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À La Une - Justice

Du renseignement d'Assad à l'exil, le parcours de deux Syriens jugés en Allemagne

L'un d'eux, Anwar Raslan, doit s'expliquer sur son rôle dans la mort de 58 personnes et la torture d'au moins 4.000 autres dans le centre de détention d'al-Khatib à Damas entre le 29 avril 2011 et le 7 septembre 2012.

Anwar Raslan, ex-haut gradé des renseignements syriens, lors de son arrivée au tribunal de Coblence en Allemagne, où il comparaît pour crime contre l'humanité, le 23 avril 2020. AFP / POOL / Thomas Frey

Des services de renseignement syriens à l'opposition en exil, la justice allemande s'est penchée vendredi à Coblence (Ouest) sur le parcours tortueux des deux accusés du premier procès au monde des exactions imputées au régime de Damas.

Au deuxième jour de cette audience historique, la cour a d'abord tenté de comprendre l'itinéraire du plus haut gradé, Anwar Raslan, 57 ans, qui comparaît pour crime contre l'humanité. M. Raslan devra s'expliquer sur son rôle dans la mort de 58 personnes et la torture d'au moins 4.000 autres dans le centre de détention d'al-Khatib à Damas, dit "branche 251", entre le 29 avril 2011 et le 7 septembre 2012. Durant 18 ans, Anwar Raslan, qui veut prochainement s'exprimer dans une déclaration écrite à la cour, a travaillé au sein des services de renseignement syriens, les moukhabarats, a expliqué un enquêteur de la police criminelle allemande (BKA) appelé à la barre vendredi. Ce passé, Anwar Raslan n'en a jamais fait mystère lorsqu'il a trouvé refuge en Allemagne, comme quelque 700.000 Syriens depuis le déclenchement de la guerre il y a neuf ans. C'est d'ailleurs lui qui, sollicitant une protection policière, a la première fois raconté son revirement à des policiers dans un commissariat berlinois, en février 2015, cinq mois environ après son arrivée en Allemagne.


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Menacé

Il se sent en effet "menacé par des agents des services secrets syriens", selon cet enquêteur, parce que après avoir déserté en décembre 2012, il a rejoint les rangs de l'opposition syrienne en exil. Les enquêteurs allemands se penchent alors sur le parcours de cet homme moustachu qui porte un grain de beauté caractéristique sous l'œil gauche. Interrogé par deux fois par la police criminelle, il livre "des informations vastes et variées" sur ses activités, selon le policier devant la cour. Il explique notamment comment au sein de la branche 251 dans laquelle il a été "promu en janvier 2011 au plus haut rang", des militaires procèdent à des "arrestations arbitraires", selon cet enquêteur. "Il affirme aussi que les interrogatoires se font dans la violence", poursuit l'enquêteur qui décrit à la barre les différentes méthodes de torture perpétrées dans cette prison. Puis Anwar Raslan change de camp. Il fuit la Syrie avec sa famille et rejoint l'opposition. Il participera même à des négociations de paix en 2014 à Genève. Finalement il obtient un visa pour l'Allemagne délivré par l'ambassade à Amman. Le ministère allemand des Affaires étrangères atteste du "rôle manifestement actif" d'Anwar Raslan dans l'opposition. C'est d'ailleurs parce qu'il a rallié l'opposition qu'il n'envisage pas une seconde pouvoir être inquiété en Allemagne pour ses activités passées, selon la presse allemande et des activistes syriens. Il sera finalement arrêté en février 2019 avec un autre ex-membre des services de renseignement, Eyad al-Gharib, assis à côté de lui dans le box des accusés.


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Demandeur d'asile

Arrivé en Allemagne en avril 2018, ce dernier, âgé de 43 ans, répond de complicité de crime contre l'humanité. Lui non plus n'a jamais cherché à dissimuler son passé lorsqu'il a déposé une demande d'asile en mai 2018, plusieurs années après avoir déserté l'armée. Il a ainsi livré des "informations sur son activité dans les services de renseignement syriens" devant l'Office pour les migrations et les réfugiés (BAMF), chargé de statuer sur les demandes d'asile.

Poursuivi notamment pour son rôle dans l'arrestation et l'emprisonnement de 30 personnes à l'issue d'une manifestation à l'automne 2011, Eyad al-Gharib a travaillé sous les ordres de Hafez Makhlouf, cousin de Bachar el-Assad et considéré comme faisant partie du cercle intime du président syrien. L'un de ses proches, installé de longue date en Allemagne, a dressé récemment dans la presse le portrait d'un militaire obligé de se plier aux ordres de ses supérieurs même s'il était au courant des sévices endurés par les manifestants interpellés. "S'il avait dit ne ce serait-ce qu'un mot, la vie d'Eyad n'aurait pas eu plus de valeur qu'une cartouche" de pistolet, a expliqué ce proche, Zaïn al-Hussein, dans la Süddeutsche Zeitung.


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