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Économie - Réformes

Lutte anticorruption : quelles sont les huit mesures activées par le cabinet ?

L’exécutif prévoit notamment d’utiliser les mécanismes prévus en matière d’échanges d’informations fiscales à la demande.

Le Premier ministre, Hassane Diab, et la ministre de l’Information, Manal Abdel Samad, vendredi au Grand Sérail. Photo Dalati et Nohra

Le gouvernement doit finaliser sous peu son plan de redressement du Liban, qui traverse la pire crise économique et financière de son histoire récente, aggravée par l’épidémie de Covid-19. La marge de manœuvre de l’exécutif dans ses négociations avec les détenteurs de dette libanaise – notifiés en mars de la décision du gouvernement de faire défaut sur ses obligations d’État en dollars (eurobonds) – dépend de la crédibilité de ce plan.

C’est dans ce contexte que s’inscrivait la réunion du Conseil des ministres qui s’était déroulée vendredi au Grand Sérail et à l’issue de laquelle le Premier ministre Hassane Diab a confirmé le lancement prochain d’un audit des comptes de la Banque du Liban, qui sera mené par trois sociétés internationales démarchées par le ministère des Finances (KPMG, Kroll et Oliver Wyman). L’onde de choc générée par cette décision a fait passer presque inaperçues huit autres mesures adoptées lors de la même réunion. Des mesures préparées en amont par la commission anticorruption du ministère de la Justice et celle du barreau de Beyrouth.

Selon une source proche du dossier, l’objectif de ces mesures est de mettre en œuvre l’arsenal législatif et réglementaire déjà existant afin d’enquêter et, le cas échéant, poursuivre les éventuels auteurs d’infractions relevant des domaines de la corruption, de l’évasion fiscale ou encore œuvrer au recouvrement des fonds détournés et/ou transférés à l’étranger. Sur son compte Twitter, le député Fayçal Karamé a estimé que « l’hystérie » de plusieurs personnalités politiques à l’encontre du gouvernement durant le week-end écoulé était tout autant liée à l’adoption de ces mesures – détaillées dans un document préparatoire que L’Orient-Le Jour a pu consulter – qu’à la charge de Hassane Diab contre le gouverneur de la BDL, Riad Salamé.


(Lire aussi : L’honneur des avocats, une arme contre l’inertie institutionnelle)


Échange d’informations fiscales
Le gouvernement a ainsi demandé au ministère des Finances de lancer des « enquêtes fiscales » au niveau local visant toutes les « personnes physiques ou morales » qui ont conclu des contrats ou étaient liées par des engagements avec l’État, ses institutions ainsi que les municipalités. Le ministère devra d’abord se focaliser sur les plus gros contrats – ceux pour lesquels l’État a débloqué le plus de crédits – avant de s’attaquer au reste.

Les institutions et municipalités concernées devront donner l’ensemble des informations relatives à ces contrats. Seront également examinés les comptes bancaires via lesquels de l’argent public, lié à l’exécution du contrat, a transité. La première salve d’enquêtes, qui devrait s’étendre sur six mois, devra couvrir les contrats conclus au cours des cinq dernières années. Les suivantes remonteront plus loin dans le temps, par tranches de cinq années, jusqu’à la fin de la guerre civile, en 1990.

La deuxième mesure prévoit d’activer les mécanismes d’échanges internationaux d’informations fiscales pour demander aux pays tiers des informations sur des comptes bancaires ouverts à l’étranger par des « personnes physiques et morales » ayant déclaré leur résidence fiscale au Liban. Il s’agit ici de mettre en œuvre de façon formelle le processus ouvert par l’adhésion en 2016 du Liban à deux traités internationaux clés : la Convention sur l’assistance administrative mutuelle en matière d’impôts, qui établit la demande d’informations fiscales sur demande (MAC) ; et l’accord multilatéral sur l’échange automatique d’informations fiscales qui met en place l’échange automatique des mêmes informations (MCAA).

Si le Liban n’est pas encore paré pour le MCAA (pour des raisons purement techniques), l’entrée en vigueur des textes en mai 2017 oblige néanmoins les banques et institutions financières opérant dans le pays à compiler les informations en leur possession sur les non-résidents et à les envoyer à l’administration fiscale libanaise. Cette dernière devra être à même de les fournir en cas de demande d’un des 133 pays de la MAC. Cette obligation s’impose également à ces derniers qui ne peuvent pas refuser de fournir les informations demandées par le Liban, surtout si la demande porte sur des personnes politiquement exposées, des hauts responsables ou des élus.


(Lire aussi : Les grandes lignes du plan que prépare le gouvernement pour redresser le pays)

Enrichissement illicite
Mais cela ne s’arrête pas là. Le Conseil des ministres prévoit en outre de mandater un cabinet d’audit international spécialisé dans la juricomptabilité (Forensic Audit), pour réexaminer tous les termes des contrats passés par l’État, ses institutions et les municipalités. Le Conseil n’a pas précisé si la société en question serait la même que celle à laquelle il va faire appel pour l’audit de la BDL (Kroll étant justement une des enseignes réputées pour ce type de services).

L’exécutif prévoit en outre de passer en revue toutes les déclarations de patrimoine d’une liste de ministres et de députés, y compris ceux dont le mandat est achevé, pour vérifier si elles correspondent à la réalité. Ces déclarations sont imposées par l’article 4 de la loi sur l’enrichissement illicite et s’appliquent à toutes les personnes employées dans la fonction publique ou exerçant une responsabilité publique. L’enrichissement illicite se définit comme tout versement illégal obtenu par les fonctionnaires, les juges, les exécutants d’un service public dans l’exercice de leur fonction, ainsi que leurs partenaires ou leurs prête-noms qui ont concouru à la réalisation de ce crime.

La liste des ministres et députés sera établie par le secrétariat général du Conseil des ministres sur la base des informations fournies par les ministères. Les périodes couvertes remonteront aussi jusqu’à 1990, par tranches de cinq ans. Le premier rapport de suivi est annoncé pour dans deux semaines. S’agissant des autres mesures, le gouvernement envisage de saisir le parquet général, via le ministère de la Justice, pour faire appliquer l’article 12 de la loi sur l’enrichissement illicite, qui permet de lancer des enquêtes sur la base de présomptions liées à des signes extérieurs de richesse qui ne correspondraient pas aux ressources déclarées par des personnes salariées de la Fonction publique ou exerçant une responsabilité publique. Les périodes couvertes remonteront là encore jusqu’à 1990, et par tranches de cinq ans. L’enquête englobe les responsables visés, mais aussi leur famille, leurs proches ou encore leurs ayants droit. L’exécutif a également demandé la levée du secret bancaire automatique pour toutes les parties à des contrats ou des concessions avec l’État, ses institutions ou les municipalités du pays. Il a en outre ordonné à la Cour des comptes d’exercer un contrôle a posteriori sur les contrats conclus entre l’État, ses institutions et les municipalités. Enfin, la dernière mesure prévoit la formation de « groupes de travail » au sein de chaque administration ou établissement public pour recueillir les plaintes et les signalements issus de fonctionnaires ou de citoyens afin de pouvoir y donner suite, comme le prévoit la loi n°83 de 2018 relative à la protection des lanceurs d’alerte.

Au-delà de cette liste de mesures, les moyens de l’État pour accroître ses prérogatives en matière de lutte contre la corruption pourraient être encore plus élargis avec la préparation d’une série d’amendements visant à épurer la loi sur l’enrichissement illicite de certaines dispositions limitant son efficacité. Le texte a déjà passé le cap des commissions mixtes et pourrait être rapidement approuvé par le Parlement.



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commentaires (14)

je vois bien que vous ne manquez pas de courage bravo au moins vous avez le courage de le dire ds un pays ou les non dit est roi, ne faite pas d illusion ils ne vous laisseront pas faire que dieu vous protège

youssef barada

01 h 37, le 28 avril 2020

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Commentaires (14)

  • je vois bien que vous ne manquez pas de courage bravo au moins vous avez le courage de le dire ds un pays ou les non dit est roi, ne faite pas d illusion ils ne vous laisseront pas faire que dieu vous protège

    youssef barada

    01 h 37, le 28 avril 2020

  • SI VOUS N,APPLIQUEZ PAS PM HASSAN DIAB LE MEN AYNA LAKA HAZA SUR TOUS LES ESCROCS QUI ONT VANDALISE LE PAYS EN LE GOUVERNANT POUR LES TROIS DERNIERES DECENIES, BANQUIERS INCLUS, ET FONCTIONNAIRES DU SECTEUR CIVIL, SANS OUBLIER LES TRAFIQUANTS MILICIENS, VOUS NE RECUPEREREZ RIEN. ET BAS LES MAINS DES ECONOMIES D,UNE VIE DES DEPOSANTS ET DE LEUR SURVIE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 18, le 27 avril 2020

  • Pourquoi chercher midi à quatorze heures? Il suffit de voir le train de vie de tous ces politiciens et leurs biens immobiliers acquis à mesure qu’ils sont en poste pour savoir que leur héritage supposé et auquel ils veulent nous faire croire est bidon. Ils n’arrêtent pas de nous bombarder de déclarations pour poursuivre les corrompus, tout corrompus qu’ils sont, sûrs que leur magots ne sera pas découverts tant ils se sont donnés du mal à le planquer dans les paradis fiscaux et autres. Ce gouvernement est tellement naïf et incompétent qu’il croit qu’avec des sociétés d’audit il réussira à dénicher les milliards volatilisés poussés par ces mêmes voleurs à suivre des pistes erronées pour mieux le noyer. Notre seul salut viendrait de Salamé qui détient la liste des corrompus chiffres et noms à l’appui avec la destination de l’argent pour qu’enfin éclate la vérité tant attendue par tous les citoyens honnêtes, à condition que la justice soit clémente à son endroit, puisque faute avouée à moitié pardonnée. Un repenti qui livre les membres de la mafia a toujours bénéficié d’un traitement spécial et d’une protection. C’est à cela que doit œuvrer Diab pour obtenir la stricte vérité. Ou alors qu’il continue à lui faire la guerre et on aura sous la pression le même résultat. La fin justifie les moyens.

    Sissi zayyat

    12 h 36, le 27 avril 2020

  • Ooops ! au sujet de comprende pourquoi seulement les 5 dernieres annees seraient couvertes par les enquetes ? "mea culpa ", j'avais ete trop vite, et donc j;avais rate la pertie de l'article qui repondait a ma question !

    Gaby SIOUFI

    12 h 03, le 27 avril 2020

  • QUI SONT LES REPRESENTANTS DES 3 Stes QUI FERONT L'AUDIT DE LA BDL ET AUTRES INSTITUTIONS GOUVERNEMENTALES ? POURQUOI L'AUDIT COUVRIRA LES 5 DERNIERES ANNEES SEULEMENT ? COMMENT L'AUDIT POURRA T IL FAIRE CE QU'IL FAUT AVANT LES LOIS AUTORISANT LA LEVEE DU SECRET BANCAIRE, CELLE DE L'IMMUNITE QUI COUVRE MINISTRES, DEPUTES & FONCTIONAIRES ? LE PLUS IMPORTANT DANS TT CA EST COMMENT FAIRE CONFIANCE AU GUV TANT QU'AUCUNE REFORME N'A ENCORE ETE MISE EN APPLICATION ?

    Gaby SIOUFI

    11 h 26, le 27 avril 2020

  • je veux bien voir ou tout ca va aboutir. un Forensic auditor c'est comme un pitbull: une foie lâché ce ne se rappelle pas. N'oubliez pas non plus qu'un whistle-blower est protegé par toutes sortes de regles internationales...

    Lebinlon

    11 h 13, le 27 avril 2020

  • Ca semble exhaustif, pour autant qu'il n'y ait pas deux poids deux mesures, et que tous soient sujets aux mêmes règles. Même si ce gouvernement n'est pas celui que j'aurai espéré, s'il parvient à mettre ce plan à exécution sans passe droit, je lui tire mon chapeau.

    Bachir Karim

    10 h 54, le 27 avril 2020

  • A ma connaissance les pays européens ne donnent pas les informations sur les résidents fiscaux au Liban car ils jugent l’administration fiscale libanaise défaillante. Quant aux capitaux illicites, ils se trouvent certainement dans des paradis fiscaux qui n’ont signé aucune convention internationale. Je suis effaré par la candeur de ce gouvernement de technocrates

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 34, le 27 avril 2020

  • Qui trouve à redire (A part les personnes visées par ces enquêtes)? Bonne chance et bon courage!

    NAUFAL SORAYA

    08 h 21, le 27 avril 2020

  • Wow, on en a le vertige... Ces mesures anti-corruption sont trop belles pour être vraies... Et d’un, ça semble être des mesures préliminaires qui ne précisent pas quand et comment on va les appliquer... Et de deux, voyez cette grotte d’Ali Baba qui s’empresse soit-disant de les appliquer: suspect mais au fond compréhensible, vu que ces Messieurs savent que ça n’ira nulle part tant que tout ce monde est encore en place et que le système judiciaire est aussi corrompu et politisé que le reste... Et de trois, notre premier ministre accusateur n’est même pas politiquement indépendant et sera toujours attaqué par son manque de neutralité et des comptes à rendre à ses parrains bien connus: en tous cas, le cirque a bien débuté entre le camp Hariri et ses détracteurs... Allez, encore une fois, de belles paroles qui ne mèneront à rien tant que les revendications initiales de la population ne sont pas respectées...à savoir un nettoyage total de toute cette classe politique sclérosée.. Mais alors là, c’est toute une autre histoire et, on a peur d’être retourné à la case depart: à quand le reste du feuilleton « révolution » épisode 2?

    Saliba Nouhad

    03 h 00, le 27 avril 2020

  • L'immortel Brassens chantait la vache déguisée en fleur qui fait la belle ...et qui nous mène par le bout du coeur... Le hezb mène Hassan et nous mène à nous tous ...il lui fait croire qu'il nous charme et qu'il mène le jeux alors qu'en fait c'est le shah (hezb dans le texte original) local qui decide tout... Toujours me référant à Brassens il faut faire gare au gorille...

    Wlek Sanferlou

    02 h 59, le 27 avril 2020

  • À la bonne heure, ça bouge, Diab va devoir toutefois se tenir prêt à prendre des scuds, à force de mettre son nez dans les business de tous ces "responsables".

    Marionet

    00 h 43, le 27 avril 2020

  • LA BDL ET LES BANQUES ONT LES NOMS DE CEUX QUI ONT FUITE DES MONTANTS VERS L,ETRANGER APRES LE 17 OCTOBRE. POUR LES AUTRES CORROMPUS, CHEFS D,ETAT, DE PARLEMENT, DE GOUVERNEMENTS, MINISTRES ET FONCTIONNAIRES PUBLICS APPLIQUEZ LE MEN AYNA LAKA HAZA ET CONFISQUEZ AVOIRS ET PROPRIETES AU LIEU DE VOULOIR RECUPEREZ LES MONTANTS VOLES DES ECONOMIES D,UNE VIE DE 2PCT DES DEPOSANTS INNOCENTS. HASSAN DIAB, VOILA LE CHEMIN A SUIVRE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 30, le 27 avril 2020

  • Tous les services de l'état et les fonctionnaires sont placés par les voleurs qui les protègent les emploient. Trouver des responsables du mal dont endure le pays est quasi impossible. Sinon on aurait déjà vu l'effet que donne cette déclaration du premier ministre sur cette bande de voleurs.

    Citoyen

    00 h 14, le 27 avril 2020

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