE BASSIL EN EFFET IL A PARLE NON PAS DES GOUVERNEMENTS .... MAIS DU GOUVERNEMENT """ occultant le fait que lui-même avait fait partie de plusieurs gouvernements"" BASSIL EST TROP MALIN , IL SAIT TRES BIEN QU'A MOINS DE DECORTIQUER SES PAROLES ON CROIRAIT ""AU RECUL NOTOIRE"" . MAIS AUSSI BASSIL SAIT TRES BIEN QUES SES OUAILLES NE CROIRONT QU'A CE QU'IL VEUT FAIRE CROIRE- UNE CHEVRE MEME SI ELLE VOLE -COMME DIT L'ADAGE.

    Gaby SIOUFI

    10 h 49, le 27 avril 2020

  • On ne peut vraiment pas juger de la santé du Liban à l'aune de la bedaine présidentielle.

    Christine KHALIL

    10 h 35, le 27 avril 2020

  • ...""le parti chiite a depuis le début estimé que la responsabilité de l’effondrement économique incombe à l’ensemble de la classe politique, et pas seulement aux différents gouvernements, tout autant qu’à la banque centrale et au secteur bancaire."" Ce n’est plus le déconfinement, mais le retour à la vie politique normale, dans sa petitesse, sans tenir compte de l’ampleur de la crise sanitaire et financière. Les chefs s’accusent comme pour noyer le poisson. L’enjeu n’est pas l’amélioration des conditions de vie des gens, mais la tête du gouverneur. Ils craignent quoi, qu’il dévoile des secrets, où une éventuelle candidature (mon dieu, j'ai oublié pour quel poste) que personne n’a jusqu’à présent publiquement publiquement proposé. Les dirigeants du parti iranien ont raison : c'est l'ensemble de la classe politique qui est responsable, à commencer par eux....

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    09 h 57, le 27 avril 2020

  • Le peuple Libanais est confronté à une bande chacals , que l'on nomme plus vulgairement politiciens...qui dépècent à coups de dents ce qui reste de biens aux Libanais. Ces individus, de tous bords qu'ils soient, ne leur reste il une once d'honneur ou de fierté pour se retirer.. Je pense que le plus humble comptable (que cette corporation m'excuse) se sortirait mieux de cette situation...

    C…

    09 h 50, le 27 avril 2020

  • Mais la faille principale c’est l’Etat même dans toutes ses institutions qui sont toutes défaillantes. Il faut les dissoudre toutes et recommencer à zéro

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 46, le 27 avril 2020

  • La bataille politique du moins se déclare entre clan sunnite et chiite en espérant un happy end pour la paix du Liban .

    Antoine Sabbagha

    08 h 43, le 27 avril 2020

  • Si l'on comprend bien, c'est manifestement l'ambassade américaine qui empêche le gouvernement Diab de continuer le processus afin de mettre le grapin sur la liste de tous les gros escrocs que détient la BDL ! Quelle calamité ces États-Unis ! Ils finiront par faire disparaitre le Liban de la surface de la terre !

    Chucri Abboud

    03 h 33, le 27 avril 2020

  • Effectivement toutes ces déclarations rocambolesques et adhoc vont sûrement ramener la confiance dans notre pays, et montrer le sérieux et la planification impeccable de nos zommes ploiclics.

    Wlek Sanferlou

    03 h 25, le 27 avril 2020

  • M le PM il vous reste à nommer une commission pour traiter le cas Salamé:comme ca une affaire enterrée à la libanaise et la livre continuera sa descente vertigineuse

    youssef barada

    01 h 53, le 27 avril 2020

  • IL FAUT LES LIMOGER A TOUS DU PLUS GRAND DE L,ECHELLE AU PLUS PETIT. TOUS SONT DES CORROMPUS ET DES VOLEURS. RECUPEREZ LES MONTANTS VOLES EN APPLIQUANT A TOUS CES ABRUTIS LE MEN AYNA LAKA HAZA AINSI QU,A TOUS LES FONCTIONNAIRES GRANDS ET PETITS DU SECTEUR PUBLIC. ET BAS LES MAINS DES ECONOMIES D,UNE VIE DES DEPOSANTS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 17, le 27 avril 2020

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