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Moyen-Orient - Focus

Moscou tire à boulets rouges contre Damas... via des médias d’État

La Federal News Agency tenue par un proche de Vladimir Poutine pointe du doigt les affaires de corruption au cœur du pouvoir syrien.

Rencontre entre le président syrien Bachar el-Assad et son homologue russe, Vladimir Poutine, le 7 janvier dernier. Photo AFP

Ce sont des attaques sans précédent que la Federal News Agency, très proche du président russe Vladimir Poutine, a publiées il y a quelques jours contre le président syrien Bachar el-Assad, accusant ce dernier d’être faible face à la corruption qui gangrène son pays. Ce n’est pas la première fois que des médias russes émettent des critiques contre le régime syrien et sa gestion des territoires sous son contrôle. Mais cette fois-ci, elles se veulent autrement plus explicites et tirent à boulets rouges contre des membres du premier cercle du pouvoir. Elles semblent également évoquer l’état d’esprit actuel du Kremlin, impatient et frustré face au régime.

Les victoires militaires successives en Syrie promettaient à Moscou une mainmise économique accrue sur le territoire. Ces ambitions ont en partie été réalisées. Mais pas assez vite au goût du Kremlin. « Les entrepreneurs russes se rendent compte qu’il est très difficile de travailler en Syrie avec toutes ces compétitions entre les différentes branches au sein du régime et l’état de délabrement du pays. On n’est pas encore sorti de neuf ans de guerre qui ont détruit l’économie et le tissu social avec, tout en haut du régime, un pouvoir qui refuse de faire quelque compromis que ce soit », explique à L’Orient-Le Jour Jihad Yazigi, rédacteur en chef du site d’information économique The Syria Report. D’autant plus que le pays est plongé dans une grave crise économique avec une dépréciation historique de la livre syrienne et une augmentation des prix des denrées alimentaires de première nécessité qui ont conduit les autorités à mettre en place un système de rationnement de certains produits. Les Syriens doivent faire face à des pénuries en tout genre, qu’il s’agisse de l’eau, du carburant ou encore de l’électricité. Les Russes doivent aussi composer avec les velléités de leur rival et partenaire iranien en Syrie, qui cherche également à récupérer sa mise.

La Federal News Agency est dirigée par l’homme d’affaires russe Yevgeny Prigojine, dont le surnom de « cuisiner de Poutine » évoque à lui seul les relations privilégiées qu’il entretient avec le chef de l’État russe. Ses faits d’armes sont nombreux. Dans le contexte syrien, et bien qu’il le nie formellement, M. Prigojine est avant tout suspecté d’être à la tête du groupe de mercenaires russes Wagner qui a envoyé ses hommes en Syrie – mais pas seulement – pour combattre aux côtés des forces russes alliées au régime sur le terrain.


(Lire aussi : Zarif reçu par Assad à Damas)

Articles à charge

Mercredi dernier, trois articles ont été publiés en moins de trois heures sur le site de l’agence de presse, tous d’une virulence jamais vue jusque-là contre le régime. Ils mettent en cause des officiels syriens pour leur utilisation de l’aide financière de la Russie à des fins personnelles. Les critiques vont même jusqu’à accuser le pouvoir de diffuser de « fausses informations » et soulignent sans ambages un déclin important de sa cote de popularité. En ligne de mire, « les stratagèmes de corruption au sein du gouvernement ». « Bachar el-Assad contrôle faiblement la situation sur le terrain et le pouvoir en Syrie dépend entièrement d’un appareil bureaucratique », écrit le média russe. Le fossé qui sépare les élites et la majeure partie de la population est évoqué en termes crus ; les conditions de vie des Syriens qualifiées de « catastrophiques ».

« Là où la critique semble juste côté russe, c’est que dans des régions comme celles de la Ghouta et de Deraa, sous le contrôle du régime et où la Russie a fait des promesses à la population et à des groupes armés qui étaient avant au sein de l’opposition, cela s’est avéré jusque-là être un échec complet », analyse Joseph Daher, professeur à l’Université de Lausanne en Suisse.

Mais c’est avant tout l’impact des activités du régime sur les intérêts de Moscou qui contrarient l’agence, qui se fait l’écho du Kremlin. « L’une des choses à retenir, c’est qu’il est beaucoup fait mention des intérêts économiques russes en Syrie et du fait qu’ils ne sont pas assez pris en compte par le pouvoir syrien. Une des raisons de cette campagne est liée aux intérêts des oligarques russes, proches de Poutine, dont le chef de la Federal News Agency », résume Jihad Yazigi.

Un autre article évoque un sondage mené par la Fondation pour la protection des valeurs nationales auprès d’un échantillon de 1 400 personnes révélant que seuls 32 % des Syriens auraient exprimé leur volonté de soutenir le président actuel au cours des prochaines élections de 2021. Le président de la fondation, Alexander Malkevitch, explique cette chute par le haut niveau de corruption et les conditions de vie délétères de la population. Des propos qui ont de quoi surprendre, tant Moscou s’est efforcé au cours de ces dernières années de refaire une beauté au régime en présentant aux yeux du monde l’image d’un homme d’État apprécié par son peuple.

« Il est fait mention à plusieurs reprises de l’échéance de 2021, ce qui indique que les Russes veulent utiliser la perspective de l’élection présidentielle comme une carte dans leurs négociations avec le régime », avance M. Yazigi. « Maintenant, il faut aussi savoir que la Federal News Agency a retiré les plus grands articles publiés et qu’elle a même publié un autre article pour dire que son site a été piraté. Mais ça ne change rien au contenu, d’autant plus que d’autres articles ont été publiés sur d’autres sites web », ajoute-t-il.

Dans un dernier article, le site pointe les relations houleuses entre la famille Assad et celle de son cousin Rami Makhlouf, jusqu’à récemment considéré comme la plus grosse fortune du pays. Dernièrement, les relations entre les clans Assad et Makhlouf ont tourné au règlement de comptes, notamment depuis qu’Asma el-Assad, la femme du président, s’est remise de son cancer du sein. Cette dernière chercherait désormais à mettre la main sur de larges pans de l’économie du pays, parmi lesquels les investissements de Rami Makhlouf.« Les rentes se sont amenuisées et les différents réseaux de pouvoir se battent entre eux. Au sein de la famille Assad, Asma el-Assad, en particulier, veut un plus grand rôle », évoque M. Daher. « L’argent de Makhlouf n’est pas du tout touché. Mais c’est surtout une question de renforcement du pouvoir au sein de la famille Assad, à travers Asma mais aussi de la quatrième brigade de Maher el-Assad (frère du président), dont le rôle économique a explosé au cours de la guerre. Ils empiètent sur le terrain de Makhlouf », poursuit-il. La société Takamol qui appartient au cousin d’Asma el-Assad a étendu ses tentacules depuis 2016 et la signature d’un contrat avec le gouvernement Assad, grâce auquel elle gagne 400 livres syriennes par carte à puce produite, selon al-Araby al-Jadeed. Ces cartes électroniques ont été approuvées pour la distribution de carburant, de sucre, de riz, de thé et de pain. L’entreprise gagnerait 100 livres syriennes à chaque fois que la carte est utilisée. Un business extrêmement lucratif auquel le ministre du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs aurait mis fin, chargeant Mahroukatt, une société d’État en charge de la distribution de carburant, de prendre le relais. Cette décision serait la conséquence du tollé provoqué par l’achat d’un tableau à plus de 30 millions de dollars par le président syrien à la Première dame, affaire que les médias russes ont été les premiers à divulguer la semaine dernière.


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Ce sont des attaques sans précédent que la Federal News Agency, très proche du président russe Vladimir Poutine, a publiées il y a quelques jours contre le président syrien Bachar el-Assad, accusant ce dernier d’être faible face à la corruption qui gangrène son pays. Ce n’est pas la première fois que des médias russes émettent des critiques contre le régime syrien et sa gestion...

commentaires (17)

Ca fait la joie des sionistes

Eleni Caridopoulou

20 h 48, le 23 avril 2020

Tous les commentaires

Commentaires (17)

  • Ca fait la joie des sionistes

    Eleni Caridopoulou

    20 h 48, le 23 avril 2020

  • ...N oublions pas que notre gouffre financier est en bonne partie dans les poches des syriens....

    Jack Gardner

    16 h 21, le 23 avril 2020

  • Notre classe politique est plus disciplinée que celle de la Syrie. Personne ne chasse sur le terrain de l'autre. C'est une classe politique polie, qui a la corruption paisible et bon enfant. Les corrompus Syriens vont finir par nous envier les nôtres.

    Citoyen

    14 h 04, le 23 avril 2020

  • Khadafi, Saddam, Pol Pot, El Bashir, Amin Dada, Milosevic, Cuasescu, pour ne parler que des plus recents ont tous massacre leur peuple et se sont cru invincibles jusqu a ce que meme leur parrains les abandonnent ..Bachar ne fera pas exception.

    Liban Libre

    13 h 39, le 23 avril 2020

  • Tous les genocides tot ou tard connaissent une fin tragique .....Hitler,Milosevic.... la marionette Bashar pensait etre l exception,il se croyait au dessus de Dieu ....maudit soit il ....mille fois....son sort est jete......

    HABIBI FRANCAIS

    13 h 26, le 23 avril 2020

  • C'est un ménage qui se joue à 3 , Poutine, erdo et BASHAR. Devinez qui sera le cocu ? HAHAHAHA Un indice , en Palestine usurpée on a eu un ménage du même genre , l'amerique, isreal et les palestiniens usurpées . Qui s'est fait b.i.é à la fin ? Hahahaha

    FRIK-A-FRAK

    12 h 40, le 23 avril 2020

  • On croise les doigts pour que tous ces chiffonniers se battent entre eux et contaminent tous azimuts la classe pourrie qui domine notre pays pour qu’ils se liquident entre eux. Tous les films entre les mafias rivales finissent dans un règlement de comptes sans faire dans la dentelle en occultant les liens filiaux comme les alliés d’hier. Poutine sachant bien faire alors le compte à rebours peut commencer.

    Sissi zayyat

    12 h 08, le 23 avril 2020

  • Entre le Liban et la Syrie' l'union de la corruption'.

    EL KHALIL ABDALLAH

    11 h 08, le 23 avril 2020

  • Ne nous indignons pas trop, nous avons les mêmes au pouvoir au Liban.

    Christine KHALIL

    11 h 06, le 23 avril 2020

  • Bof...un jeu.

    Marie Claude

    10 h 48, le 23 avril 2020

  • Ne nous indignons pas trop, nous avons les mêmes au pouvoir au Liban.

    Christine KHALIL

    10 h 44, le 23 avril 2020

  • Et voila! Les Loups et les hyènes ne peuvent se partager un même territoire... Sa finira mal cette histoire et la fin ne sera surement pas en faveur d'Assad ni de Khamenei... Poutine ne blague pas lui! Les Russes ne lâchent peut être pas leurs allies tant que ceux-ci courbe l’échine mais gare a celui qui se rebiffe. Je leur souhaite a tous bonne chance...

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 37, le 23 avril 2020

  • RIEN DE NOUVEAU POUTINE. IL EN A TOUJOURS ETE AINSI. VOUS LE SAVEZ PLUS QUE TOUS VOUS QUI FAITES LA GUERRE POUR EUX.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 47, le 23 avril 2020

  • c'est ce systeme que les assad ont exporte au Liban et avec lequel on (sur)vit depuis 1990. Toute cette clique de politiciens que vous voyez passer aux ministeres et parlement ont pour origine Anjar.

    Elementaire

    06 h 41, le 23 avril 2020

  • Les syriens méritent mieux que les abus de toute part. Leur révolte a été étouffée par Poutine qui est responsable autant que Assad. Aucun espoir avant le départ de l'un et l'autre.

    Esber

    03 h 49, le 23 avril 2020

  • Welcome to the Levant ya istéz Poutine...deux mots à apprendre dans ce chez nous sympa: inchallah et, surtout, bakchichs. Corruption? Connais pas...

    Wlek Sanferlou

    03 h 02, le 23 avril 2020

  • Si c'est le cas? Assad est fichu.Il sera vite laché par l'iran alors. Il y aura des tensions au liban, entre les pro-assad au liban (frangieh et berri surtout sans oublier aoun ) et les pro-iraniens (hezbollah). La gueguerre Amal / hezbollah n'est pas loin si la russie lâche Assad ( l'iran seule ne pourra pas soutenir Assad et devra lui trouver un remplaçant alaouite agrée par Poutine, pour garder la main sur place. Espérons que si tension entre Amal et hezbollah? Elle restera "politique" étant donné les armes entre leurs mains.

    LE FRANCOPHONE

    01 h 48, le 23 avril 2020

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